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sur 831 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Qui délire ? Un homme de trente-deux ans qui en savait trop se glisse dans la carcasse d'un alcoolique agonisant de quatre-vingt-quatre. Janet-Giono, Giono-Janet parle libre quand les autres « déparlent ». Sous l'immunité du glas, il profère les insanités, les grossièretés, scande les mots parlés qu'on ne saurait confier à la littérature française de 1929. Qui blâmera un vieillard au seuil de sa vie? « Une avait le cul comme une meule de paille et la poitrine comme un tire-vin, a se tortillait que ses longs nichons en claquaient pire que des banderoles et flic et floc et je t'en fous (…). J'ai lancé mes mains dessus. M'a pissé dessus la salope… ». Janet souffle entre les dents ce qui suffoque Giono. Il a pas fait l'école, on l'a envoyé à la guerre. Au Chemin des Dames! Et la suite donnera des raisons à la colère de Janet: la guerre, encore! Et après la deuxième, la taule ! Et pourquoi ? Pour le punir de mieux écrire que les types de Saint Germain ?
« -Couillon
-…
- Couillon, je te dis. Et ça veut commander, ça. (…)
- Vous êtes foutus
- Ne dis pas ça, Janet. On dirait que tu en es heureux.
- Je suis bien content ; des couillons comme vous il y en a toujours trop »
Traduit dès 1929 aux Etats-Unis, ami de Chester Himes et pen-friend d'Henry Miller, Giono crée le roman moderne américain, celui des héros ruraux sans grade et sans cités, ceux qui ont tout perdu sauf leur langue, LA langue. Dans Colline comme dans Prélude de Pan (1935), le héros est l'émissaire de Pan. Ce qui signifie qu'en littérature, Giono c'est Pan lui-même.
« Et c'est là qu'il s'est mis à parler, comme s'il avait été la fontaine du mystère. Ça s'est tout construit : un monde né de ses paroles. Avec ses mots il soulevait des pays, des collines, des fleuves, des arbres et des bêtes; ses mots, en marchant, soulevaient toute la poussière du monde. »
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Auteur préféré de madame ma femme, il est en passe de le devenir pour moi également. Colline est son deuxième bouquin proposé chez Grasset qui n'acceptera pas le premier. Colline, c'est un condensé cru et puissant de la Provence des montagnes, loin de la Provence avec cigales et tirs de pétanques et pastis et j'en passe. Ici, c'est rude, les éléments, les gens, les situations. La nature se venge, les hommes la méritent-ils. le vieux qui se meurt reproche au gendre de ne voir qu'un arbre quand il regarde un arbre, que le ciel quand il observe le ciel. Il lui reproche à lui et aux autres de ne pas la mériter la Nature où ils vivent, de n'y perpétrer que souffrances et morts. On pourrait croire tout cela très actuel. Un long poème sombre et noir sous le beau soleil des montagnes de Lure, près du Ventoux. A suivre avec les deux autres volumes de la trilogie de Pan (Un de Baumugnes et Regain...).
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Au début, il m'a fallu un peu de courage pour plonger dans cette langue, pour m'habituer à ces mots si étranges. Mais, très vite, j'ai été transportée sur la colline, au coeur de ce hameau, et j'ai partagé le quotidien de ces paysans, j'ai vécu l'intimité de leur vie.
Ils vivent depuis toujours au contact de la nature, mais soudain tout semble se détraquer, tout est remis en question, depuis qu'on vieil homme s'est mis à délirer. A moins qu'il n'ait raison ? Aveuglés par leur force et leurs certitudes, les hommes ignoraient l'Inconnu terrifiant – la Réalité qui à présent les assaille.
Au-delà des mots, c'est à un voyage au coeur de l'âme humaine que nous invite Jean Giono.
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La colère de Pan.

Une communauté paysanne, quasi en autarcie, perdue en Haute-Provence, fait face aux aléas cruels de la Nature.
Les Hommes, emportés par Le Progrès, perdent progressivement leurs liens multiséculaires avec l'essence du monde. Quand le malheur montre son nez, ceux-ci sont incapables d'en reconnaître les signes avant-coureurs, si ce n'est le vieux Janet à l'article de la mort. Ses paroles sibyllines vont alors réveiller un tant soit peu leurs sens, leur compréhension de l'univers et une sensibilité salvatrice. le paganisme suinte et ressurgit à tout instant, comme seul langage compréhensible face aux tourbillons qui arrachent l'Humanité à son berceau primordial: le monde de Pan.
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C'est un morceau de territoire suspendu presque entre terre et ciel, certains appelleraient cela un hameau. Ce n'est pas encore la montagne mais elle n'est guère loin dans le paysage. L'ombre des monts de Lure protège ce petite village de Provence, mais le protège de quoi ? du soleil ? du vent ? de l'ennui ? de la fatalité ? du malheur du monde ?
Ce hameau s'appelle les Bastides Blanches, à mi-chemin entre la plaine et le grand désert lavandier. Quatre maisons forment ce hameau, faisant cercle autour d'une fontaine, émergeant parmi les blés drus. Il est entouré de collines où les genévriers parfument l'air du soir.
C'est un endroit qui ressemble à une carte postale champêtre, une image idyllique et fleurie de Provence.
Une douzaine de personnes compose les habitants de ce hameau. Les hommes sont des paysans. Ils vivent de la terre, entre bêtes et plantes. C'est une petite communauté de femmes et d'hommes en harmonie avec le paysage.
Le plus vieux d'entre eux s'appelle Janet. Il doit avoir dans les quatre-vingts ans. C'est un homme proche de la nature, secret, taiseux. Il est désormais paralysé, alité près de l'âtre.
Et voici que le vieux Janet se met à parler ou plutôt à déparler, et oui ! j'ai adoré ce verbe, déparler, voilà il se met à divaguer, à parler dans tous les sens, ses mots ne semblent avoir de sens que pour lui...
Le médecin est très pessimiste et ne lui donne que quelques jours à vivre.
Et c'est à partir de ce moment-là que les choses vont changer au hameau des Bastides Blanches et tout autour, dans les collines gorgées de vents, enivrées de genévriers et de vols de corbeaux.
Le paysage va être l'objet de phénomènes inhabituels, pour ne pas dire surnaturels et les habitants en seront les témoins tout d'abord ahuris... Un sanglier qui s'échappe sous la traque des chasseurs, un chat noir qui apparaît, la fontaine du hameau qui se tarit, la petite Marie qui tombe malade. Les habitants commencent à s'affoler, à devenir presque aussi fous que Gagou l'innocent du village...
Le vieux parle, déparle, évoque l'âme de la colline, évoque le mal qui lui est fait, s'amuse presque devant l'affolement autour de lui...
C'est comme si brusquement des forces souterraines s'éveillaient sous la terre, comme si la colline révélait une sourde colère, une méchanceté prête à se retourner contre les femmes et les hommes de ce village... Comme s'ils devaient expier quelque chose... Mais ils ne comprennent pas ce qu'ils font de mal aux plantes et aux bêtes... Qui a-t-il de mal à pourchasser un sanglier qui va vous offrir une viande succulente ? Qui a-t-il de mal à trancher au couteau la tête de ce maudit lézard qui vous escagasse durant votre sieste ? Et la terre, quoi de plus naturel que de la fendre, la remuer, la fatiguer jusqu'à satiété pour qu'elle vous livre son dû... ?
Alors, le vieux Janet qu'on trouvait plutôt attachant, bon bougre jusqu'ici, ancêtre respecté du village, ne serait-il pas la cause de toute cette malédiction ? L'atmosphère devient brusquement étouffante et menaçante.
Ce court texte mais très dense s'appelle Colline, premier roman de Jean Giono. J'ai aimé sa force souterraine, son propos incisif, son écriture qui est sans répit, rythmée par la beauté de la nature et la superstition des personnages. J'ai aimé cette tension palpable qui gonfle au fil des pages... J'ai aimé ce retournement des choses, quand Giono renverse la table où gisaient les pages comme un ruisseau, renverse le paysage, le retourne comme une chaussette, dévoile l'envers des choses...
Les mots de Giono brusquement deviennent comme les serpents dans les doigts gourds du vieux Janet, s'enroulent autour de notre imaginaire, on se plaît à croire à cette histoire, à plaider pour la cause de cette colline outragée par les coups de pioches et de faux, par l'irrespect des hommes...
C'est cocasse, sensuel, pathétique et cruel... Cela ressemble à une chronique fraternelle et champêtre qui basculerait brusquement dans une sorte de conte gothique, délivrant le cri de la terre et des plantes comme un message d'une terrible modernité.
Ah! Je ne résiste au plaisir de vous partager ce cri du désespoir lancé par un des paysans du hameau : "- Salope, dit-il en tombant, et il bat férocement la colline de ses poings."
La langue est poétique, elle est venue couler sous mes yeux comme l'eau d'une fontaine au milieu d'un village, j'entends le murmure de son écho, c'est peut-être le bruit du vent qui s'immisce dans l'échancrure des chênes ou bien dans le corsage de l'Ulalie... Mais voilà que je déparle à mon tour...
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Aux Bastides Blanches, à l'ombre froide des monts de Lure, habitent une poignée d'habitants. le vieux Janet vit ses derniers jours et le docteur a déclaré que c'était maintenant inutile de le déranger.
Des phénomènes étranges se déclenchent à commencer par la source d'eau du village qui se tarit. Et si c'était le vieux Janet qui provoquait tout cela ? Et ce chat noir qui apparaît chaque fois qu'une catastrophe menace la région !
Et le sanglier qu'ils ont raté !
Janet déparle comme l'écrit Giono. J'ai été charmée par ce verbe. Et s'il disait la vérité. le vieux Janet accuse Jaume de ne pas connaître la nature, l'âme de chaque chose.
En lisant ce roman dans ma jeunesse lors de vacances avec mes parents aux environs de Manosque, les mots et l'ambiance m'avaient conquise. Je n'avais pas réalisé l'animisme qui règne dans le livre.
Au début de cette nouvelle version ( j'avais encore celle de 1960), on explique très bien la philosophie de Jean Giono : le panthéisme et l'animisme qu'il développe dans le livre.
"Colline" est le premier roman de sa trilogie de Pan.
L'écriture n'est pas seulement poétique, elle est violente dans son expression de l'âme humaine parfois, notamment quant au sort qu'ils veulent réserver au vieux Janet.
Voilà déjà le deuxième auteur que j'apprécie et qui a bien fait d'abandonner l'administration. Celui-ci a abandonné l'univers de la banque et Maupassant, l'administration de la Marine.
Une belle relecture. Déjà la deuxième cet été pour l'auteur avec "Le hussard sur le toit"
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Voilà un court roman à lire et à relire tant il est fort, déroutant et mystérieux.
Quatre maisons fleuries d'orchis, à l'ombre froide des monts de Lure composent les Bastides blanches. Treize personnes y vivent. Douze appartiennent aux quatre familles et puis il y a Gagou, l'idiot du village "qui fait le mauvais compte". Les habitants semblent vivre en bonne intelligence et se réunissent volontiers autour de la fontaine qui chante. Seulement voilà, le vieux Janet, ivrogne et sorcier, tombe raide. Il n'en a plus pour longtemps.
La fontaine se tait.
Le vieux, paralysé devant l'âtre, se met à déparler, en proie à des hallucinations terrifiantes. Il voit des serpents lui traverser les doigts. il déverse un flot de prédictions..."Les rues légères, tout à l'heure rosées, bleuissent doucement ; toute la poussière blanche du soleil se dépose dans une coupe de l'horizon, l'ombre de Lure monte". Des drames en série s'abattent sur le hameau.
On peut lire ce court roman comme un conte fantastique, un poème épique ou une fable mythologique. La Nature et ses avatars ( colline, eau, feu ) en est le personnage principal. Tantôt calme et nourricière, tantôt cruelle et violente quand les hommes ne la respectent pas. Alors ceux-ci trouvent un coupable et nourrissent la bête, qui semble s'apaiser. Mais les hommes oublient aussitôt la leçon... L'écriture est formidable. Elle mêle une narration pleine de lyrisme, de métaphores colorées à des dialogues familiers ou grossiers qui imitent le langage populaire des paysans de l'époque.
Je remercie Colchik via Biblioroz pour m'avoir donné l'envie de relire ce livre ( liste des livres pour s'aérer).
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une ambiance,un style,la provence,des mots précis concis,quel narrateur!!!
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Cela paraît un peu vain de faire une critique sur un livre de Giono, l'un des plus grands écrivains de tous les temps. Mais Colline, petit livre, est un chef-d'oeuvre, comme les autres livres de cet auteur. D'abord la langue, qui n'est que poésie. Pratiquement toutes les phrases sont belles. Les images sont puissantes. Et ensuite, le fond. C'est l'histoire de la Nature maltraitée par l'homme, et qui se révolte contre son joug. Gondran a tué, sans raison, a massacré un lézard qui passait par là. Il a voulu être "la bête maîtresse, celle qui tue", et maintenant il a honte. Et tous les hommes sentent que le malheur va arriver. La tension monte, le malaise est palpable, il grandit de page en page, devenant insupportable. C'est magnifiquement écrit. Puis viennent les explications. "Tu le connais, le patron ?" reproche Janet - qui voit plus loin que les autres dans son délire de mourant- à Jaume - Jaume qui représente dans ce livre l'homme pensant, organisé, actif, tueur, celui qui fait plier sous sa volonté les animaux, les plantes, la terre. Mais le vrai patron, c'est elle, c'est la Nature. "C'est fort, une bête. Surtout les petites. C'est fort de coeur. Ca ne crie pas quand tu les tues. T'as pas assez regardé les bêtes qui mouraient" dit encore Janet à Jaume. Alors arrivent les peines et les problèmes, qui font réfléchir les hommes, les font douter. Un incendie, grosse bête furieuse et vivante, finit par éclater, c'est bientôt le chaos, la nature part en cendres, emportant injustement le seul homme qui soit innocent, l'idiot du village, Gagou. Puis c'est la résolution. Les hommes ont-ils compris ? Vont-ils changer ? Les toutes dernières phrases du livre, implacables, nous répondent. Dans cette oeuvre brève et puissante sont posées sans détour, et dans une immense poésie, les questions essentielles.
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Dans un hameau de quatre bastides à l'ombre des collines, vivent quelques personnes au gré du vent, aux caprices de la nature. du plus ancien, Janet, qui se meurt au plus jeune, en passant par le mystérieux Gagou « qui fait le mauvais compte », ils sont donc treize personnes en tout vivant isolés du reste du monde.
De nombreuses figures de style sont présentes dans l'écriture et côtoient un langage poétique mais aussi ordinaire, villageois mêlant ainsi réalisme et imaginaire.
Tout se calque en harmonie avec les éléments naturels, l'eau, le feu, le vent. Les croyances des hommes vont bon train entre l'énigmatique mythe du chat et les paroles porteuses de foudre de l'Ancien.
Jean Giono nous berce sous le chant de ses phrases tantôt paisibles et l'on croit entendre les cigales, tantôt plus tourmentées et l'on perçoit alors l'agitation sous les pierres des collines.
Une très belle échappée au pays du soleil où les dieux ont encore tout pouvoir. « Colline » est le premier tome de la trilogie de Pan.
Qui est Pan ?
Pan est un dieu, il représente la nature unifiée dans un être unique. Celle-ci est belle mais peut être destructrice, c'est une force.
Cette belle lecture introduit les deux suivantes : « Un de Baumugnes » et « Regain ».
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