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sur 673 notes
En 1942 à Paris, s'appeler Vadim Pavlevitch n'est pas le meilleur des passeports, même si on a que 12 ans. Parce que l'amour est plus fort que l'égoïsme, la mère de Vadim l'envoie " soigner son asthme " à la montagne dans la vallée des ours. Vadim doit disparaître pour que naisse Vincent. Sans préparation, Vadim va donc se retrouver propulsé au pied de l'île haute, dans une nouvelle famille et dans une nouvelle peau. C'est la montagne qui va façonner Vincent,Blanche,Louis,Moinette etc aussi bien sûr. On pourrait presque penser que que c'est simple parce que Valentine Goby parvient à nous faire vivre l'émerveillement de Vincent face à ce nouvel univers,et que ce qui fait mal est en hibernation. Vincent vient au monde en hivers! Et il va vivre quatre saisons et milles premières découvertes avec Moinette et tous ceux qui l'entourent,partager des secrets précieux comme tous ceux de l'enfance,ressentir les premiers émois de l'adolescence. La neige crée un cocon qui protège du monde extérieur et surtout des allemands. Et puis le printemps et l'été arrivent, et l'automne...Les quatre saisons de Valentine Goby n'ont rien à envier à Vivaldi. Les notes ne sont pas apprivoisée mais elles se marient avec les senteurs, les couleurs, elles créent des tableaux naturalistes,impressionnistes et font côtoyer nostalgie et soif de vivre.
La minutie et le realisme des descriptions de l'auteure auraient pu faire de ce roman un texte contemplatif mais l'histoire de Vadim et la justesse des sentiments de l'enfance en font un roman bien plus vaste et touchant. C'est une lecture qui restera en moi très longtemps.
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En fuyant Paris, au motif qu'il est asthmatique, pour se réfugier à Vallorcine, un petit village situé dans la vallée de Chamonix-Mont-Blanc, au bord de la frontière Suisse, Vadim Pavlevitch est devenu Vincent. Pour la première fois, le jeune garçon âgé de douze ans découvre la montagne et ses paysages enneigés, constitués de pics, de monts et de crevasses. La sidération fait rapidement place à l'émerveillement. Aux côtés de Moinette, une gamine du cru âgée de dix ans, Vincent va peu à peu se familiariser avec ce monde nouveau dans lequel il faut s'en cesse trimer si l'on veut survivre, mais qui offre tant de richesses et de beautés que le labeur semble être un juste prix à payer.
Ainsi, dans cette petite vallée des Alpes, Vincent va passer de longs mois coupé du monde, protégé par l'hiver et par une nature qui a repris ses droits. Mais, le printemps arrive et la neige fond, découvrant les accès jusque là obstrués... La vallée s'ouvre progressivement à l'extérieur et Vincent voit dans cette ouverture une menace, comme une invitation lancée aux allemands…

J'avais oublié à quel point Valentine Goby était une magicienne des mots! Pourtant, j'avais déjà été bouleversée par la puissance de son écriture à la lecture de Kinderzimmer il y a quelques années de ça… Ce talent s'exprime avec encore plus de certitude dans “L'île haute”, cette histoire lente, propice à la description et à la contemplation, qui avance au rythme des saisons et du climat. Finalement, on pourrait dire qu'il ne se passe pas grand chose dans cette intrigue qui se résume à l'acclimatation d'un petit parisien à un univers qui lui est totalement inconnu, mais qu'il lui est nécessaire d'apprivoiser car sa survie dépend de sa capacité à se fondre dans ce nouveau décor… le roman est donc extrêmement descriptif et tend à rendre compte d'un quotidien somme toute banal pour les gens du coin, mais qui prend une dimension nouvelle sous le regard neuf et naïf de Vincent.

Pour cela, Valentine Goby, grâce à une langue fouillée et incroyablement évocatrice, parvient à nous offrir une immersion totale dans cet univers montagnard, où la rudesse et l'entraide coexistent en permanence. Comme Vincent, on sent le froid vif et piquant sur la peau, on est grisé par les premières fois en skis, on ressent avec enchantement la densité des reliefs et la palette des couleurs, on s'émerveille d'un premier vêlage… J'ai bien souvent eu l'impression d'être dans la peau de Martin, ce berger aveugle, qui s'il ne voit pas, perçoit tout et n'a pas son pareil pour décrire ce qui l'entoure et pour nommer les choses… Cette magie des mots passe par la richesse de la langue et par le recours au patois. Tout est nommé, sans cesse, et c'est cette acquisition d'un langage nouveau qui va permettre à Vincent de se forger une nouvelle identité.

Mais, malgré ce rythme lent et contemplatif qui pourrait paraître un peu lisse, Valentine Goby parvient à toujours faire planer une tension au-dessus de la vallée… On sent L Histoire en marche se rapprocher de cette bulle jusqu'alors préservée de la violence des hommes et on ne cesse de redouter cette épée de Damoclès qui menace de frapper à tout instant… Un texte d'une grande puissance littéraire et évocatrice, qui peut ne pas plaire à tout le monde en raison de ses nombreuses descriptions mais qui a su m'attacher à ses personnages et m'entraîner, l'espace de quelques heures, dans son univers!
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Le nouveau roman de Valentine GOBY, « l'île haute » est à la hauteur de mes attentes. Ce qui me plaît chez cette autrice, c'est l'art de nous surprendre. C'est toujours différent.

J'ai découvert à travers les yeux de Vadim, Heu ! non, de Vincent, la montagne comme jamais. C'est une explosion de sensations, tout d'abord le froid, la neige, l'humidité, le souffle, l'air pur, les montagnes, et avec quel ravissement ! Vincent tentera de dessiner les paysages qu'il voit ou plutôt, ce qu'il en saisit et pour cela il remontera très loin dans le passé. Martin lui décrira ce qu'il perçoit, lui en tant qu'aveugle. Vincent s'imprégnera des sensations décrites par Martin. Cela se reflétera dans ses dessins qu'il garde précieusement. Ensuite, il passera au printemps, qu'il attend avec impatience, tout en l'imaginant, mais il se fait attendre... Il participera à toutes les tâches qu'on lui confiera, car il y a bien des corvées à accomplir à cette époque, pour vivre et survivre. Il veut être un Vallorcin.

Vincent va s'attacher à la famille qui l'accueille et surtout à Blanche. Et à Moinette et à OIga… Il va connaître ses premiers émois, en même temps que le printemps resplendit.

Il est loin d'oublier qui il est, loin de là. C'est ancré en lui, tapit quelque part, mais Chut... la montagne l'aidera à passer les obstacles et à grandir.

Avant de redevenir Vadim.

« [...] Il n'y a peut-être pas de plus beaux artistes que les enfants qui ont l'imagination comme outil premier pour modeler le réel. Oui, c'est ça, je pense, l'histoire d'un émerveillement. » Valentine Goby

Magistral. Une très belle rentrée littéraire…

Bon, c'est pas tout, j'ai d'autre livres qui m'attendent…
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« le froid saisit le garçon à la descente du train ».

Nous voici en route pour l'île haute avec un garçon de douze ans qui arrive avec une bonne soeur, manque de chance, à cause d'une avalanche, le train s'arrête deux stations avant, il va falloir faire le trajet sous la neige, ce qui n'est pas une mince affaire pour ce petit parisien, qui n'a jamais mis les pieds à la montagne !

Il suit l'empreinte de cet homme qu'il ne connait pas, il ne sent plus ses pieds, ni ses mains, il traverse un tunnel, il glisse, escalade, la nuit tombe… Il vient soigner son asthme est-ce la vraie raison ? Car pourquoi doit-il renoncer à son identité, Vadim Pavlevitch, se faire passer pour Vincent Dorselles ?

Ils arrivent à une ferme où l'accueil est chaleureux.

Vadim vient de subir un déracinement violent, il a quitté sa famille, ses repères, l'appartement des Battignoles, il est entrainé dans un tourbillon dont il ne saisit pas les tenants et les aboutissants mais la montagne le sauve, annihile sa capacité de réflexion, il est sous le coup de l'émerveillement, de l'extase.

« La montagne se dresse à contre-jour dans le ciel vert. Ce n'est plus le dôme d'un palais, se dit le garçon, c'est une île, une île dans la neige. Une île haute ». (p.40)

Valentine Goby nous brosse un portrait saisissant de la vie dans une ferme à la montagne. Elle exalte l'éveil des sens et aborde avec sensibilité le passage de l'enfance à l'âge adulte. Sur ce chapitre, je vous invite à vous reporter à la critique de Chrystèle, @hordeducontrevent, qui a signé un de ses sublimes billets, où la plume sensible et subtile fait vibrer les épiphanies.

Voyelles de Rimbaud est souvent évoqué pour dresser des correspondances entre les lettres et les couleurs.

Beaucoup de lyrisme, une belle écriture qui masque la toile de fond, la guerre qui bat son plein.

Je ne me suis pas attachée aux personnages et me demande si la psychologie en fonction des âges de Vadim 12 / 13 ans et de Moinette, 10 ans est plausible.

Les enfants à cette époque feraient toutes sortes de tâches à la ferme. C'est Moinette qui forme Vadim.

« Moinette regarde Vincent partir, dépitée, elle aurait voulu venir mais son père a refusé. Il y a les bêtes à s'occuper, il dit et le col est un travail d'homme. N'importe quoi, sûr que Moinette qui soulève seule des marmites, des tommes, des hottes pleines de terre et des bûches pour le poêle pellerait dix fois mieux que Vincent ». (p.130)

« Toute la jeunesse est à la Poya. Les plus petits bergers on six, sept ans. » (p.148).

J'ai du mal avec le contraste bucolique premiers émois et le tragique arrière-plan qui est occulté.

J'ai contemplé l'île haute comme un beau tableau.

Je suis dans un cycle Valentine Goby. Elle est en résidence d'écriture dans mon réseau de médiathèques. Je m'apprête à la rencontrer samedi 25 mai. J'aurais plein de questions à lui poser, dont notamment pourquoi à deux ou trois reprises le « tu » (s'adressant à Vadim), se substitue au « il » point de vue de Vadim.
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Vadim, un petit parisien de douze ans est envoyé par sa mère dans une famille de paysans vivant au pied du Mont-Blanc.
Pour deux raisons : soigner son asthme et surtout le protéger car on est en 1943 et la famille est juive.
Il devient Vincent.
La découverte de la montagne est un émerveillement.
L'enfant est très attentif aux formes , aux couleurs, aux mots, aux changements.
C'est un contemplatif d'une grande sensibilité.
Il observe tout avec enthousiasme.
Les longs mois d'hiver et de neige.
L'éveil du printemps.
L'es éléments de la nature, fleurs, arbres, animaux, ciel......
La nature rient une grande place dans ce roman.
Tout est parfaitement dépeint.
Encore une fois une belle écriture, encore une fois une belle histoire ;
mais encore une fois l'émotion passe difficilement.
Ça m'arrive fréquemment avec Valentine Goby.
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Vadim apprend des mots issus de la montagne qui l'emprisonne et lui offre une liberté à la fois. Peu à peu, respectant le souhait de parents de plus en plus lointains, il habite une nouvelle identité : Vincent. Et il grandit aussi au contact de son amie Moinette et de Sylvie qui l'a recueilli au sein de sa famille.
L'histoire se laisse happer par des paysages parlant d'eux-mêmes, tout en suivant le processus de survie de Vadim devenu Vincent, comme un enfant qui lâcherait sa chrysalide pour devenir adolescent.

Une belle lecture, tant par l'apprentissage de la montagne et de la vie, que par le témoignage sur le sentiment de danger vécu par les exilés de la seconde guerre mondiale.
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Un enfant arrive en pleine nuit dans une gare de montagne sous la tempête de neige. Accompagné d'une nonne, il a quitté sa famille parisienne et est pris en charge par un autre homme qui va l'amener jusqu'à un hameau d'une vallée perdue des Alpes après une marche de nuit dans la neige. Quand Vincent / Vadim ouvre les yeux le lendemain matin, rien ne ressemble à ce qu'il a connu et tout un monde reste à découvrir : subjugué par les montagnes qui l'entourent il éprouve l'ivresse des premières fois.

Ce livre est magique : magique la plume de l'auteure qui en quelques phrases nous fait sentir toute la détresse et toute l'étrangeté de cette arrivée en pleine nuit et en pleine montagne, de ces humains qui se relaient pour prendre en charge un jeune garçon qui a soudain dû quitter les siens et changer de prénom. Magique la capacité de Valentine Goby de créer tout un monde en quelques phrases, de nous faire ressentir sans grandiloquence ni effets inutiles à quel point voir pour la première fois les hautes montagnes peut être un choc, à quel point cette nature est belle, et comment toute tentative pour la représenter, par l'écrit, le dessin ou les récits est vouée à l'échec. Magique aussi la manière dont elle nous prend petit à petit dans sa trame et nous fait comprendre implicitement le contexte : la seconde guerre mondiale ne sera évoquée que bien plus loin dans le récit et pourtant dès les premières pages on peut deviner le secret de Vadim et tenter de reconstituer son histoire, ressentant ainsi toute l'étrangeté de la situation et échangeant un instant notre place de lecteur avec celle d'un jeune garçon perdu.

Ce roman n'avait a priori rien pour me plaire et pourtant je l'ai adoré, dévoré, j'en ai savouré chaque page. Je déteste généralement les romans trop contemplatifs, faits de grandes descriptions sans vraie intrigue, j'ai besoin que l'auteure raconte une "vraie" histoire avec une trame à laquelle je puisse m'attacher. Ajoutons que j'ai grandi dans les Alpes et pourtant toujours adoré la mer et l'océan (esprit de contradiction quand tu nous tiens !) et que je suis donc assez peu sensible à la beauté et à la magie de la montagne. Et bien malgré tout ce qui aurait dû me faire reposer ce livre, la magie a opéré et j'ai redécouvert ma région natale à travers les yeux d'un jeune parisien émerveillé par ce qui l'entoure ! Valentine Goby a l'art de rendre le moindre petit événement passionnant, de ferrer son lecteur et l'attacher définitivement aux personnages qu'elle décrit, à ces habitants d'un hameau perdu, où les conditions sont rudes, où l'été toujours trop court oblige à travailler nuit et jour. J'ai tourné les pages avec la même joie que Vincent à l'idée de découvrir ce qui allait maintenant arriver, j'ai éprouvé la même impatience à voir l'hiver céder sa place au printemps, à découvrir les surprises de l'été, les bêtes qu'on mène aux champs, les travaux agricoles. C'est tout un monde perdu qui revit sous nos yeux, fait de petits riens, de tâches qu'il faut mener à bout, d'humains qui tentent de survivre dans un environnement hostile. Et puis bien sûr le roman est allé crescendo avec une dernière partie bouleversante dans laquelle la guerre vue jusqu'ici comme une menace diffuse va soudainement rattraper Vincent et ceux qui l'accueillent. La fin est ouverte, laissant le lecteur espérer malgré tout ce qu'il sait de l'horreur de ces années noires, une très belle manière de conclure ce magnifique roman.

Alors si comme moi vous êtes un peu dubitatif à l'idée de lire un roman qui parle de la nature, un hommage aux montagnes que vous craignez de trouver ennuyeux, n'hésitez plus : L'île haute est beaucoup plus que ça et j'espère que vous vous y régalerez autant que moi. J'avais déjà quelques autres livres de Valentine Goby dans ma PAL mais je vais me dépêcher d'aller voir de plus près ce qu'elle a écrit en espérant dénicher d'autres pépites à la hauteur de ce roman !
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D'emblée subjuguée par la richesse de la plume de Valentine Goby, j'ai lu ce sublime, majestueux roman initiatique en mode lecture lente et contemplative, car impossible pour moi de le quitter trop vite.  Je voulais m'imprégner des mots-flocons qui virevoltaient devant mes yeux, comme la neige qui rythme les longs hivers de Vallorcine. 
Asthmatique sévère depuis la naissance, Vincent, 12 ans, rejoint Vallorcine, un village haut perché sur un replat des Alpes, isolé six mois par an, coupé du reste du monde par de longs et rudes hivers, des mètres de neige recouvrant et engloutissant presque tout. 
C'est avec des yeux émerveillés que ce courageux petit d'homme parisien s'éloigne de sa famille pour être confié au bon air de la montagne.  Il est accueilli comme un fils au sein d'une famille qui va lui apprendre la rude et malgré tout belle vie des montagnards.   
Omniprésente la montagne, au rythme des saisons ; 
Omniprésente la montagne, son infinie variété de paysages ; 
Omniprésente la montagne, ses milliers de couleurs chatoyantes ; 
Omniprésente la montagne, son âpreté, sa générosité ; 
Omniprésente la montagne, sa faune, sa flore ; 
Omniprésente la montagne liquide, la montagne rocheuse ; 
Omniprésente la montagne silencieuse ou bruissante des chants d'oiseaux, des cris d'animaux, des eaux qui cascadent, du vent qui tournoie ; 
Omniprésente la montagne, ses habitants travailleurs, généreux et solidaires ; 
Omniprésente la montagne, ses odeurs de terre, de pins, de bruyères, de bêtes ; 
Omniprésente la montagne, son doux soleil, son froid de glace, son blizzard piquant, son brouillard aveuglant. 
Les mots aux infinies nuances de Valentine Goby sont les yeux de Vincent admirant les paysages fluctuant au gré des saisons, évoluant et grandissant dans cette somptueuse nature.  Sa poésie et sa richesse m'ont envoûtée et transportée sur cette île haute. 
Si vous aimez les romans-paysages, cette lecture vous comblera. Elle est aussi peuplée d'enfants, de femmes et d'hommes attachants.
Ce livre rejoint désormais ceux que je relirai sans l'ombre d'un doute.
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Blanc, vert, jaune, ce ne sont pas les couleurs d'un drapeau, ni celles d'une équipe de football, mais les titres des trois grands chapitres du roman de Valentine Goby.

C'est dans un décor impressionnant, «  un squelette de paysage », que l'enfant de 12 ans débarque à Chamonix pour rejoindre sa famille d'accueil ( en 1943). Mais après les heures de train, il faut encore traverser un tunnel à pied ( pour dépasser l'avalanche). «  le noir les aspire », « une frange de stalactites » les dominent.

Dépaysement total , fascination devant la Montagne, Les Aiguilles rouges, un décor imposant qu'il ne cesse de contempler. Valentine Goby le décrit avec un tel brio, que le lecteur est à son tour hypnotisé par cette immensité de blanc. Blanc d'où se détachent les boules rouges du sorbier : «  fruits d'églantiers comme des bonbons givrés, drupes du sorbier des oiseleurs surmontés de hauts chignons de neige… ».

On s'étonne au début du changement de nom du garçon: Vadim doit se glisser dans la peau de Vincent Dorselles, au point qu'il répète son nom d'adoption. Mais ne dévoilons rien. Observons son adaptation chez ces inconnus qui l'accueillent, un couple de fermiers bienveillant. ( Blanche et Albert).
On suit le parcours initiatique au fil des saisons , les multiples surprises de ce jeune garçon asthmatique. Il nous émeut à associer Chamonix avec les gâteaux éponymes.
Tout est nouveau pour lui : depuis la brique pour chauffer le lit, les animaux de la ferme, jusqu'au cabanon en guise de WC.

On devine son attachement à sa famille par son rituel du soir : embrasser le médaillon qui contient les portraits de ses parents et de son frère.

Une fillette de 10 ans, Moinette, se charge de l'initier aux gestes essentiels du quotidien, aux tâches à effectuer dans la ferme. Il l'imite. Il apprend à sevrer un veau. Il se laisse apprivoiser, lui,«  le garçon-vampire », l'urbain, le « monchu ». Il s'approprie un nouveau vocabulaire : « malotte »,  «  cousse », «  vrêt », «  pèle », « veillon »… Son champ lexical se trouve enrichi, tout comme celui du lecteur !

Moinette est sous le charme de sa voix mélodieuse. Elle abuse de son innocence, lui ferait gober n'importe quoi ! Par contre il trouve délicieuse, l'endive, qu'elle lui fait goûter, tout étonné de constater que l'on puisse faire pousser «  ces petits obus blancs aux pointes jaunes jaune pâle » dans une cave ! de même il se régale de la fricassée croustillante de cuisses de grenouilles, pourtant réticent à accompagner Moinette dans cette « mission nourricière ». Louis, le papy, lui fait découvrir le gaillet, aux goûts de citron… A ses côtés, il laboure, étale le fumier.

On assiste à son éveil à la sensualité… née de son contact avec Blanche quand elle le maintient contre elle lors de son apprentissage à skier. Comme il est troublé d'avoir aussi entrevu son corps dénudé. !
Moinette a conçu un refuge à l'écart sur l'île haute juste pour elle et Vincent, mais ce dernier est plus aimanté par une autre jeune fille, Olga.
Les corps masculins ne le laissent pas indifférent, quand ceux-ci se dénudent à la belle saison, lors des travaux des champs.


A l'école, son maître est son allié, il l'initie à la pratique du ski. Quand l'instituteur présente Vincent, originaire de Paris, cela lui permet de parler de la capitale et de sonder les élèves sur leurs connaissances. Paris « est une autre planète » pour Moinette !
La première lettre de sa mère fait le lien avec la capitale, «  les phrases nouent des guirlandes molles autour des épaules du garçon », toutefois il n'est pas pressé de répondre à la lettre de sa maman malgré l'incitation pressante de Blanche .
Quand il convoque le souvenir de la figure maternelle, elle devient un prénom, Sophie, comme si une distance s'était installée entre eux.
De plus, «  Paris, c'est Vadim, quelque fois un regard en arrière peut te changer en pierre ». Il convoquera de nouveau Paris pour répondre aux questions d'Olga et endosse alors le rôle de «  Prince Vincent Dorselles des Batignolles » !


Sa rencontre avec l'aveugle Martin est une autre source d'enseignement. On sait combien les sens d'un mal voyant sont exacerbés. Vincent découvre l'écriture braille que Martin a apprise dans un institut pour aveugles. Il s'attache à son chien Whisky, joue avec lui, se couche même contre son flanc.
Avide de savoir, il lui réclame des listes de mots dont il se gargarise : pour la forêt, pour la montagne, pour la vallée, pour ce qu'il y a sous la neige.
Toutefois, il sera confronté à une expression énigmatique : « le col est ouvert », avant d'apprendre que Blanche a été emmenée en luge à l'hôpital pour y accoucher.


Dans le premier chapitre Blanc, le froid nous transperce mais l'écrivaine réussit , par sa plume poétique, à transmettre au lecteur l'émerveillement de Vincent devant la beauté de la nature. On imagine «  les pampilles de glace qui frangent les bords des fenêtres ».

Le printemps arrivant moins vite , la neige résiste, Vincent convoque les couleurs de cette saison à Paris. Il continue à enquiller « les premières fois ». Pour Vadim, c'est le vert tendre, les jonquilles au pied des platanes ou sa première taupe ...
La nature, il a appris à l'appréhender par la peau, comme un aveugle. Egalement par les narines ( odeurs des conifères, de soupe, de gâteau de pommes de terre et de poires...), les oreilles ( cliquetis d'insectes, pépiements d'oiseaux, borborygmes du torrent, le son des clarines…) et par les papilles ( amertume du pissenlit).
Vincent connaît ses premiers émois amoureux avec les baisers d'Olga, dont «  la langue avait un goût de chanterelles » ! C'est alors qu'une « faim neuve lui a foré l'abdomen ». le voilà confronté à la jalousie de Moinette . Va-t-il réussir à se rabibocher avec celle qu'il a snobée ?


Vincent se retrouve entre hommes depuis l'hospitalisation de Blanche, son inquiétude va crescendo, ponctuée par une litanie de «  Elle n'est pas rentrée quand...».
Le mystère de son absence s'épaissit. le bébé existe-t-il ? Il voudrait que la nature reverdissante , que les champs saturés de fleurs attendent le retour de Blanche.

Très vite, le jaune accapare le paysage. «  On sent monter l'odeur de cire qui annonce les journées chaudes ». Vincent découvre avec stupeur le phénomène des « gazés », ce que le maître nomme «  nymphose ». Les anciens y voient un châtiment du ciel, ce que l'instituteur réfute.
Les nouvelles de sa mère, Sophie Pavlevitch, se font rares. Il se sent orphelin, quand le maître leur fait fabriquer un objet pour la fête des mères. Et il se sent toujours un étranger.

Lorsqu'il accompagne l'abbé Payot, ils tutoient la frontière suisse. Vincent prend conscience du mot, remarquant une ligne de barbelés. La franchira-t-il ?

Grâce aux bribes distillées avec parcimonie, ( pour contexte, la disparition de familles Juives) , on reconstitue les informations sur celle de Vadim. Dans l'almanach de 1942, qu'il consulte avant de dormir , sont consignés les multiples travaux effectués. En marge du calendrier, on note une référence à la rafle du Vél d'Hiv du 18 juillet.



Valentine Goby signe un roman multi sensoriel, traversé d'une explosion de couleurs, plein d'empathie pour son héros qui doit s'adapter à sa nouvelle identité et apprivoiser les paysages de Haute Savoie. On retrouve les constantes de l'écrivaine : le corps, le handicap, la solidarité. Son écriture cinématographique incarne les mouvements des protagonistes ( travelling, plongée, contre-plongée…).
Sa plume poétique, ses comparaisons « gourmandes » tissent des paysages dignes de grands peintres comme «  Friedrich ». Paysages d'une beauté époustouflante.


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Vadim a 12 ans lorsqu'il quitte son Paris natal pour aller dans les Alpes, à Vallorcine, respirer un air meilleur. Parce que Vadim est asthmatique. Et parce que Vadim est juif et que nous sommes au début des années 40. Là-bas, sur les hauteurs, il devient Vincent, gamin issu de la bourgeoisie, accueilli par une famille d'accueil taiseuse mais aimante, dont la femme, Blanche, deviendra comme une mère de substitution pour le garçon. Au coeur des Alpes, il découvrira la grandeur des montagnes, les sommets enneigés, la rudesse des hivers et la douceur des printemps. En s'effaçant pour laisser place à Vincent, Vadim va tomber amoureux de cette nature grandiose, généreuse, dangereuse et parfois hostile; amoureux de ces gens dont la simplicité de leur vie leur permet d'en apprécier encore plus la valeur. Grâce à Moinette, une fillette de dix ans, il découvrira l'amitié, les secrets et la honte. Les joies, les peurs, les pleurs, l'école et les bagarres. Mais surtout, et toujours, les montagnes. Qui se dressent face à lui, vaillantes, en tous temps. Ces pics rocheux qui résistent au temps et aux éléments et qui façonneront à jamais son existence.

Merveilleux récit initiatique au coeur des Alpes, ce roman érige la nature au rang de sacré, de quelque chose d'intouchable, d'inexplicable, qui bouleverse et enivre. Au fil des pages, vue de la hauteur de ce garçon isolé des siens qui ne comprend pas bien les tenants et aboutissants de l'histoire qui est en train de se jouer, Valentine Goby distille avec grâce et habileté les affres d'une époque qui semblent bien lointaine face à l'émerveillement sans fin d'un gamin qui découvre l'immensité au fil des saisons.

Sur fond de tragédie mondiale, c'est toute la beauté de la nature que l'écrivaine met en exergue. C'est beau, c'est poignant, c'est plein de tendresse et très émouvant. C'est une de mes lectures marquantes de cette rentrée littéraire.
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