Catastrophe écologique, toute-puissance des GAFA, télé-réalité mortelle, gouvernements autocratiques, police partout, justice nulle part, ce Rennes du futur proche est hanté par les mêmes spectres morbides qui nous trottent en tête depuis un paquet de temps.
Isabelle Amonou ouvre le bal avec Reconstruire, où, dans une ville ravagée par des ouragans, deux anciens amants se retrouvent sur les rives de la Vilaine. Mention spéciale pour l'ambiance carrément palpable, à base de quartiers immergés et de gangs de gamins bien menaçants.
Utopie vaudoue de
Claude Bathany est probablement la nouvelle la plus pointue du recueil. Direction les pôles de recherche high-tech et scientifique de la ville que les rennais.es reconnaitront sans mal, où une petite bande de foufous part un peu loin dans l'exploration des possibilités de l'intelligence artificielle. Haletant comme il faut.
Dans Prédiction,
Thierry Bourcy nous dépeint une vision un poil cauchemardesque de la société et des relations entre individus où robots sexuels et prédiction des crimes (sans Tom Cruise qui brasse des écrans virtuels) font bon ménage. Une nouvelle efficace qui nous emporte jusqu'aux étangs d'Apigné (encore une fois, les localisations parleront surtout aux rennais.es et breton.nes) mais une chouille trop malegaze à mon goût.
Je suis malheureusement restée un peu au bord de la route avec la nouvelle qui suit, And who hears animals cry ? de
Nathalie Burel. Elle imagine une ville où l'écologie fait loi, renversant une idéologie traditionnellement d'extrême-droite du côté green de la vie. Alors c'est très Rennes comme thème. On y suit surtout un quinqua cismec blanc qui passe sa vie à « ouinouin c'était mieux avant et on peut plus rien dire et rien faire », où être réac c'est résister. Je n'ai peut-être juste pas compris du tout, y a surement une critique là-dessous, mais je… je… déconnexion des synapses.
Danü Danquigny nous propose dans Track une chasse à l'homme façon télé-réalité qui colle bien les miquettes et qui n'est pas si difficile à imaginer quand on se pose deux secondes face aux dérives des concepts à succès.
Je me souviens avoir été carrément bluffée par l'ambiance cyberpunk et juste complètement tarée de Germaine Petrograd de
Benjamin Dierstein qui fait de Rennes une ville vendue à une fausse écologie capitaliste, retournée par les chefs de gangs, les animaux qui se comportent comme des humains, les drones d'Amazon et les combines des uns et des autres… Un joli petit exemple de ce que la nouvelle peut faire, un univers en soi dans un tout petit format.
J'ai beaucoup aimé RoazhonCop où
Thomas Geha imagine une nouvelle escouade de robots CRS armés jusqu'aux dents pour faire régner l'ordre dans la ville. Au-delà du net clin d'oeil aux violences policières qu'on connait un chouïa historiquement par ici, on ne perd jamais le divertissement de vue dans cette nouvelle et c'est la raison numero uno pour laquelle j'aime cet auteur, et accessoirement la SFFF en général.
Très accurate :
Stephane Grangier cause dérives de l'urbanisme rennais dans Bêtes devis eyes, une histoire qui commence par une découverte faite au hasard de la truelle. Amis promoteurs, vous vous reconnaitrez.
Qui dit Rennes dit aussi musique, aussi Arnaud Ladagnous imagine dans Deux mille Trans un festival sur lequel s'apprête à déferler une vague toute particulière, à base de drogue de synthèse jamais vue auparavant. Joli souvenir aussi.
Ambiance zone indus grise grise grise et bâtiment désaffecté avec Rose rouge où
Stéphane Miller imagine le calvaire de deux prostituées venues de l'est avec leur mère maquerelle. Dans le genre sombre, on se pose là aussi.
Frédéric Paulin imagine Rennes sous l'égide du végétarisme obligatoire avec une brigade chargée d'enquêter sur un barbecue clandestin qui part en vrille. La caution un brin sanglante de ce recueil.
La nouvelle suivante est très 2020, très confinement, très Netflix and not chill puisqu'Elodie Roux-Guyomard nous invite à partager la quotidien claustro de son héroïne qui ne quitte plus son appartement après plusieurs épidémies, jusqu'au jour où un fantôme du passé vient frapper à la porte.
On ne fait pas plus rennais non plus que dans la nouvelle de
Christophe Sémont, Ravages, en évoquant la balafre du métro. En plein coeur de la ville, un mal étrange et mortel émerge des profondeurs, menaçant de s'étendre rapidement. Quartier après quartier, tout est bouclé, et les pauvres âmes restées emprisonnées n'espèrent plus rien de l'avenir lorsqu'elles lèvent la tête… C'est parfaitement calibré et ça se termine comme j'aime que ça se termine.
Enfin, le recueil s'achève avec une nouvelle que j'ai beaucoup aimée, Au-dehors. Alors que le danger vient traditionnellement de l'extérieur dans les histoires qui font peeeeur,
Erik Wietzel imagine que les habitations sont devenues des lieux mortels et tous.tes sont contraint.es de vivre dehors. Ca donne un récit très intéressant qui clôt à merveille le schmilblick.
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