L'univers phénicien

Cet ouvrage est essentiellement à dimension archéologique et a le mérite de faire un bilan des derniers chantiers de fouille et sur ceux en cours, approfondissant ainsi nos éléments d'information sur la dimension matérielle des comptoirs phéniciens.

Une fois que l'on a dit cela, il n'en demeure pas moins qu'à la lecture de l'ouvrage on perçoit la grande difficulté des chercheurs à cerner et identifier ce qui relève en propre des phéniciens par rapport aux importations matérielles qu'ils ont pu effectuer ou par rapport aux éléments matériels propres aux peuples chez lesquels ils s'implantaient. Pouvait-il seulement en être autrement pour un peuple, qui bien qu'il ait inventé un alphabet largement utilisé dans le monde antique n'en a pas moins laissé très peu de traces écrites si ce n'est épigraphiques ? Certes, on peut se baser sur les sources antiques qu'exploitent d'ailleurs aussi les auteurs, mais cette historiographie étant romaine ou grecque, comporte bien des interprétations liées à la méconnaissance potentielle des auteurs des us et coutumes phéniciens.

Au total, les auteurs ont eu raison d'intituler cet ouvrage "l'univers phénicien" plutôt que la civilisation phénicienne dont on connaît peu de choses avant que celle ci ne devienne punique sous l'influence de Carthage. L'ouvrage a le mérite de nous rappeler que ces phéniciens étaient d'excellents marins, même si on connaît peu de choses de leurs techniques de construction navale ou de navigation. Vraisemblablement, les phéniciens ont été les premiers à effectuer une circumnavigation de l'Afrique à la demande d'un pharaon. Ils se sont également implantés à Chypre, en Sicile, en Sardaigne, au Maroc, aux Baléares...

Les phéniciens sont avant tout des commerçants qui ont transporté du vin, de l'huile, du bois précieux et de la bibeloterie. Ils se sont installés aux débouchés des routes commerciales des minerais, mais cette spécialisation dans le geste commercial contribue à la difficulté que l'on a de les cerner au travers de leurs sources matérielles puisqu'ils se sont la plupart du temps contenté de transporter les biens, mais n'ont pas travaillé les matières premières pour en faire des produits manufacturés avec un style propre. L'ouvrage souligne l'importance des lieux de culte dans cette dimension commerciale. Il met également en avant le fait que les phéniciens étaient ouverts au monde extérieur plus que les grecs. Ils ont ainsi accueilli dans leurs sépultures des étrangers et parfois les tombes mixtes montrent que des phéniciens se sont parfaitement acculturés dans les sociétés d'accueil.Ils ont su également développer des liens assez forts avec les étrusques.

Au-delà de ces faits, l'étude des sépultures est bien détaillée et montre que les cimetières étaient dans les comptoirs phéniciens situés à la périphérie des zones d'habitation. Les célèbres tophets reçoivent ici une possible interprétation qui en feraient le lieu d'inhumation des jeunes n'ayant pas encore été intégrés à la société civique. Les auteurs remettent donc en cause le caractère systématique des sacrifices humains à Moloch Baal qui ont fait les beaux jours de l'historiographie romaine.

Il convient de signaler que passé le premier chapitre sur l'historiographie, l'entrée en matière du livre est plus facilement apréhendable pour le lecteur qui a déjà quelques connaissances des royaumes antiques du levant : aramémens, royaume Ougaritique, royaume De Mari... Les chapitres suivants sont ensuite consacrés aux analyses des fouilles et sont directement accessibles. Les auteurs ne cachent pas les difficultés de connaissance que l'on rencontre puisqu'ils indiquent eux-mêmes que la datation des sources archéologiques se faisant la plupart du temps en références aux éléments grecs trouvés dans les mêmes couches archéologiques, l'absence de tessons grecs avant le VIIIème siècle empêche souvent une datation précise des éléments sémitiques....