En faisant le récit de quatre histoires policières différentes à plusieurs décennies d'intervalle, le tout sur 460 pages,
Camilla Grebe prend le risque que l'on considère son roman comme une suite de quatre nouvelles, chacune trop courte pour qu'on puisse rentrer réellement dans la peau de ses personnages. Certes il y a un fil rouge qui relie ses nouvelles: des crimes avec le même modus operandi. Est-ce le même assassin? Mais les trois premières nouvelles laissent un goût amer, puisqu'elles restent inachevées. Ceci dit-le récit est prenant et les liens entre les histoires s'avèrent nombreux. Jusqu'à n'en former qu'une seule.
En fait, je me suis plus intéressé au deuxième sujet du roman: à savoir l'évolution de la condition de la femme (en prenant le cas d'une enquête de police) depuis la fin de la seconde guerre mondiale jusqu'à nos jours. En 1944, il y a Elsie auxiliaire de police dans le quartier de Klara à Stockholm qui assiste ses collègues masculins sur les cas où des enfants sont impliqués, en prenant les mêmes risques qu'eux, au péril de sa vie. Ensuite début des années 70, il y a Britt Marie, sa fille, policière à la Brigade Criminelle dans la même ville, persécutée par son chef (parce qu'elle est une femme), reléguée à classer des documents ou écrire des rapports. Puis au milieu des années 80, il y a Hanne, profiler, qui aide la police judiciaire de Kungsholmen à traquer un tueur en série. Elle est un peu plus écoutée et intégrée à l'équipe que les deux femmes précédentes. Mais, quand d'autres priorités apparaissent, elle est quand même congédiée sans ménagement, sans doute parce qu'elle a refusé les avances de son chef.
Enfin arrive 2019. L'auteure précise: ‘Le mouvement #MeToo se propage comme une traînée de poudre et à présent beaucoup de femmes osent se rebeller quand elle se retrouve dans la situation de Hanne trente ans plus tôt… Au sein de la police le vent du changement continue à souffler - plus de quarante pour cent des candidats à l'école de police sont des femmes -.' Malin travaille comme inspectrice au commissariat de Kungsholmen et découvre un squelette de femme dans un parking en démolition près du parc Berlin, épicentre de tous les meurtres précédents depuis 75 ans. Dès lors, les morceaux du puzzle devraient pouvoir s'assembler. Comme le dit
Camilla Grebe: ‘Tout événement a des conséquences et toute fin est le début d'une nouvelle histoire.' Au final, c'est un bon roman à la construction originale, avec une intrigue complexe, une fin un peu décevante, mais qui vaut surtout pour ces beaux portraits de femmes.
Note en forme de question aux spécialistes de
Camilla Grebe. Pourquoi ‘lärmes' et non ‘larmes' dans le titre? Wikipédia nous dit: Dans l'alphabet suédois, la lettre « Ä » dérive historiquement du o umlaut allemand. Elle est prononcée [æ]. Elle est considérée comme une lettre à part entière et est placée à l'avant-dernière position de l'alphabet, après Z et Å, mais avant Ö. Je pense que ce tréma n'est là que pour nous rappeler que l'auteure est suédoise et qu'il ne faut pas chercher plus loin. Un autre avis?