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Écrit par un romancier, dramaturge et scénariste américain du nom de Seth Greenland, ce gros pavé de plus de six cents pages offre un moment de lecture trépidante et captivante, à la hauteur de son alléchante quatrième de couverture. Ancré dans l'air du temps et ses dérives, Mécanique de la chute s'appuie sur de fines considérations psychosociologiques et n'est pas sans rappeler des oeuvres romanesques bien connues que j'évoquerai le moment venu.

Comme il se doit, les personnages sont stéréotypés, mais l'auteur a la subtilité de faire transparaître leur nature humaine faillible. Leurs moments de doute et de mauvaise conscience ne les empêchent toutefois pas de suivre la ligne stratégique qu'ils jugent correspondre à leurs projets.

Jay Gladstone, petit-fils d'un immigré juif venu d'Europe de l'Est, est un magnat de l'immobilier, multi-milliardaire. Il vit dans une somptueuse propriété au nord de New York. Il est propriétaire d'une équipe professionnelle de basketball, membre de la NBA, la très puissante et populaire ligue américaine. Membre du parti démocrate, philanthrope, il fait distribuer d'importantes allocations au profit des familles noires désargentées et verse de larges contributions à l'Etat d'Israël. Ce quinquagénaire soigne sa silhouette et fait de son mieux – du moins le croit-il ! – pour se montrer disponible, ouvert et humaniste. Ses valeurs morales et son attitude en société lui valent l'estime de la plupart de ceux qui l'entourent. Mais sa jeune et jolie femme – un second mariage – risque de lui valoir des soucis...

Les traits de profil qui se dégagent de Jay Gladstone en font un modèle dans le microcosme d'une certaine élite new-yorkaise. Dans d'autres sphères, au contraire, il est le symbole de tout ce qui est haïssable : un mâle hétérosexuel blanc, riche, puissant et juif sioniste. Dans l'une de ces sphères hostiles, sa propre fille, Aviva. Son attitude rebelle renvoie à Pastorale américaine, de Philip Roth.

Jay doit compter avec les exigences folles de Dag Maxwell, une star de la NBA, un joueur d'exception dont dépendent les résultats de son équipe. Les revenus de cet Afro-américain se comptent en dizaines de millions de dollars et ruissellent avec abondance sur sa famille et sur son clan, leur assurant un mode de vie d'un luxe extravagant auquel ils n'ont pas été préparés et qui ne sera pas éternel.

Autre personnage clé, Christine Lupo. Cette femme ambitieuse est procureure dans l'Etat de New York et ambitionne de se présenter aux élections au poste de Gouverneur. Selon la position qu'elle prendra sur un fait divers au cours duquel un Noir a été tué par un policier blanc, elle se mettra à dos la police, son bras séculier au quotidien, ou une communauté noire très remontée après une précédente bavure ayant défrayé la chronique. Il s'avère de surcroît que la victime était de confession musulmane et qu'un étrange imam autoproclamé se met à jouer un rôle trouble. Pour se mettre en valeur, Christine aura la chance de profiter d'une affaire bien plus dramatique et bien plus médiatique, dans un scénario montrant quelques similitudes avec le bûcher des vanités, de Tom Wolfe.

Mais c'est aussi à La Tache, de Philip Roth, et à l'insouciance, de Karine Tuil, que je pense en observant les accusations de racisme portées inconsidérément pour un mot ou un geste anodin sorti de son contexte, amplifiées par des agitateurs bien intentionnés et relayées par des médias complaisants.

La première partie, qui occupe près de la moitié de l'ouvrage, est consacrée à la mise en place de tous les rouages d'une mécanique de précision complexe, dont les engrenages s'enclencheront imperceptiblement avant de s'emballer de façon inexorable, dès lors que des faits soudains, gravissimes et irréparables se seront produits. Après ces déflagrations, je n'ai pas pu lâcher le livre.

Voilà qu'un homme intelligent s'avère être prisonnier de schémas de pensée égocentrés, datés, inadaptés à un monde qui change et qu'il observe de bien trop haut pour en saisir les évolutions. Après un acte impardonnable auquel certains auraient pu accorder des circonstances atténuantes, une série de décisions et de prises de paroles inappropriées risquent de précipiter sa chute.

Au travers de ce roman, l'auteur livre une critique lucide de la société américaine, et par extension, occidentale : culte de l'argent, ambitions obsessionnelles, rancoeurs jalouses, lâchetés bien-pensantes, attitudes communautaires victimaires, accusations de racisme, recherche de boucs émissaires, diffusion de fake news et de vidéos piratées, avec la garantie d'un effet démultiplié sur Internet.

Un livre choc ! Un mot quand même sur l'écriture, dont le style m'a contrarié dans les premiers chapitres. Probablement un problème de traduction : des phrases plates, des mots approximatifs, l'impression de lire l'adaptation française d'un polar de bas étage. Mais par la suite, totalement pris par les péripéties, je n'y ai plus fait attention.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Jay Gladstone dirige un empire financier, c' est un homme puissant mais honnête, peut-être le plus puissant et le plus honnête de New-York, du moins le croit-il.
Mais c' est aussi un homme au milieu des hommes du XXIeme siècle.

Comme beaucoup de mâles Alpha occidentaux à la cinquantaine triomphante, Jay se retrouve en pleine crise familiale et conjugale. Hélas pour toi Jay Gladstone ton statut d' homme puissant, un mauvais timing et une phrase malheureuse vont déclencher une tempête sociale et médiatique que rien ne pouvait prévoir.

L' effet dominos de Charybde et Scylla rien que pour toi, et comme on est jamais si bien trahi que par les siens, " Tu quoque" pourrait devenir ta devise.
Racisme, antisémitisme, arrivisme, opportunisme, politiquement correct, tout cela emporté dans le tsunami des réseaux sociaux et des fake news. Bienvenue au USA.
Formidable bon gros roman américain comme on les aime. "Mmécanique de la chute" ou la description minutieuse de la dégringolade d' un honnête homme. On pense forcément à Tom Wolfe et son "Bûcher des vanités" ou à Philippe Roth pour "La tâche".

Même approche anthropologique, même étude précise du comportement des humains pris dans la nasse de leurs contradictions. Mais nous sommes en 2012, au siècle de Twitter et de Facebook et dans quatre ans l' Amérique élira Donald Trump.

Un roman humaniste et moral, une lecture haletante dont on sort le souffle coupé.

Remercions Seth Greenland qui nous rapporte cette citation de Mark Twain: " Un mensonge a le temps de parcourir la moitié du monde avant que la vérité ait pu enfiler son pantalon".
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Un bon livre c'est, premièrement une bonne histoire, deuxièmement une bonne histoire et troisièmement une bonne histoire. Paraphrasant librement Clouzot, voilà une citation qui s'applique parfaitement à Mécanique de la chute, un bijou de Seth Greenland, traduit par Jean Esch.

À New-York, Jay Gladstone, businessman milliardaire, dirige sans trembler l'empire familial immobilier bâti par son père et son oncle, en prenant soin comme il se doit de respecter les obligations de son rang : soigner ses appuis politiques, afficher ses soutiens philanthropes, investir dans le sport et sortir fréquemment. Sa vie professionnelle et familiale est un équilibre maîtrisé. Enfin semble-t-il…

Car à la cinquantaine venue, cet équilibre est fragile : une femme plus jeune dont les désirs entrent en décalage, une fille qui lui tourne le dos, une équipe de basket pas si successfull qu'espérée, des contrepouvoirs malveillants issus de sa propre famille au sein même de son empire, et j'en passe… Tous les signaux faibles sont là et il suffira d'une scène que Jay n'aurait pas dû voir, d'une phrase qu'il n'aurait pas dû prononcer et d'une réaction qu'il n'aurait pas dû avoir pour que tout s'effondre et que la mécanique de la chute se mette inexorablement en place.

En plus d'être une saga remarquablement construite sans fausse note ni temps mort, Mécanique de la chute est une fine et juste analyse de la société américaine contemporaine et de ces incompréhensions que peuvent en avoir les plus puissants : incompréhensions raciales, religieuses, générationnelles ou sociétales. Alors que le monde bouge, Jay et ses pairs ont conservé les codes des années 90 mais ils ne fonctionnent plus. Plus dure sera la chute.

En complément de ses talents de conteur, Seth Greenland décortique méticuleusement cette convergence des forces inversées qui, à des moments clés de la vie ou de l'histoire, réussit à faire basculer les équilibres établis. Et cela donne assurément un des grands livres de cette rentrée littéraire 2019.
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Titre : Mécanique de la chute
Auteur : Seth Greenland
Année : 2019
Editeur : Liana Levi
Résumé : Jay Gladstone est riche, immensément riche. Juif originaire d'Europe de l'est, sa fortune ne l'empêche pas de devoir composer avec une femme exigeante, une fille rebelle et toutes les contraintes sociales dues à son rang. Comme si cela ne suffisait pas, les basketteurs de la franchise NBA qu'il possède n'en font qu'à leur tête et la star du club, Dag, compte bien renégocier son dernier contrat avant une retraite qu'il espère dorée. La vie de Jay n'est donc pas aussi idyllique qu'elle en à l'air et son retour impromptu d'un voyage d'affaire va l'obliger à assister à une scène qui va changer sa vie. Il ne suffisait que d'une étincelle pour que la vie de Jay Gladstone vole en éclat.
Mon humble avis : Difficile de lire une chronique sur ce roman ne faisant pas allusion à l'immense Tom Wolfe et plus particulièrement à l'un de ses romans phares : le bûcher des vanités. Etant particulièrement fan de l'auteur à l'éternel costard blanc, il m'était difficile de passer à côté de ce titre de Seth Greenland et le moins que l'on puisse dire c'est que je ne l'ai pas regretté. Mécanique de la chute est un grand roman, de ceux qui laissent des traces. Dense, précis, terriblement actuel le récit est centré sur le personnage de Jay Gladstone, le mâle alpha à qui rien ne sera pardonné, ni excusé. Roman politique s'il en est, satire féroce de notre époque où le politiquement correct est dominant, ce récit ne laisse rien au hasard et la chute de Jay n'en est que plus vertigineuse. de nombreux thèmes sont passés à la moulinette de l'écriture vive de Greenland, mais ceux qui prédominent sont évidemment les relations entre communauté et notamment la relation difficile entre juifs et afro-américains. Sur fond de compétition victimaire, d'évolution de la société, l'histoire de Jay est celle d'un homme qui ne comprend plus le monde dans lequel il évolue, un monde dont les codes lui échappe, un monde qui le dépasse et qui va le broyer. C'est intense, révoltant, et pourtant pas toujours très honnête. Je m'explique : que Jay soit traité en victime soit, mais que certains personnages accusateurs soient traités superficiellement est un peu dommage bien que cela serve le propos. Greenland s'éloigne ici de son illustre maître Wolfe dont le soucis était justement de traiter chacun avec équité pour que chaque point de vue soit compréhensible et étayé. Bien qu'un peu gênant, ce bémol ne gâche en rien la lecture de ce bouquin passionnant qu'est la mécanique de la chute. Grand roman de l'Amérique d'aujourd'hui, pavé d'une intelligence et d'une filouterie rare, ce bouquin figurera parmi les très grands textes de cette année. Pour cela et pour le déroulé implacable de son histoire, pour ces partis-pris assumé, pour son intelligence et son humour, je ne peux que m'incliner devant l'immense talent de Seth Greenland.
J'achète ? : C'est un grand oui. Pour sa mécanique d'une précision folle, pour ces réflexions brillantes, pour les thèmes abordés, pour une meilleur compréhension du monde, pour le talent tout simplement. Mécanique de la chute est un roman marquant et l'immense Tom Wolfe, dans sa tombe, peut être fier de son presque rejeton.
Lien : https://francksbooks.wordpre..
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New York 2012
Jay Gladstone, magnat de l'immobilier à New York, propriétaire d'une équipe de basket classée à la NBA est milliardaire. Il incarne la réussite à l'américaine.
Quinqua plutôt beau gosse, époux d'une femme magnifique, apprécié de tous, il fait de son mieux afin d'aider dans la mesure de ses moyens les plus défavorisés : logements sociaux, bourses d'études à des jeunes gens méritants…
Et pourtant cette belle mécanique va se gripper.
Une somme de difficultés vont s'additionner et comme le dit le personnage lui-même : « même si vous croyez être au zénith de votre pouvoir, de vos capacités et de votre influence, un seul faux pas et c'est la chute ! ».
La 1ère partie, une peu longue mais nécessaire, permet de poser le petit monde de Jay et des personnages qui gravitent autour et vont jouer d'une manière ou d'une autre un rôle dans cette chute.
C'est très bien fait. Les protagonistes clés ne viennent pas seulement interagir avec Jay, l'auteur adopte aussi leur point de vue. On entre dans la psychologie de chacun et on découvre leur mode de raisonnement, de justifications pour leurs actes notamment. Sa femme, sa fille, le joueur Star de l'équipe, la procureure ambitieuse, le cousin jaloux…
Cette lecture m'a beaucoup fait penser au Bûcher des vanités mais je dois admettre que je n'ai pas trouvé Jay aussi détestable que le personnage de Tom Wolfe. Certes, il est un peu (beaucoup) imbu de sa personne, il est pétri de certitudes, de son bon droit, mais quand il commet maladresse sur maladresse, c'est tellement énorme qu'on compatit, que j'ai compati. Je me suis surprise à me dire : « Oh, non ! Il ne va pas faire ça. Il ne va pas dire ça ! » Je vous laisse deviner la réponse…
Une lecture que je remets depuis quelques mois. J'ai bien fait de me lancer enfin dans ce pavé car j'ai passé un très bon moment.
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2012 : pendant qu'Obama travaille à sa réélection, Jay Gladstone, magnat immobilier newyorkais s'évertue à consolider sa réputation de mécène et de donateur tout en planifiant d'imposants projets de construction pour sa ville et ailleurs sur la planète. Propriétaire en plus d'une équipe de basketball dans la NBA, Jay a plusieurs poulets au four, mais il gère de main de maître. Son prochain rêve, obtenir un poste d'ambassadeur dans une ville d'Europe qui n'est pas en guerre. Un but réalisable pour lui qui fréquente et prend soin de ses relations politiques. Bref, tout va comme il le souhaite jusqu'au jour où une série d'événements bousculent ses idéaux familiaux et professionnels. Qu'aurait-il pu mieux contrôler, quels gestes ou paroles auraient-ils pu éviter? « Jay avait retenu une douloureuse leçon qui l'avait accompagné toute sa vie : même si vous croyez être au zénith de votre pouvoir, de vos capacités et de votre influence, un seul faux pas et c'est la chute. »
Seth Greenland en fait tout le propos de son récit, jetant à bas tous les dominos, tenant ainsi sa galerie de personnages sur la corde raide jusqu'à la toute fin. Tout un cinéma que ce roman et sur plus de 600 pages d'une écriture concise et implacable, une seule envie, en connaître l'issue qui ne déçoit pas.
Ce n'est pas LE grand roman américain mais il mérite amplement quatre étoiles.
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Réjouissant et inquiétant....
Un livre que j'ai dévoré et que j'ai adoré. Un ouvrage irrésistible sur le politiquement correct et ses ravages aux Etats-Unis (et comme on disait autrefois, bientôt sur nos écrans, je veux dire chez nous ? ). le livre est drôle percutant, jamais ennuyeux. Une fois refermé on se dit que l'on aurait du le lire moins vite pour en profiter davantage. En tant qu'auteur Seth Greenland peut sembler un peu inégal parfois (ce livre-ci est de loin son plus réussi), mais ici il suit ce que l'on pourrait appeler la méthode Tom Wolfe, même structure, même type d'intrigue, et donc on lit cela avec le même type de plaisir que l'on avait pu avoir à lire par exemple Un homme, un vrai...
La descente aux enfer d'un richissime américain constitue donc le sujet de cet ouvrage très drôle (certaines scènes à mon avis resteront définitivement gravées dans ma mémoire), mais qui laisse en fin de bouche un goût tout à fait amer....
Certaines scènes du livre ne sont pas prêtes de s'effacer de ma mémoire !
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Voici un roman-saga comme je n'en avais pas lu depuis longtemps. Harold Jay Gladstone, qui n'a retenu que Jay, dirige un empire immobilier puissant qui pèse sur New York. le début du livre se consacre à la description des personnages principaux, Jay, D'Angelo Maxwell surnommé Dag la star de l'équipe de basket appartenant à Jay, Christina Lupo, procureure, ainsi que de toutes les personnes gravitant autour d'eux. J'ai considéré ces descriptions un peu longues, finalement nécessaire à la compréhension de l'histoire et contribuant à la mise en immersion du lecteur. Jay sera progressivement confronté à de gros dossiers, l'immeuble "Saphir" qui doit être le chef d'oeuvre censé rehausser le quartier de Brooklyn, le désir d'enfant soudain de son épouse Nicole, sa superstar Dag qui ne se montre pas à la hauteur et son cousin Franklin qu'il soupçonne de malversations.

Tous les éléments sont réunis pour faire de ce livre une analyse précise sur la société américaine et ses mécanismes, argent, corruption, sexe, alcool, politique, trahisons, les ambitions personnelles... mais aussi valoriser la qualité d'honnêteté dont fait preuve Jay, c'est du moins mon ressenti et mon sentiment. La composition de tout cela, le croisement des différents destins fait de cette oeuvre une très belle réussite. Tout y est décortiqué pour comprendre cette mécanique.

Ce livre tient en haleine tout le long des 660 et quelques pages, il m'a été difficile de le lâcher tant l'écriture fluide et addictive nous embarque, Seth Greenland a lancé l'hameçon et nous y sommes accrochés. le roman américain n'est pas parmi mes favoris et j'en lis très peu, mais ici j'étais à bout de souffle, horrifié, je compatissais à la personnalité de Jay, j'étais dans sa peau, le comprenais, et j'avais hâte de savoir où allait s'arrêter sa descente aux enfers. L'empire de Jay va t-il s'écrouler ou rester impérial face à l'adversité ? Lisez ce livre et vous le saurez.
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Jay Gladstone, héritier d'un empire financier new-yorkais fondé sur l'immobilier, se considère comme un homme droit. Philanthrope, attentif aux autres, mesuré, il n'échappe toutefois pas aux tracas. Une fille issue d'un premier mariage en pleine rébellion contre son milieu, une femme qui désire un enfant quand lui n'en veut plus, un cousin et associé qui détourne de l'argent de la société, la star de l'équipe de basket dont il est propriétaire qui exprime des exigences trop élevées… Mais Jay sait rester serein dans un monde qui, lui, l'est de moins en moins. On est en 2012, quelques mois après le meurtre en Floride du jeune Trayvon Martin par un policier, et les relations entre les différentes communautés sont tendues. Quand un policier blanc abat un noir dans une résidence appartenant à Jay, ce dernier prend la mesure du fossé qui se creuse. de son côté, la procureure Christine Lupo, qui brigue le poste de gouverneur, recherche une affaire médiatique qui pourrait l'aider à se placer en bonne position dans les élections à venir.

La mécanique de la chute du titre se met en place, presqu'insensiblement, dès les premières pages du nouveau roman de Seth Greenland. La description du quotidien de Jay Gladstone et des événements qui commencent à agiter New York à la veille du deuxième mandat de Barack Obama, s'imbriquent peu à peu. Dans une longue première partie, Greenland place ainsi ses engrenages avec précision et subtilité. La manière dont il pose ses personnages et expose leurs pensées se révèle particulièrement drôle et fascinante. de fait, chacun d'entre eux, Jay, Christine Lupo, Dag, la star de l'équipe de basket de Jay, puisqu'il s'agit de personnages publics, se doit de contrôler son image et, surtout, ses paroles. Dans une Amérique à fleur de peau, tout est sujet à interprétation, chaque phrase peut déclencher l'ire de telle ou telle communauté ou d'un groupe d'intérêts. Soucieux non seulement de son image mais aussi de la personne qu'il est ou désire être, Jay passe ainsi un temps infini à analyser ses propres pensées, à se demander si ce qu'il pense et éprouve correspond à la fois à son éthique personnelle et au politiquement correct attendu de quelqu'un de son rang. Ainsi en va-t-il par exemple des pensées qui l'assaillent lorsqu'il récupère sa fille Aviva, et la petite amie de cette dernière, Imani, qui est noire :

« Et d'abord, que représente donc Imani Mayfield pour Aviva ? Est-elle une simple camarade de fac, ou bien Aviva traverse-t-elle une phase lesbienne sociologiquement obligatoire ? À l'instar d'un grand nombre de personnes de son entourage, Jay est progressiste en matière de sexualité, il est favorable au mariage homosexuel et pour l'égalité des LGBT, mais au fond de lui-même, il souhaite fortement ne pas avoir un enfant gay, essentiellement parce qu'il devine que l'homosexualité rendre la vie de cet enfant plus difficile. En outre, aucun individu ouvertement gay n'ayant croisé son chemin avant qu'il aille à l'Université, ils ont toujours été à ses yeux comme des Bulgares ou des Fidjiens, en quelque sorte : des êtres parfaitement acceptables, mais indéniablement exotiques. Il met ces préjugés rudimentaires sur le compte de son époque, refuse de se laisser torturer par cette question et fait un don annuel au GMHC, un organisme de lutte contre le sida. Mais que signifiait ce baiser sur la bouche à l'aéroport ? Si sa fille est réellement gay (c'est très bien !), sa petite amie est noire. Même si cela ne pose aucun problème en soi, dans les deux cas, pour un contemporain du Spoutnik, c'est… Il ne sait quel mot employer. Dérangeant ? Non, c'est trop fort. Déconcertant ? Oui, on s'en approche, mais ce n'est pas exactement ça non plus car en avouant être déconcerté il reconnaitrait qu'il y a là quelque chose de dérangeant. »

Mais dans un monde où les inégalités et les injustices ont fait leur oeuvre et où s'est engagée une véritable compétition pour savoir qui souffre le plus ; ou, aussi, les plus cyniques attendent une opportunité pour pouvoir placer leurs propres pions en utilisant l'émotion des uns ou des autres, il peut suffire d'un accident, d'une phrase irréfléchie, pour que les engrenages se mettent en marche et broient un homme. C'est ce que s'attache à montrer la deuxième partie de Mécanique de la chute, indéniablement plus noire que la première mais avec encore son lot de situations absurdes qui soulignent avec humour la terrible ironie du sort, l'impossibilité de se justifier sans créer un nouveau scandale. Jay Gladstone se trouve alors comme pris dans des sables mouvants : il voudrait s'en extraire, mais chaque mouvement l'y enfonce un peu plus.

Monument d'humour et d'intelligence, Mécanique de la chute, pointe ainsi les dérives et l'impasse dans laquelle mènent les compétitions mémorielles ou l'usage du concept d'appropriation culturelle à une époque où la réflexion est abandonnée au profit de réactions épidermiques suscitées par des phrases tirées de leur contexte, d'événements dont on ne se soucie guère de l'enchaînement de circonstances qui y ont mené. Seth Greenland décortique cette mécanique avec une ironie qui n'exclue pas une certaine gravité et si, à travers cette histoire, il grossit forcément un peu le trait, il n'en fait pas pour autant un pamphlet, s'attachant toujours à saisir les sentiments et motivations de chacun. Un roman aussi passionnant qu'intelligent.
Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Une histoire de sommets à gravir puis de chute(s). La descente aux enfers lente et implacable d'un magnat new-yorkais. le thriller est efficace, s'installe et se construit puis déroule une mécanique précise et toutefois surprenante. L'analyse sociale en toile de fond, quoique parfois peinte à gros traits, est solide et délivre son message.

Ce roman a beaucoup été comparé au « Bûcher des vanités » de Tom Wolfe. L'intrigue repose effectivement sur des ressorts similaires et on pourrait voir dans cette écriture longue et minutieuse une volonté d'inscription dans l'héritage du nouveau journalisme. Je n'y ai pourtant pas retrouvé le maître... Davantage la précision factuelle d'un Grisham sur la mécanique narrative d'un Connelly.

Il n'empêche : il est efficace et offre un très bon moment de lecture !
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