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Daniel Grenier (Traducteur)
EAN : 978B08X5ZGQ4F
193 pages
Mémoire d'Encrier (10/03/2021)
4.25/5   12 notes
Résumé :
Annie Muktuk Et autres histoires Norma Dunning Traduit de l'anglais par Daniel Grenier J'ai appris quelques trucs importants au cours de mes trente et quelques années de vie. Ne tombe pas en amour. Baise-les lentement. Baise-les fort. Et ne les baise jamais deux fois. Le sexe, c'est ma matière forte. Ca me donne de la puissance. Ca m'apporte un étrange réconfort. Annie Muktuk, les hommes la désirent et se l'arrachent.
Elle règne avec sa beauté légendaire et ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Des nouvelles du Nord… des vies d'Inuits.

Le dépaysement de voir le monde à travers les yeux d'une série de personnages dont :
— Annie Muktuk, une femme qui aime le sexe. Et bien sûr, c'est mal vu. Il n'y a que les hommes qui peuvent collectionner les aventures sans qu'on le leur reproche…

— Une femme malade, atteinte d'un cancer qui va dans la toundra avec son époux pour chercher un remède traditionnel.

— Des femmes Inuits qui viennent en ville pour la première fois, à l'époque où il n'y avait pas de télévision ou d'internet. Elles s'étonnent de tout, des odeurs, du vernis à ongles ou d'une paire d'escarpins… Mais leur naïveté est loin d'être bienvenue dans la ville.

— Trois petites filles envoyées au pensionnat. Un lieu sensé promouvoir l'assimilation, mais trop souvent lieu de torture. Dans ce cas cependant, il y a aussi un évêque qui prend la défense des enfants et instaure une inspection où on ne devait trouver aucune ecchymose chez les enfants.
Un recueil de nouvelles tantôt légères, tantôt émouvantes.

Un sujet difficile aussi lorsque dans l'actualité du jour, une enquête est en cours pour trouver les circonstances de la mort d'une Attikamek malmenée par une infirmière au Québec. Et qu'en plus, on vient de retrouver les restes de 215 enfants non répertoriés dans le cimetière d'un ancien pensionnat de Colombie-Britannique.
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« Au monde des Blancs dans lequel il était engoncé, Kakoot a offert un sourire. Il avait appris à sourire depuis des années, c'était comme ça quand vous aviez affaire aux Blancs. Vous souriez, vous acquiescez, et dès qu'ils ont le dos tourné, vous pouvez redevenir vous-même ».

Avec « Annie Muktuk et autres histoires », on part à la découverte, à travers un recueil de six nouvelles, de l'identité Inuite. Avec des constantes sur l'importance du territoire, de la nature et des esprits, les thèmes abordés sont extrêmement variés pour mieux comprendre la culture et les difficultés de ce peuple autochtone vivant au nord du Canada.

La jeune Inuite, à l'enfance difficile, sera-t-elle heureuse dans sa vie comme « épouse blanche avec sa clôture blanche et son blanchissant et son javellisant » ? Elipsee, mère de famille, atteinte d'un cancer du sein, trouvera-t-elle la guérison recherchée dans son périple, avec son époux Josephee, à travers la toundra ? Kakoot, dans sa maison de retraite, aidé par les esprits et principalement par Sedna, importante déesse Inuite, pourra-t-il profiter d'une fin de vie correspondant à un renouveau ? Annie « Muktuk », en référence à un aliment traditionnel à base de graisse de baleine, restera-t-elle une fille facile ou l'amour pourra-t-il changer son destin ? Harris, le trappeur, surnommé « Husky », qui a choisi de s'assimiler « à rebours », passant de la vie de Blanc à la vie d'Inuit, a-t-il raison de vouloir faire découvrir son ancien mode de vie à sa famille ? L'éducation dans un pensionnat religieux de Puhuliak, Hikwa et Angavidiak les transformera-t-elle sur le long terme en Suzanne, Margarite et Therese ?

Ces six nouvelles nous transportent véritablement au-delà du 58e parallèle et bien que les histoires soient relativement courtes, elles sont denses avec des personnages très marqués. L'autrice, dans ses remerciements, montre son attachement particulier à Annie Muktuk. le mien va plus encore à Elipsee… Sans pouvoir oublier les thèmes bouleversants de la pédophilie, du racisme ou de la violence…

Quoiqu'il en soit, ce recueil est très riche en émotions et permet d'appréhender des réalités peu connues de cette minorité ethnique des grands froids. Même la couverture, pour représenter Annie Muktuk, a été choisie parmi les oeuvres d'une illustratrice Inuite décédée en 2016, Annie Pootoogook, pour mettre en avant cette culture.

A la lecture de Norma Dunning, je n'ai pu m'empêcher de penser à Bérangère Cornut, avec son roman « de pierre et d'os » qui a reçu le prix FNAC 2019. « Annie Muktuk et autres histoires » permet d'en apprendre beaucoup plus sur la vie des Inuits, mais aussi sur leurs traditions et croyances.

Une belle découverte, un voyage enrichissant, une lecture que je conseille !
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Annie Muktuk est une reine. Celle d'Igloolik, petite communauté Inuite d'à peine deux mille âmes, à l'extrême nord du Canada. Une reine explosive, excitante et superbe, fille d'Atanarjuat au caractère bien trempé. Elle tire sa puissance du sexe. Des hommes, elle fait des proies. Elle ne s'attache pas. Sauf à Moses Henry, qui depuis leur unique nuit passée ensemble, des mois auparavant, colonise ses pensées. Lui aussi est mordu, comme ensorcelé. Ce qui contrarie fortement meilleur ami Johnny, jeune homme hâbleur qui se donne des airs de John Wayne du Nord -portant parfois chapeau de cow-boy et lourde ceinture en cuir- et passe son temps libre à courir les petites inuites dont la peau foncée l'affole. Mais Johnny voit d'un mauvais oeil qu'Annie, cette fille facile et dangereuse, qui "fourre avec tout ce qui bouge", puisse se mettre entre Moses Henry et lui. Pas étonnant que cette héroïne si piquante soit au centre du recueil auquel elle donne son nom, et dont elle investit plusieurs des textes, sa voix alternant avec celle de Johnny.
Et les personnages mis en scène dans les autres nouvelles sont, chacun à sa manière, tout aussi marquants.

Une épouse profite des absences de son mari pour ruminer ses douloureux souvenirs -car "quand il n'est pas là tu peux te permettre de te souvenir pour de vrai"- en fumant clope sur clope et en buvant du vin rouge.

Josephee, qui ferait tout pour son Elipsee adorée, l'emmène passer l'été dans leur territoire d'origine, au bord du lac Nueltin, dernier espoir de la guérir du cancer dont n'ont su venir à bout les traitements des blancs.

Dans une maison de retraite, un vieillard en fin de vie se réjouit à l'idée qu'en rejoignant l'au-delà, il va enfin rentrer chez lui.

"Husky" rend un mélancolique hommage au grand-père de l'auteure, trappeur blanc ayant fait le choix de "s'assimiler à rebours" en vivant comme un inuit, entouré de trois femmes autochtones, qu'il décide un jour d'emmener en voyage à la ville, où l'étrange petite troupe se heurte au racisme.

"Mes soeurs et moi" clôt le recueil par l'histoire de trois fillettes arrachées à leurs parents, à leur mode de vie et à leur environnement pour être envoyées dans une école tenue par des religieux blancs, où on leur interdit de parler leur langue, et où elles vont subir violences et humiliations.

Cette immersion en pays inuit s'accompagne d'autant de tragédie que d'humour, de tristesse que de magie. On y découvre plusieurs manières de composer avec les traumatismes provoqués par la domination d'un envahisseur blanc dont la brutalité et le mépris se sont inscrits dans l'identité même de ce peuple qu'il a soumis à son joug. Les nombreux suicides, l'alcoolisme en témoignent, la perte et la détresse marquent les existences. Certains ont hérité d'un complexe quant à leurs origines, les poussant à s'efforcer de gommer toute trace de l'autochtone en eux, comme cette femme dissimulant le hâle de sa peau sous des manches longues et des pantalons. D'autres au contraire se font fort de rejeter toute blancheur, s'affirmant parfois jusqu'à la caricature dans la pratique de rites qu'on a voulu leur faire oublier.

Le recueil met en évidence le décalage entre une culture inuite imprégnée de spiritualité qui fait cohabiter morts et vivants, où la solidarité et les liens intergénérationnels sont omniprésents, et une civilisation blanche où le poids du moralisme a perverti la joie et la spontanéité, où l'individualisme et la cupidité prévalent sur les relations humaines.

L'ensemble est porté par une écriture dont la vitalité revigore et la sincérité transperce, souvent crue mais jamais vulgaire, car même les sujets les plus scabreux y sont évoqués avec un naturel dénué de toute perversion.

A lire.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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J'ai eu très peu de temps pour lire, ces dernières semaines. Voici donc enfin mon premier billet pour le challenge Mai en nouvelles organisé par Marie-Claude @hopsouslacouette et Electra @theflyingelectra. Annie Muktuk et autres histoires de l'auteure Inuit Norma Dunning a été un coup de coeur.

Quinze nouvelles, ou plutôt six, dix d'entre elles formant une petite galaxie autour de trois même personnages. J'ai été profondément touchée par cette lecture. La plume de Norma Dunning allie concision et ampleur de manière remarquable, pour dire la vie, la mort, les rites, les deuils et les souffrances, l'amour et l'attachement. Une écriture crue et douce où l'on s'imprègne de la culture Inuit.

« Je sens une plainte qui monte dans la gorge. le son que fait un caribou abattu en libérant les dernières onces de vie de ses entrailles. le son qu'on fait tous, en dernier. C'est la peine qui fait parler la gorge. La peine fait revivre l'animal en nous, l'animal qui appartient à la terre sur laquelle nous marchons. » [Inurqituq]

Je me suis trouvée dans les pages d'Annie Muktuk et autres histoires comme dans un voyage en terre inconnue. Guidée par une voix amicale, soutenue pendant les moments difficiles. Un voyage très intéressant, beau dans ses contrastes, touchant d'humanité et souvent bouleversant.

Dans ces nouvelles, on croise des hommes amoureux. L'un emmène sa femme atteinte d'un cancer du sein dans la toundra, pour essayer de trouver un remède (Elipsee). Un autre, assimilé « à rebours », entreprend un voyage au sud avec ses trois femmes, pour leur montrer sa vie d'avant (Husky, inspiré par un épisode de la vie du grand-père de l'auteure). Il y a aussi celui qui rêve de marier la fille du coin réputée facile (Annie Muktuk). On croise des anciens et des esprits, avec qui on discute normalement, car ils font partie de la vie : les grands-pères dans Elipsee, Sedna et d'autres dans Kakoot. On pleure un frère mort, on trinque à des souvenirs, un vieil homme en maison de retraite voudrait mourir dans les anciens territoires. On est heureux au nord du 58ème parallèle, « On n'entend que le son des oiseaux qui nous entourent. On ne voit que les buissons et les minuscules fleurs et le ciel le plus bleu qu'on puisse imaginer. On respire l'air frais de l'été et on se croirait millionnaires. », mais le monde des Blancs est partout, le travail, l'université, il happe et puis il mord, dans les pensionnats (Mes soeurs et moi). L'auteure raconte aussi les préjugés et le racisme ordinaire envers les autochtones, et encore plus les femmes.

Norma Dunning nous offre avec Annie Muktuk et autres histoires certaines clefs pour voir le monde tel que les Inuits l'habitent. C'est un livre d'histoires, je pense aussi un témoignage, un document. C'est en tous cas un livre précieux. Merci Marie-Claude, pour la découverte !

« C'est aujourd'hui. Aujourd'hui, c'est tout ce qu'on a. Aujourd'hui, c'est la seule chose qui compte. Penser à autre chose qu'à aujourd'hui, ça ne sert à rien. » [Mes soeurs et moi]
Lien : https://lettresdirlandeetdai..
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J'ai de la difficulté à trouver les mots pour rendre tout le bien que cette oeuvre mérite. Les nouvelles de Norma Dunning sont saisissantes. Elles dépeignent des femmes très fortes, résilientes et assumées. le cadre dans lequel elles évoluent est blindé de préjugés à leur égard. de part leur force de caractère et leur courage, elles réussissent à se défaire de cette carcasse stéréotypée pour définir elles-mêmes leur liberté.
J'ai tout aimé de ce recueil de nouvelles, mais j'ai particulièrement été happée par les récits des trois mères et des trois soeurs.
Une lecture que je conseille, assurément.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Le lendemain de l’enterrement de Jimmy, je me suis rendu à la piscine pour la première fois après ma conversation avec le maire. La nage est devenue l’activité primordiale de mes journées. L’eau, c’est le seul endroit où je peux vivre mon deuil. Mon deuil à l’aube. L’étang de chlore où je peux remplir mes lunettes de natation de mes propres larmes. Il y a des jours où mes lunettes se remplissent vite. Et il y a des jours où les larmes que je verse à la mémoire de mon frère ne remplissent que très lentement les lunettes antibuée. La tête dans l’eau, je peux me permettre de gémir et de crier ma colère. Seul le fond de ciment de la piscine entend mes cris et voit mon visage crispé. Le fond de la piscine me regarde me tordre de douleur.
[Iniqtuiguti]
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Le plus difficile, c’est de ne pas avoir le droit de parler à mes sœurs, sauf en français ou en anglais. Si une femme en robe longue m’entend leur parler dans la langue que j’ai toujours utilisée, je reçois des coups de ceinture de lui. Comme Papa qui battait les chiens quand ils manquaient de discipline.

(Mémoire d’encrier, p.146)
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Mais je sais que, peu importe ce qui se cache en chacune de nous, nos vraies natures ne nous quitteront jamais. On nous a appris à toujours savoir ce qui se trouve devant nous, ce qui se trouve derrière et ce qui se trouve juste à côté. On nous a appris à connaître le vent, la lune et les étoiles. On est Inuk. Ils ne peuvent pas nous enlever ça.

(Mémoire d’encrier, p.172)
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On n’avait aucun respect pour les aînés dans cet endroit. Ici, c’est eux qui avaient le dernier mot, pas lui. A la maison, les Vieux comprenaient tout. C’était simple. Ils savaient que le savoir des ancêtres avait été transmis aux Vieux par le lait maternel. Ça restait dans le sang. S’il était resté à la maison, on l’aurait traité avec pillurittitaq, avec le respect qu’on doit à celui qui mérite d’être choyé par les siens. Sa vie durant, il avait suivi la voix des esprits.
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On s’approche de la sortie du fond. Les rayons du soleil nous réchauffent à travers les fenêtres. C’est à ce moment-là que je le sens. C’est à ce moment-là que je sens le vertige de la liberté qui fait battre mon coeur et qui martèle jusque dans ma tête. La liberté, elle est partout en dedans de moi. Elle est dans mes yeux. Elle me chatouille le bout des doigts et je sens le rire qui cherche à surgir de ma gorge.
[Mes soeurs et moi]
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Video de Norma Dunning (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Norma Dunning
Pourquoi écrire sur le corps des femmes, le désir, et la jouissance ? Qu'y a-t-il entre ces lignes qui ne disent pas autre chose que la revendication d'une autonomie – un peu comme une terre colonisée libérée de l'oppression ? Quoi de mieux que des nouvelles pour faire la part belle à celles qui font preuve d'une grande imagination pour exister pleinement aux yeux du monde ? Norma Dunning et Kristiana Kahakauwila
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