J'ai acheté ce livre de témoignage vécu le jour-même de la commémoration des 27 otages à la carrière de Châteaubriant, au Musée de la Résistance. C'est la deuxième fois que j'y assiste, et j'ai été chaque fois saisie par la force et l'émotion de cette cérémonie d'hommage, avec les personnalités, les gerbes de fleurs déposées devant les poteaux symbolisant ceux de l'exécution, la terre prélevée dans les camps où sont morts les autres détenus apportée par des élèves de collèges ou de lycées, les chants - la Marseillaise, le Chant du Partisan, l'Internationale... Ne pas oublier.
On se doutera donc que j'ai abordé ce livre de souvenirs et de témoignage historique avec respect et émotion, parfois au bord des larmes en lisant les derniers mots de ces otages, hommes simples et grands, jeunes ou plus âgés, qui trouvèrent le courage de mourir pour que la France redevienne libre. Tous n'étaient pas communistes, mais c'était tout de même le cas de la plupart d'entre eux - d'autres étaient syndicalistes, ou médecins, ingénieur, non affiliés à un Parti. Ils avaient été arrêtés entre 1940 et 1941, au tout début de la guerre, parce qu'ils continuaient leur activité clandestinement (tracts, journaux clandestins) ou avaient refusé de prêter allégeance au gouvernement de Vichy : le seul magistrat qui avait refusé de prêter serment fut également interné à Choisel.
Fernand Grenier fait la part belle à ses camarades, il présente chacun d'entre eux, son parcours, sa dernière lettre. Il évoque avec douleur les réactions au moment de l'appel du jeune, si jeune Guy Môquet (17 ans), les tentatives des camarades adultes, même de la femme de l'un d'eux qui était également emprisonnée au camp, d'être fusillé.e à sa place. Sa dernière lettre vous amène les larmes au bord des paupières, autant que ses derniers mots sur les planches de la baraque : "Vous qui restez, soyez dignes de nous, les vingt-sept qui allons mourir." Mais il relate aussi la vie quotidienne, les difficultés d'approvisionnement, les vexations, la solidarité, l'organisation de la vie du camp, avec énergie et efficacité - comme les corvées, mais aussi l'université clandestine où les plus compétents et instruits partageaient leur savoir.
Il nous raconte par le menu le déroulé exact de la journée du 22 octobre 1941, avec l'exécution des autres otages au champ de tir à Nantes. Enfin, il nous fait connaître le sort des autres internés de Choisel, le départ pour les camps de Voves puis Rouillé, avant la déportation, d'où si peu reviendront... Il nous impressionne aussi avec les plans élaborés pour les évasions, notamment celle du tunnel menant des douches à l'extérieur des barbelés, qui permit de faire évader 42 prisonniers en une seule nuit.
Le récit de
Fernand Grenier est suivi d'un texte en prose de
Louis Aragon, écrit anonymement et distribué sous forme de tracts, mais aussi lu sur Radio-Londres. La direction du PCF avait fait parvenir clandestinement à l'auteur les écrits des fusillés, à partir desquels il a reconstitué cet hommage de 20 pages. Il s'agissait de célébrer leur sacrifice, mais aussi d'en tirer un exemple pour les débuts de la Résistance, ce qui fut bien le cas. Ils doivent être source d'inspiration encore aujourd'hui, et nous montrer que le courage et la fraternité prévalent dans les temps dangereux, et que face à la mort, la consolation est d'avoir été juste et en accord avec ses valeurs et ses idées.