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EAN : 9782213598475
220 pages
Fayard (30/11/-1)
3.62/5   16 notes
Résumé :

Le premier séjour de Marcel Griaule chez les Dogon, peuple de paysans-guerriers d'Afrique occidentale, donne lieu à une longue série de travaux. Puis, afin de vérifier et si possible de confirmer les connaissances acquises, le savant entreprend une nouvelle mission en 1946. C'est alors que par la voix du vieux chasseur aveugle, Ogotemmêli, va lui être révélé un aspect jusque-là insoupçonné de la ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Puisque l'ethno-polar de Clarence Pitz, La parole du chacal, cite tellement de morceaux du Dieu d'eau de Marcel Griaule, il va de soi de retourner à l'origine du texte, lui-même racontant les origines du Cosmos.
Marcel Griaule lors de sa mission Dakar-Djibouti passe par les falaises de Bandiagara. Il y retourne, seul, en 1946, lorsqu'un sage, Ogotemméli, vieux et aveugle, l'appelle, à l'écart des « oreilles éternelles des femmes » (sic) car il veut lui révéler le mystère de la création.
Au début, était (non, pas le Verbe, mais il viendra) un dieu unique, Amma, créateur du soleil, de la lune et des astres, puis de la terre, avec dans ses mains de l'argile. La terre est femme, son sexe est une fourmilière, une immense termitière son clitoris. Amma veut s'accoupler avec elle, il abat la termitière et s'unit à la terre excisée. Cet acte divin si maladroit est le prélude et l'origine des calamités, car de l'union naitra le chacal ou mauvais fils. Dieu est loin d'être parfait, or son fils est pire. Comme la seule femme présente se trouve être sa mère, il veut s'accoupler avec elle, elle résiste, ne consent pas à l'inceste mais finalement doit céder.
« Ainsi étaient préfigurées les luttes équilibrées des hommes et des femmes qui se terminent pourtant par la victoire masculine. »

En termes clairs, du chaos primordial nait la Terre, et avec elle le désir, comme dans la Théogonie d'Hésiode.
de là naissent les humains, tous doubles, hommes/femmes, le clitoris étant l'élément mâle chez la femme et le prépuce l'élément féminin chez l'homme. Si jusqu'à présent le désordre a régné, la naissance de huit personnes, quatre de chaque sexe, semble rétablir l'équilibre par l'intermédiaire de Nommo(celui qui parle). Ils sont parfaits, ces androgynes, ils se reproduisent eux-mêmes, ils ne meurent pas, mais se transforment en serpents verts, de toute éternité. le tissage et la poterie sont créés. L'eau vient féconder la terre. La parole advient avec le septième et parfait individu. L'ordre semble revenu dans le monde.

Qu'arrive-t-il alors ? Dieu, non seulement maladroit, s'emmêle les pinceaux, ou (comme dans le Banquet de Platon) envie l'arrogance ou la perfection des hommes et les trompe. Et les rend mortels, en leur demandant de choisir : soit mâle, soit femelle. Et pour ça, la circoncision et l'excision sont nécessaires. Il s'agit de couper ce qui peut faire penser à l'autre sexe dans chaque sexe.

Rappelons-nous la première maladresse de Amma.

Eh ben, il réitère.

Même si personnellement cette justification de ce que l'homme a pu faire de pire contre la femme, l'excision, et puisque certaines populations ont cru à ce mythe, et le perpétuent, il faut reconnaitre que cette analyse, à la fois mythologique, facile à comprendre puisque ce sont trente trois entretiens rapportés dans un langage ordinaire, Dieu d'eau semble une somme unique sur la création du monde et une des plus lue.
Griaule n'utilise pas une dialectique savante, et pourtant ces entretiens avec Ogotemmeli sont très élaborés :
-avec une pensée symbolique (la calebasse/ ventre féminin, les fibres du tissage, rappelant le cheminement du serpent, le surgissement de l'eau, la volonté de couvrir la nudité car «  être nu c'est être sans parole »)
-avec la présence du mythe et de la cosmogonie : Amma est Dieu unique, nous ne sommes pas dans un monde animiste. Et ce Dieu unique donne une idée de l'injustice qui va régner sur le monde. Il est aussi imparfait que Jupiter.
Autant dire qu'il commence mal.
- avec des avancées quant à la vie de tous les jours : comme les dessins des masques rappelant les animaux, la numérologie, avec le chiffre 7, ainsi que l'étude des astres.
- avec la notion importante de la dualité de l'être humain (perso, je dirai bonne question, mauvaise réponse. Aristophane au contraire, de la scission des androgynes, conclut que les âmes soeurs séparées se cherchent, l'amour nait de la séparation)
- puis, nous y arrivons, importance donnée à la parole, disons le Verbe.

Enfin, écrit juste avant les Indépendances, ce livre avait pour but de prouver, en exposant une histoire aussi complexe (dont je ne dévoile qu'une infime partie) que la « primitivité » des Dogons, partagée par certains Noirs musulmans, est juste une opinion erronée, un mythe sans fondement.

Griaule, lui, présente les vrais mythes.
Mais nous verrons.

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Un des grand classique en anthropologie africaine, il ne faut pas oublié que les dogons lui ont fait une cérémonie des morts il faut symboliquement entérré dans la falaise de Bandiagara
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Il semblait donc que, vu au travers de la métaphysique et de la cosmologie dogon, le Zodiaque des méditerranéens pouvait s’expliquer. Mais le Blanc ne se faisait aucune illusion sur l’accueil que recevrait une telle argumentation de la part de certains spécialistes accrédités dans les milieux choisis de l’érudition. Certes, il y avait de consolantes exceptions : de brillants esprits, voués pourtant aux études classiques, s’ouvraient avec étonnement et sympathie aux civilisations lointaines. Des amateurs éclairés, venus au Noir par l’art, des philosophes hardis, venus aux spéculations inhabituelles se penchaient passionnément sur ces problèmes. Mais ils étaient perdus dans la foule.

N’était-il pas entendu, une fois pour toutes, que le Noir ne pouvait rien apporter, qu’il ne pouvait pas même refléter des formes anciennes de la pensée du monde ? N’avait-il pas été, de tous temps, relégué au niveau de l’esclave ? « Voyez les bas-reliefs taillés par les grandes civilisations de l’Antiquité ! Où sont les Nègres ? A leur place ! Parmi les gens de peu ! Quelle influence voulez-vous leur prêter ? — Mais il ne s’agit pas, pour le moment, d’influence exercée, il s’agit d’influence reçue et conservée ! »

Discussion inutile. Encore faut-il s’estimer heureux de n’essuyer qu’un mépris souverain englobant le chercheur et l’objet de son étude. La haine inconsciente s’observe fréquemment. (p. 205)
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Ogotemmêli hésita encore ; il y avait beaucoup à dire sur l’incommodité de la cour pour les conversations entre hommes mûrs. Le Blanc n’ouvrait la bouche que pour approuver ; il insista même sur l’indiscrétion des murailles, sur la sottise des hommes et, naturellement, sur l’inconcevable curiosité des femmes, sur leur soif inextinguible de nouvelles. Il était intéressé par toutes ces précautions qui semblaient disproportionnées avec une simple vente d’amulette.
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Gana et ses dix-sept ans savaient à quoi s’en tenir sur les histoires entre grandes personnes. Il sauta encore le rocher d’Ogol-du-Haut, mais cette fois il resta planté tout raide sur la piste après avoir retiré vivement son frottedents : une épine lui était entrée dans le pied. Boitillant il repartit, retrouva la cour dans le dédale des ruelles et s’étant assis sur le seuil noir, il parla longuement, en retirant une écharde de son orteil. Une voix lente lui répondit, qu’il écouta avec déférence. Puis il reprit la route avec un léger soupir, et se retrouva dans la véranda, devant le Blanc seul. Retirant son frotte-dents, il débita la formule en oubliant trois versets que son interlocuteur, lisant ses notes, lui récita. D’étonnement, Gana laissa pendre un instant la mâchoire.
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