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Elisabeth Landes (Traducteur)
EAN : 9782494289208
272 pages
Les Argonautes (22/08/2023)
3.34/5   32 notes
Résumé :
Une jeune artiste retourne dans la petite ville de B., au pied des Carpates, où elle avait passé les étés de son enfance sous le régime communiste. Ces temps ne sont plus, mais le présent n'en est pas plus riant : ses anciennes fréquentations sont tous partis à l'Ouest, et l'usine textile abandonnée. Lorsqu'un corps mutilé est découvert dans la crypte familiale, le lien est vite établi avec Vlad l'Empaleur, alias Dracula.
Tandis que les anciens cadres de B. s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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« S'il me faut à tout prix raconter cette histoire, c'est aussi parce que, l'ayant intimement vécue, je vois combien sont faux les comptes-rendus qu'elle inspire ».

Dès la premières phrase, puis les mots qui suivent ( «  soif de sensation », « Dracula » assez vite évoqué, «  sombres présages », « signes avant-coureurs du choc », « inimaginables cruautés » ), la narratrice pique notre curiosité, d'autant qu'un cadavre est rapidement trouvé dans la crypte familiale lors d'un enterrement, présentant la marque des empalements qu'on pratiquait au milieu du XVème siècle à l'époque du prince Vlad l'Empaleur. Nous sommes en Roumanie, plus précisément dans une petite ville de Valachie.

Dana Grigorcea ne choisit pas une trame linéaire qui laisserait le lecteur y évoluer paresseusement. C'est tout le contraire. Si le mythe de Dracula semble bien être le fil conducteur, l'intrigue fait des détours spiralaires, prend le temps des digressions, des pas de côté comme lorsque la narratrice raconte la nostalgie de l'enfance lorsqu'elle passait du temps dans la villa bourgeoise de sa grand tante.

Les scènes descriptives sont très convaincantes, l'autrice déployant un vrai talent à créer des images marquantes tour à tour horrifiques, poétiques, bucoliques, fantastiques, toujours avec une très grande sensorialité qui se décline en sensualité. Mais cette première lecture a été déroutante, j'ai trouvé le texte confus tout en sentant très intuitivement que sa puissance sous-jacente était en symbiose avec les intentions de l'autrice. J'ai donc entamé une deuxième lecture, beaucoup plus satisfaisante.

Les intentions de l'autrice sont claires : confronter le présent au passé pour peindre la Roumanie post-communiste et ses fractures politiques après quarante ans de dictature de Ceausescu. le portrait n'est guère flatteur avec une corruption généralisée pratiquée par des casiques locaux hérités du communisme qui continuent à commettre des délits, détournant des fonds européens, pratiquant le népotisme. Quasiment une satire qui se transforme en farce lorsque l'opportunisme et la cupidité projettent la création d'un Dracula Park dès que la découverte du cadavre profané réactive le mythe du vampire, promesse de touristes crachant du dollar.

De la même façon que la littérature argentine ( je pense notamment au génial Notre Part de nuit, de Mariana Enriquez ) convoque la figure du monstre fantastique comme allégorie de la dictature de Videla, Dana Grigorcea convoque la figure mythique de Dracula comme allégorie de la gabegie roumaine.

«  Car seul Vlad l'Empaleur avait marqué – à coup de pieu précisément – l'histoire des Roumains. Avant et après lui, comme à présent, hélas, notre histoire n'était qu'un désert où la sottise le disputait au grégarisme. »

La colère de la narratrice lui donne des envies d'exterminer tous ses profiteurs, tout comme la nostalgie de Vlad Tepes III, le vrai Dracula, prince nationaliste opposé aux visées impérialistes de l'empire ottoman, incarne au XXIème siècle une Roumanie forte, un modèle historique fascinant pour beaucoup, un repère immuable dans un pays en mutation, bien au-delà des histoires de vampires racontées par Bram Stoker.

Un roman très original, pas forcément aisé d'accès mais aux questionnements très riches sur une Roumanie vue au travers des lunettes de Dracula.
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Née à Bucarest, Dana Grigorcea vit à Zurich et écrit en allemand. 4 ans après La dame au petit chien, un récit très tchékhovien, Ceux qui ne meurent jamais se caractérise par un style tout autre, dans une plongée grotesque et burlesque dans la Roumanie post-communiste. La romancière mélange les genres pour aboutir à un livre "gothique politique", selon l'expression d'un quotidien suisse. Empalé, c'est pesé, Vlad III, prince de Valachie, ou autrement dit Dracula, s'invite dans ce roman pour le moins insolite qui décrit un pays toujours traumatisé par le règne de Nicolae Ceaușescu et où certains voient en Dracula un véritable héros national. Mais l'ambition de Dana Grigorcea, de mêler réalisme social au fantastique et à l'épouvante, peut aisément laisser de marbre, au point même de trouver l'ouvrage foutraque et finalement passablement fastidieux, en dépit d'une langue agile et ludique. C'est typiquement le genre de livres qui vous jette sur le bas-côté, à partir du moment où l'on n'arrive pas à suivre son délire plus ou moins organisé. Tant pis, c'est un rendez-vous raté, sans doute par goût personnel, mais aussi parce que ce n'était pas le moment idoine pour s'envoler vers la Transylvanie.


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Je rejoins globalement Traversay mais suis plus positive dans mon ressenti. J'ai beaucoup aimé le style de Dana Girgorcea, très sensuel et envoûtant, mais qui sait aussi se faire tranchant (dans la partie plus historique en particulier). Il m'a notamment rappelé celui de Theodora Dimova qui évoquait aussi cet âge d'or de la bourgeoisie à la campagne pré-communisme dans "Les dévastés").
J'ai rapidement été piquée par la curiosité car l'autrice distille habilement des éléments à suspense dès le début du roman. En revanche, j'ai trouvé que les "révélations" tombaient assez à plat et j'ai attendu pendant tout le récit une véritable surprise qui vient bien tardivement. Les "envolées gothiques" ne m'ont pas emportée, mais le gothique n'est pas du tout ma tasse de thé et d'autres lecteurs/lectrices y seront sans doute plus sensibles.
En résumé, le propos annoncé de dénonciation de la corruption etc. est certes présent mais bien moins que je ne l'aurais pensé. J'ai lu ce roman rapidement car le style est vraiment très plaisant. Pourtant, chaque fois que je posais le livre, je me demandais si j'allais le reprendre. Je n'arrivais pas à savoir où l'autrice voulait en venir ou plutôt quand elle allait y venir et le fond m'a semblé dilué. J'ai parfois dû me pousser à la reprendre, mais une fois lancée, je poursuivais ma lecture sans effort mais avec un certain détachement.
Je suis un peu passée à côté de ce roman donc, mais il a un charme indéniable et je ne peux pas m'empêcher de penser que ma prévention contre le gothique a joué un rôle significatif. Je reviendrai sûrement vers cette autrice dont j'ai aimé la plume.
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Irradiant, magnétique, un ballet de chauve-souris dans le sombre d'un village. « Ceux qui ne meurent jamais » à peine né et déjà un classique de la littérature européenne, remarquable et remarqué.
Ouvrir la porte grinçante de ce roman gothique d'ombres et de frémissements. le conte s'élève dans une orée finement politique, étrange et aux multiples degrés.
Comme une satire à voix basse, la trame captivante se rebelle, annonciatrice de résistance.
Le poids lourd de l'Histoire de la Roumanie, sous le joug communiste de Nicolae Ceausescu, jusqu'à sa chute le 25 décembre 1989.
La petite ville B. prend place, « au pied des Carpates, non loin de la Transylvanie ».C'est un village tranquille où jusqu'en 1989 les locations de vacances fleurissaient. La narratrice est une jeune femme artiste.
« Dans mon enfance, on parlait en Roumanie d'un Dracula bien précis – à savoir le dictateur roumain qui saignait le peuple à blanc : Nicolae Ceausescu ».
Elle revient à B. durant ses études aux Beaux-Arts. Remarque les changements entre les rémanences d'antan et le jour clef où B. devient son lieu de vie. L'attrait d'une région qui fusionne avec son désir de création. L'imaginaire pictural d'une contrée spéculative.
Mais, « la région ici n'était plus tout à fait comme avant, avait dit Margot. le communisme avait mutilé les gens, il leur avait ôté le sens du beau et du bien ».
Dracula étire son manteau noir. Décroche le tableau du mur, se risque dans ce récit d'une écriture époustouflante de Dana Grigorcea.
« Plus tard au crépuscule, des chauve-souris nous arrivèrent des bâtiments en ruine, si nombreuses qu'elles produisaient une sorte de gargouillis d'eau vive, et c'en fut terminé de notre calme, car elles dessinaient dans l'air d'incessants zigzags et volaient de tous côtés ».
Lors d'une randonnée, sa grande-tante fait une chute tragique et meurt. le mausolée familial va devenir par la force de ce livre, son poids viscéralement lugubre, ésotérique et symbolique. La crypte renferme également Vlad Tepes, l'ancien prince de Valachie.
Le mythe devient macrocosme, résolument sombre, sanguinaire et intriguant. La Roumanie est devenue une légende à visiter. Les fantasmes ne sont plus. Puisque B. détient la clef.
Cette jeune femme éprise de symboles est en transmutation dans cette atmosphère qui déploiera au fil des années des passions pour Vlad Dracula. Elle devient mimétisme, vampire, la traversée du miroir. Les dénonciations des buveurs de sang. Les prismes totalitaires, les vulnérabilités d'un peuple dont Dracula envahit toutes les pensées.
Ce livre dévorant est d'une telle clairvoyance, d'une intelligence vive que le roman nous happe et nous entraîne dans des contrées imprévisibles et marquantes par leurs signes.
On ne sort pas indemne d'une telle lecture. Résolument engagé, fantastique, d'ombre et de lumière. On aime les paraboles, les tracés de l'Histoire roumaine. La capacité d'une fiction surdouée dont la noirceur devient complice.
« C'est ainsi qu'en 1456 Vlad Dracula fut enfin nommé prince de Valachie ».
« Ceux qui ne meurent jamais » : un adage légendaire et essentiel, unique.
Le pays natal d'un conte allégorique, entre le bien et le mal. le pouvoir de croire.
Un chef-d'oeuvre. Traduit à la perfection de l'allemand par Élisabeth Landes. Publié par les majeures Éditions Les Argonautes.
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Un séjour rafraîchissant dans les forêts de Valachie vous tente ?
Rejoignez la narratrice du roman de Dana Grigorcea, autrice hélvético-roumaine traduite en Français pour les Argonautes par Elisabeth Landes, pour des vacances estivales nostalgiques non loin de Bucarest dans le village de B.
La jeune femme a voyagé en Europe, a étudié la peinture à Paris et se retrouve dans la villa de sa grand-tante Margot pour quelques jours, confrontée aux impressions du passé qui l'envahissent d'autant plus aisément qu'elle est sensible et observatrice.
Dans cette Roumanie post-communiste, le passé n'a visiblement pas été éradiqué : la superstition va encore bon train chez les villageois et l'ancienne bourgeoisie de Bucarest se moque de la laideur du mobilier « basse-classe ». Les sentiers autour de la villa Aurora s'enfoncent dans une forêt mystérieuse, les montagnes se découpent de façon menaçante et la rivière se teinte parfois de rouge. Malgré l'été, la villa est toujours glaciale… La narratrice entame le récit de cet étrange séjour, ne sachant plus très bien elle-même dans quel ordre chronologique narrer les évènements singuliers et tragiques qui vont avoir lieu.
Une chute mortelle sur un sentier escarpé, la crypte familiale ouverte, des apparitions nocturnes, des miroirs d'où les reflets sont absents, des courants d'air, des chuchotements et des rires inquiétants, un nom qu'il ne faut pas invoquer… Parions que vous aller vous délecter comme moi de ce récit envoutant au charme vénéneux. Un « roman gothique politique » qui nous parle de la Roumanie post-Ceaucescu et du mythe de Vlad l'Empaleur qui court encore sous les traits de l'homme fort.
Les images créées par Dana Grigorcea sont de toute beauté, sans doute comme la Valachie et ses paysages. Elles ont un réel pouvoir évocateur, la profusion des fleurs et le bruissement des cours d'eau sont enchanteurs. L'appétit mercantile du nouveau maire corrompu de la ville et ses projets de Dracula-Park m'ont fait éclater de rire (pour ne pas avoir à en pleurer) mais je préfère la puissance évocatrice et créatrice des descriptions de cette nature splendide.
Merci aux Argonautes, maison d'édition indépendante spécialisée en littérature européenne, d'enrichir et d'élargir notre horizon de lecture et nos frontières. Cela fait tellement de bien !
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critiques presse (2)
LesInrocks
24 novembre 2023
C’est très beau – l’atmosphère onirique rappelle celle du Maître et Marguerite de Boulgakov –, c’est caustique, c’est ironique, c’est drôle aussi très souvent.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
LeJournaldeQuebec
30 octobre 2023
Même si on a là un sympathique récit qui ne bascule jamais dans l’horreur, on a tenu à en parler parce que ce n’est pas tous les jours que Dracula en personne s’invite dans les pages d’un nouveau roman
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Mais il faut bien constater, vous me l’accorderez, qu’on tend de nos jours à prendre pour argent comptant ce qui se manifeste à grand bruit et que les comportements mesurés n’inspirent en revanche que méfiance. (p.87)
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"Ta main dans la mienne est une part de moi", qui avait dit cela déjà ? Nos mains étaient moites , nos doigts étroitement mêlés, cette étreinte : la part la plus solide de nos deux corps.
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« Il s'avérait maintenant que nous descendions du prince le plus fameux du pays roumain. De fait, affirma-t-il résolument, le sceau gravé sur la pierre tombale, ce dragon victorieux, symbole de la chrétienté, ne pouvait appartenir qu'à un homme : ce prince audacieux sans lequel, comme le disait si bien Cioran, l'histoire de notre peuple ne serait qu'un vaste champ de moutons. Car seul Vlad l'Empaleur avait marqué – à coup de pieu précisément – l'histoire des Roumains. Avant et après lui, comme à présent, hélas, notre histoire n'était qu'un désert où la sottise le disputait au grégarisme.»
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La présence de Sabin me fatiguait. Les quatre hommes qu’il avait amenés étaient des Autrichiens de la scierie Schweighofer, des amis de son fils forcés de suspendre les travaux de coupe dans les Carpates jusqu’à l’issue d’un procès de corruption. Sabin leur avait tout de même procuré des permis de chasse et ils avaient, disaient ils, abattu un ours gigantesque la nuit précédente.
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Ce jeune homme rappelait son vieil allié Mircée à l'empereur Sigismond, qui se prit d'amitié pour lui et le fit membre de l'Ordo Draconis.
A cet ordre du Dragon appartenaient quelques souverains triés sur le volet, les rois de Pologne, de Serbie, de Lituanie et d'Aragon, ainsi que les magnats polonais et hongrois. On y jurait de se porter amitié éternelle et de se prêter mutuellement main forte partout où l'exigeait le service du bien.
Vlad vit ainsi exaucé son rêve d'accéder à la chevalerie. Il prêta solemnellement serment à Nuremberg et reçut le médaillon d'or avec le dragon enroulant sa queue autour de son cou, symbole du chaos de la terre dompté par l'humilité. Au-dessus du corps du dragon, l'insigne arborait une croix dont la barre horizontale portait l'inscription : "O quam misericors est Deus", "Oh que Dieu est miséricordieux" et la verticale : "Justus et pius" : "Juste et pieux".
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Videos de Dana Grigorcea (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Dana Grigorcea
31 mars 2022 Suivez l’actualité de la littérature européenne sur nos comptes Instagram et facebook ou en vous abonnant à notre newsletter ici: https://argonautes-editeur.fr
L’autrice d’origine roumaine, Dana Grigorcea, livre avec La dame au petit chien arabe une déclaration d’amour à la ville de Zurich et en même temps un hommage plein de charme à la fameuse nouvelle La dame au petit chien de Tchekhov. Sa Dame au petit chien arabe est en effet comme la fameuse nouvelle russe, une histoire d'adultère. Mais cette fois-ci elle est narrée de la perspective d'une femme. C'est Anna qui prend l'initiative, c'est elle qui termine et recommence leur histoire.
+ Lire la suite
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