La constitution définitive du théisme iranien est associée par la tradition au souvenir de Zarathustra ou Zoroastre (660-583?). La doctrine de Zoroastre, le Mazdéisme, classique, n'est pas une philosophie, mais une religion, au sens exact du mot. De plus, l'Avesla qui en résume les dogmes, n'a été recueilli sous sa forme actuelle que vers l'époque parthe et sassanide ; c'est dire qu'il a pu subir, comme le voulait Darmesteter, l'influence des idées juives et alexandrines. Néanmoins, on peut le considérer comme résumant assez fidèlement les croyances religieuses des anciens Iraniens, croyances qui ne sont pas sans reposer sur un certain nombre d'idées philosophiques ou tout au moins théologiques dont l'étude nous paraît constituer la préface indispensable de l'histoire de la philosophie indienne.
Nous touchons ici au dogme central de la théologie mazdéenne : la lutte du Bien et du Mal. Le problème de l'origine du mal et des moyens de s'en délivrer, est un de ceux qui se sont imposés le plus impérieusement à la pensée des races indo-iraniennes. Nous parlerons plus loin de l'attitude adoptée à ce sujet par la philosophie indienne et nous essaierons de montrer les difficultés particulières qu'un tel problème réservait à la spéculation brahmanique, embarrassée dès l'origine dans toutes les contradictions du Panthéisme. Le Mazdéisme avait évité les difficultés de cet ordre en dirigeant le Monothéisme non, comme les Indiens, dans le sens panthéiste, mais dans le sens dualiste. Toute la terminologie iranienne reposa sur l'antithèse du Bien et du Mal, de sorte que la métaphysique, au lieu d'être envisagée, comme dans l'Inde, au point de vue du problème de la Connaissance, fut abordée en Iran sous l'angle exclusif du problème moral.
La condition préalable de toute la morale Yoga doit donc être l'isolement absolu de l'âme. Et comme le propre de la perception est d'enchaîner le sujet à l'objet, l'âme au monde extérieur, l'isolement de l'âme ne pourra être obtenu que par la suppression de la perception. Bien mieux : toute pensée contingente étant l'établissement d'une relation, un dédoublement du sujet pensant, il faudra pour isoler complètement celui-ci, abolir jusqu'à la conscience, extirper les racines mêmes de la pensée : le but de l'ascète sera l'état de manonmani-avasthd, la désintellectualisation de l'intellect.
La philosophie indienne et la théologie iranienne proviennent du même fond, commun aux Aryas primitifs. A l'époque où les tribus aryennes menaient ensemble la vie pastorale en Médie et en Bactriane, les ancêtres des Indiens et ceux des Iraniens partageaient, sur le monde, la vie, l'homme et les dieux, un certain nombre de croyances générales, que les rapprochements philologiques nous permettent de reconstituer en partie.