« Je ne fais pas de films témoins vus par un impassible oeil de verre, je flanque des coups de poing dans l'oeil du public » (Eisenstein)
Le cinéma comme outil de propagande prend une nouvelle dimension lors de la guerre civile espagnole. Plus que jamais instrument de la guerre idéologique, il sort du territoire ibérique pour gagner d'autres nations, tant le conflit suscite les passions dans le monde entier.
Publié dans le cadre du cinquantième anniversaire du début de la guerre, La guerra de España en la pantalla: 1936-1939. De la propaganda a la historia de Roman Gubern illustre l'hétérogénéité des oeuvres: de la réponse anarchiste via le SUEP (Sindicato Unido de Espectáculos Públicos) aux productions marxistes, des films gouvernementaux républicains à la solidarité internationale avec la République( URSS, Mexique, Hollywood, Grande Bretagne…), du cinéma franquiste et de ses alliés (Allemagne, Italie, Portugal) aux films dits de croisade, l'ouvrage fait le tour du monde des représentations de la IIème République et de la guerre sur les écrans de cinéma.
Roman Gubern offre d'intéressantes pistes de réflexion, notamment sur l'ambivalence des studios hollywoodiens. Si certains acteurs et auteurs inquiets de la montée des fascismes en Europe (dont le Motion Picture Artists Committee dont le chef de file était Dashiell Hammett) s'impliquèrent activement au début de la guerre, les studios réfractaires au communisme furent plus réticents par la suite à évoquer le conflit espagnol.
L'ouvrage s'attarde sur des films très connus aussi différents que La colonne de fer (1931), Espoir, sierra de Teruel (1939), Raza (1941), Pour qui sonne le glas (1947), La guerre est finie (1966). Il évoque également d'autres longs métrages tombés dans l'oubli et que l'on a une furieuse envie de visionner. Parmi eux, citons Blocus (Blockade) de William Dieterle (1938), avec Henry Fonda, sur un scénario de James M. Cain, John Howard Lawson et Clifford Odets, qui narre les amours d'un paysan, officier républicain, et d'une aventurière, qui espionne au profit de l'ennemi, le Dernier train de Madrid (The Last Train from Madrid) de James Patrick Hogan (1937), avec Anthony Quinn, Nid d'espions (The Fallen Sparrow) de Richard Wallace (1943) avec John Garfield, qui raconte comment de retour à New York, un vétéran de la guerre d'Espagne est pourchassé par des espions nazis ou encore L'Ange pourpre (The angel wore red) de Nunnally Johnson (1960) avec Ava Gardner dans lequel un prêtre sur le point de rejoindre les nationalistes, tombe amoureux d'une entraîneuse et épouse la cause républicaine.
Finalement le personnage le plus iconique reste Rick/Boogey dans Casablanca. Opposant à Mussolini, ancien des Brigades Internationales, il déclarait laconique qu'il avait toujours été du côté des perdants.
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