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Monique Guyot (Autre)Philippe Laborie (Autre)Gilles Vergnon (Autre)
EAN : 9782706147173
431 pages
Presses Universitaires de Grenoble (29/10/2020)
4.17/5   6 notes
Résumé :
Un manuscrit inédit, oublié depuis 75 ans révèle la vision pétainiste d'une femme sur la guerre.
Cet ouvrage est le journal intime de Monique Guyot (1906-2001).
Ce document inédit nous livre les réflexions et les jugements d'une femme âgée de 38 ans en 1944.
Dans sept petits cahiers d'écolier, elle décrit les années difficiles de l'Occupation à la Libération de la France dans le Vercors et la région de Grenoble.
Profondément bouleversée p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Partir pour mourir un peu
A la guerre à la guerre
C'est un drôle de petit jeu
Qui n'va guère aux amoureux (Francis Lemarque).

En cherchant dans les archives de l'Isère Philippe Laborie a fait une belle découverte : Plusieurs cahiers dans lesquels Monique Guyot, trentenaire, relate sa vie ainsi que les événements qui se déroulent à partir de janvier 1944 au coeur du Vercors, dans un village perdu. Ce témoignage rare, car l'histoire est écrite le plus souvent par les vainqueurs, donne un autre éclairage sur la période douloureuse qu'a vécue l'auteure de ce journal. Dans un exercice de grande sincérité elle révèle son caractère bien trempé qu'elle met en oeuvre autant dans la détestation des Allemands ou des "dissidents" (qu'elle ne nomme jamais Résistants) que dans son admiration pour le maréchal Pétain et sa foi dans la religion catholique (Elle fait souvent appel à saint Antoine devant les difficultés). Si elle accorde sa confiance au maréchal Pétain, c'est davantage une confiance sentimentale que politique (elle ne sera d'aucuns partis collaborationnistes et n'en parle jamais dans son récit). Pétain est le vainqueur de Verdun et à ce titre il bénéficie d'une aura personnelle, quasi mystique de sauveur. Elle donne son adhésion à la figure protectrice du maréchal malgré ou à cause de l'entrevue de Montoire. Pour elle le maintien au pouvoir de Pétain était une garantie, un rempart au bolchevisme. Fin 1944 et courant 1945 qui pouvait affirmer que la France ne deviendrait pas un satellite de l'Union Soviétique comme le furent plus tard les différents pays derrière le rideau de fer ? Pendant des années la propagande de Vichy, par la bouche de Philippe Henriot, le ténor des ondes, avait conforté Monique Guyot sur ses positions.

Philippe Laborie qui présente et annote (un peu trop à mon goût) ce journal me paraît sévère envers Monique Guyot. Il semble ignorer le poids du quotidien sur les populations de ces villages. Par ses commentaires il tente de nous faire croire que le maquis en milieu rural est accueilli à bras ouverts. C'est beaucoup plus nuancé. Ni tout blanc, ni tout noir. Il me semble légitime que la population puisse craindre l'irresponsabilité de certains maquis qui prennent des initiatives très dangereuses qui entraînent des représailles. de la même manière il minimise les événements qui pourrait expliquer les positions de Monique Guyot comme les assassinats individuels de soldats allemands ou de personnalités ce qui entraîne fatalement l'exécution d'otages pris dans la population. Il ne faut pas non plus mésestimer l'impact des bombardements américains (le chiffre de 60.000 morts en France est avancé par des historiens) n'atteignant que rarement leur objectif (largage de trop haut). À ce titre il est intéressant de prendre connaissance, dans les mémoires de guerre - l'Unité - du général De Gaulle, du mémorandum concernant les bombardements aériens en France, adressé d'Alger le 5 mai 1944 par le Comité français de la libération nationale aux gouvernements américains et britannique. À sa lecture on peut saisir combien il était urgent de revoir les modalités des bombardements alliés après ceux meurtriers sur Toulon (l'un d'eux fit en une seule journée 1200 sinistrés et 500 morts environs). Mais ce mémorandum restera lettre morte puisque le 27 mai 1944 on dénombrera 1700 morts, 3000 blessés et plus de 20.000 sinistrés lors du bombardement sur Marseille. Si nous nous souvenons de la visite du maréchal Pétain, sous les acclamations des Parisiens, le 26 avril 1944, pour assister à la messe dans la cathédrale Notre-Dame en mémoire des victimes des bombardements alliés qui visaient une gare de triage faisant surtout des victimes civiles, on peut comprendre les réticences de Monique Guyot envers les anglo-américains. N'oublions pas non plus les exécutions extra-judiciaires au fond d'un bois de prétendu "collabos", ni au moment du départ des Allemands des lynchages sauvages, viols ou tontes pour les plus chanceuses. Philippe Laborie me donne l'impression à travers sa présentation et ses notes de bas de pages qu'il ne peut entendre les arguments de Monique Guyot, en partie par la difficulté à se mettre dans la peau d'une femme qui vivait dans une atmosphère guerrière et machiste. Son ultime argument pourrait se résumer à cette assertion : " on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs".
Mais qu'en pensent les oeufs ?
C'est la voix de Monique Guyot trop longtemps occultée.

Pour cela je remercie les Presses Universitaires de Grenoble d'avoir publié ce témoignage et de m'avoir permis de le découvrir avec le concours de Babelio lors de l'opération Masse Critique du 16 juin.
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J'ai postulé pour ce livre à la Masse critique car tout ce qui concerne la seconde guerre mondiale m'intéresse, et le journal de Monique Guyot nous offre un angle et un point de vue rares sur la guerre, de même qu'une leçon générale assez effrayante sur l'humaine nature.
Monique Guyot écrit son journal dans le Vercors. Elle habite à Villars-de-Lans, où est caché Pérec à peu près au même moment il me semble...et possède une ferme plus loin dans la montagne, en plein dans le maquis. Elle relate des faits qui courent sur 1944 et 1945, dont la bataille du Vercors, la Libération, l'épuration. Tout ce qu'elle raconte est replacé dans son contexte et annoté par l'historien Philippe Laborie, qui réalise toute la paracritique autour du texte original. L'ensemble, d'une grande qualité me semble-t-il, a donc plusieurs niveaux d'intérêt.
Tout d'abord, un intérêt historique : Monique est sur les lieux, au jour le jour, et pourtant, comme elle ne comprend rien à ce qui se passe ! On vit avec elle la vie de la Française (laquelle ? c'est la question. La Française de base ? Inquiétant. Une Française particulière ? )...La vie de la Française Monique, au coeur d'une guerre qui la dépasse complètement, c'est affolant. La région est truffée de Résistants, qui vivent quasiment avec les habitants, qui sont pour certains les habitants, mais pas tous. C'est compliqué. Ils se baladent en groupes armés, se servent dans les fermes pour se ravitailler, demandent à Monique ses papiers, l'interrogent sur ses allées et venues, mettent les autres, et surtout les enfant dont elle s'occupe, en danger par leurs actions terroristes stupides et les représailles allemandes...Bref, pour Monique, ce sont de véritables emmerdeurs inutiles, de jeunes voyous qui s'amusent avec des armes à feu au milieu des bonnes gens, elle les déteste. Elle déteste aussi les Allemands, ces envahisseurs, ces assassins. Elle ne prononce pas une fois le mot "nazis", elle n'a pas l'air au fait de ce mouvement de pensée...Monique est un peu à la masse : elle n'écoute que la radio de Vichy et elle n'aime que le maréchal, le sauveur de la France...Elle ne semble avoir aucune conscience de la politique de collaboration de Vichy avec l'Allemagne nazie. Elle n'a pas l'air de connaître "l'Allemagne nazie", ni Hitler d'ailleurs. Son horizon c'est : le Vercors, les voyous dissidents qui désobéissent au maréchal, les Allemands qui tirent dans le tas. Et la révolution communiste qui arrive par les dissidents, mais on ne sait pas comment parce qu'elle n'a aucune réflexion politique. Aucune. Elle ne fait pas le lien entre les choses. Staline, l'armée rouge, Churchill, Roosevelt, la guerre dans le Pacifique, Stalingrad ...Hein ? C'est qui, c'est quoi ? Les Japonais ? C'est assez affolant de voir un tel aveuglement. Et pourtant Monique est quelqu'un d'éduquée, son frère et son neveu sont dans la résistance...Mais ce n'est pas pareil, parce que ce sont son frère et son neveu. Bref, Monique est une terreur. Elle refuse de voir les choses et vit dans le déni. C'est l'apport psychologique intéressant du texte, car nul doute que des millions de Monique hommes et femmes peuplent la terre. Pas méchants ni vicieux : jamais elle ne dénonce personne, et elle en aurait bien l'occasion. Mais tellement égocentrique qu'elle ne voit pas plus loin que le bout de son jardin. Ah ces Américains et ces Anglais qui débarquent ! Quel bazar ils mettent ! On ne peut plus aller à Grenoble chercher des trucs indispensables pour Maman, un manteau que sais-je! Et ce De Gaulle ? Ah ! Elle les déteste tous !
Jamais elle ne se dit : et si les Allemands restent...Ah ! mais oui, elle ne sait pas que l'Allemagne est nazie...Et puis les Juifs et les Communistes, elle les déteste...Dangereuse et stupide Monique...
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Monique Guyot n'aime pas les Résistants, qu'elle appelle les réfractaires ou les dissidents, qu'elle voit comme une horde de débraillés manipulés, inconséquents et fauteurs de troubles. Ils l'effraient. Elle déteste les Allemands : ils occupent son pays. Elle ne supporte pas le général De Gaulle qui met, selon elle, à mal l'unité nationale. Elle hait les Américains qui sont des envahisseurs et des occupants en puissance. Les Anglais aussi. Et puis, en vrac, les communistes, les « Bolcheviks », les Juifs et les Francs-maçons.
Qui diable peut bien dès lors trouver grâce à ses yeux ? le Maréchal Pétain qui, de son point de vue, est seul légitime, qui n'est inféodé à personne et qui n'agit comme il agit que « pour éviter le pire. »
C'est ce portrait d'elle que nous brosse Philippe Laborie dans une introduction très complète et très fouillée qui la replace dans le contexte de l'époque, dans son environnement, et qui nous décrit par le menu les difficultés auxquelles elle s'est trouvée confrontée.

Du Journal de Monique Guyot lui-même, on peut faire, me semble-t-il, deux lectures :
‒ L'une, « savante », qui se nourrit de la multitude des notes de bas de page (912 en tout, dont certaines extrêmement longues) fourmillant de précisions sur les lieux, les personnes, les événements historiques, qui ne fait grâce d'aucun des détails permettant d'éclairer le texte, mais qui présente l'inconvénient de hacher la lecture, d'en casser le rythme.
‒ Et une autre, plus directe, plus spontanée, qui en suit tout simplement le cours. On se trouve alors immergé dans un flux très porteur qui nous fait bien toucher du doigt ce que pouvait être la vie à cette époque troublée pour quelqu'un qui se trouvait, de coeur et de pensée, du côté du pouvoir en place. On accompagne Monique Guyot dans ses errances. On partage ses appréhensions. On se sent parfois en phase avec ses révoltes. On s'efforce de la comprendre, même s'il est souvent difficile de ne pas éprouver de la répulsion devant les opinions qu'elle professe.
La meilleure solution me semble être de procéder successivement à ces deux sortes de lecture en commençant, bien entendu, par la seconde.

On peut distinguer globalement trois phases dans le témoignage de Monique Guyot.
Il y a d'abord, dans un premier temps, une vie quotidienne faite de longues marches à pied à la recherche de nourriture ou de produits de première nécessité. D'interminables et inconfortables voyages pour s'efforcer de rendre visite à Yani, le neveu emprisonné. D'escarmouches qu'elle condamne entre la Résistance et l'Occupant.
Et puis, quand le Vercors devient le théâtre de sanglants combats, le récit d'affrontements, d'exécutions sommaires, auxquels elle n'assiste pas elle-même. Elle se trouve pour ainsi dire dans la situation de Fabrice del Dongo à la bataille de Waterloo. Elle n'a de la situation qu'une vision tronquée, parcellaire, d'autant plus angoissante que le vrai se mêle au faux et que les rumeurs vont bon train.
Enfin, une fois les Allemands partis, c'est la découverte de l'étendue des dégâts. Charniers, maisons brûlées. Et récits. Encore récits. Toujours récits de ceux qui ont vécu l'horreur ou qui s'en sont trouvés les témoins.

Quoi qu'il en soit et quoi qu'il arrive, Monique Guyot reste droite dans ses bottes. Elle ne changera pas d'avis. Et elle lit systématiquement la réalité à travers le filtre de ses idées préconçues. Ce qui devrait nous servir de leçon à tous. Ne sommes-nous pas tentés, à notre niveau, et quelles que soient nos opinions, de faire exactement la même chose ?

Un grand merci en tout cas aux Presses Universitaires de Grenoble pour m'avoir gracieusement fait parvenir cet ouvrage.
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Etrange, ce titre, dans une collection de livres qui s'appelle « Résistances », mais ce titre m'a tout de suite attirée dans la dernière masse critique de Babelio, parce que c'est un son de cloches qu'on entend rarement, mais qui n'en est pas moins intéressant. Ce n'est pas parce que ce n'est pas l'idéologie qui a gagné qu'il ne faut pas s'intéresser à ceux qui y ont cru et à pourquoi ils y ont cru. Ce livre n'a pas répondu à mes questions, mais sa lecture, si elle n'a pas été véritablement instructive, en a été très intéressante.
Philippe Laborie, qui présente et annote ces mémoires, nous permet de les remettre dans leur contexte. Celui de la constitution puis de l'extermination du maquis du Vercors. Celui aussi d'une historiographie qui nous fait parfois croire que toute la population civile était derrière ses maquisards. Avec ses mémoires, écrites sur le moment (avec un petit délai cependant que l'on note avec les expressions telles que « j'apprendrai plus tard que... »), Monique Guyot exprime tout le mépris qu'elle ressent pour ces dissidents, terme qu'elle préfère à « Résistants » comme ils s'appellent eux-mêmes ou à « terroristes » comme disent les Allemands). Mais ces mémoires ont ensuite été relues, dans les années 80, et il est intéressant de voir que Monique Guyot n'y change rien sur le fond, et pas grand choses sur la forme, même certaines phrases d'une ironie plutôt méchante face à ces dissidents. Et elle fera même les démarches nécessaires pour que ces sept cahiers d'écolier arrivent entre les mains des historiens, preuve qu'elle considérait son témoignage comme pertinent, et ce malgré le fait que ses opinions n'étaient pas particulièrement bien vues dans les décennies de l'après-guerre.
La lecture du journal en lui-même est plutôt laborieuse, du moins elle l'a été pour moi avec mon bagage historique plutôt léger. Laborieuse parce que Monique Guyot apparaît dans ces pages comme une petite bourgeoise provinciale et catholique caricaturale, pleine de la suffisance et de la certitude d'être la seule à avoir raison que l'on associe en général à cette catégorie de la population. Et il faut arriver à dépasser la mauvaise foi et la méchanceté un peu gratuite à laquelle cela la pousse dans son écriture. Une fois cet obstacle franchi, reste un texte qui n'explique pas vraiment les raisons des convictions pétainistes de l'autrice, c'est trop une évidence pour elle, mais qui montre clairement où sont ses priorités : l'ordre et qu'on la laisse tranquille. Les dissidents, parce qu'ils remettent en cause le seul pouvoir qu'elle reconnaît, celui de Pétain, parce qu'ils provoquent des représailles sur les civils ou parce qu'ils se ravitaillent de façon un peu forcée, ne peuvent trouver grâce à ses yeux. Elle n'aime pas non plus les Allemands (ni les Juifs d'ailleurs, ni les Républicains espagnols…), donc elle n'est pas collabo, ce qui fait qu'elle est toujours sur un fil de rasoir bien ténu, avec une position difficile à défendre : elle exècre l'occupation allemande, mais elle exècre encore plus ceux qui luttent contre. Et elle ne voit pas les contradictions de ses propos. Par exemple, elle fustige l'inexpérience des dissidents mais n'est pas contente de les entendre s'entraîner à tirer.
Si pour ma part j'ai eu du mal à trouver cette lecture instructive (parce que je n'ai pas les connaissances historiques nécessaires, parce que ce livre ne répond pas à la question que je voulais lui poser, à savoir pourquoi l'on devient, l'on est et l'on demeure pétainiste, voire collabo, je ne faisais pas assez la distinction entre les deux avant cette lecture), je l'ai trouvée très intéressante car elle m'a permis de m'interroger sur la façon dont l'opinion se crée et s'entretient, sur la difficulté qu'il peut y avoir à entrer en débat avec des personnes dont les opinions semblent avant tout des croyances, voire des dogmes. Cette question est d'une grande actualité, et étrangement c'est ce parallèle qui m'est apparu tout au long de ma lecture.
Ce livre est très certainement un document historique passionnant pour ceux qui sauront mieux que moi le déchiffrer et l'analyser, je n'en ai récolté que la superficielle crème et c'était déjà très bien. C'est aussi un livre qui illustre à merveille le biais de confirmation, un concept à la mode en ce moment, étrange lien entre ce livre et la BD L'esprit critique, que j'ai tous deux reçus grâce aux deux dernières masses critiques de Babelio !
En définitive, le témoignage de Monique Guyot, malgré une certaine mauvaise foi, demeure important. Important parce qu'il est l'expression de ce que pensait une part probablement non négligeable de la population de l'époque. Si je remonte dans mon arbre généalogique, je peux citer quelques personnes dont je pense qu'elles auraient pu écrire la même chose, dans d'autres circonstances, mais les mêmes sentiments, et on en a tous probablement dans nos familles.
C'est donc un travail important et utile qu'a fait Philippe Laborie, et je remercie les presses universitaires de Grenoble de m'avoir permis de lire ce livre, dans le cadre de la masse critique de Babelio. Une lecture parfois horripilante, mais qui fait réfléchir sur hier et sur aujourd'hui, et c'est nécessaire.
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Cet ouvrage a pour objet principal le journal intime de Monique Guyot, rédigé entre janvier 1944 et mai 1945, vivant dans le Vercors, poche importante de Résistance.
Comme le titre l'indique, cette femme de 38 ans se range dans le camp honni après-guerre des pétainistes, un point de vue rare donc, -elle a elle-même nommé ses documents "le revers de la médaille" - ce qui fait son intérêt.
Ces écrits intimes sont introduits et contextualisés par Philippe Laborie, qui fait oeuvre d'historien, aidant ainsi par avance à prendre de la distance avec le texte de l'auteure. Il nous y aide également tout au long de la lecture par de très nombreuses notes.
En effet, au-delà d'un rappel des idées pétainistes exprimées par Monique Guyot (la Résistance, appelée "dissidence", considérée comme porteuse de désordre et provocatrice des Occupants, amenant les représailles contre les civils ; la crainte du communisme et d'une révolution communiste etc.), Philippe Laborie, régulièrement, confirme les propos de l'auteure, les complète, mais aussi rappelle des faits dont elle ne pouvait avoir connaissance, entraînant donc une opinion biaisée.
Les annexes jointes comportent des cartes de la région, des photographies, des lettres et un tapuscrit rédigée par Monique Guyot après la guerre, reprenant en partie ses carnets intimes, semblant vouloir en faire une fiction autobiographique.
Tous ces documents sont fort intéressants, et, au-delà du point de vue discordant qu'il est bon d'entendre, je trouve, pour ne pas s'illusionner sur des faits historiques, et qui apparemment n'était pas si rare, ils m'ont permis de me faire une idée vivante de certains pans de la vie quotidienne lors de cette période hors norme (intérêt d'autant plus grand sans doute pour moi qui vis dans les lieux évoqués) : le rationnement et l'approvisionnement, les déplacements et transports à l'échelle locale et régionale, les activités qui se poursuivent malgré les mitraillages alentours, les contacts plus ou moins possibles avec les prisonniers...
Par ailleurs, j'ai été impressionnée par cette femme que je qualifierais d'hyper-active et d'opiniâtre, comme semble-t-il beaucoup d'autres qu'elle évoque ici ou là au gré de ses aventures : elle n'a de cesse de traverser le Vercors le plus souvent à pied (25 kilomètres en montagne !!!) pour se rendre dans une ferme qu'elle possède, où elle croise donc tantôt les Résistants, tantôt les Occupants, avec toutes les méfiances et dangers que cela implique ; elle se démène pour avoir des nouvelles de son neveu arrêté et emprisonné, se déplaçant régulièrement dans le sud-est de la France pour cela, passant également des journées à arpenter Grenoble ou ses alentours, ballottée de bureau en bureau, ayant toutes les peines du monde à faire envoyer un colis etc. Elle tient tête à tout le monde, n'a peur de personne, en a autant après les Résistants qu'après les Occupants - elle n'est pas collaborationniste. Un personnage pour le moins haut en couleurs ! On comprend pourquoi elle a conservé ses cahiers et les a transmis elle-même aux archives (avec une clause de consultation à 20 ou 30 ans).
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Samedi 5 août 1944.
Christine me parle des sentiments mesquins et jaloux des paysans vis-à-vis des uns les autres et me conte une histoire trop bonne pour être vraie. Un cultivateur communiste et dissident de la première heure est rentré chez lui et si effrayé qu'il demandait à Monsieur Pouteil-Noble de témoigner auprès des Allemands comme quoi il était "collaborationniste" et pour en donner une preuve il a peint la croix gammée sur le dos de ses vaches...
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Après tous ces récits affreux, j'étais impressionnée. Vers huit heures, on sonne à la porte. Je bondis sur le portrait de Pétain, et le dissimule. Ce n'était qu'une fausse alerte. Néanmoins, je me suis résolue à ce que j'avais décidé depuis longtemps. Pétain est maintenant dans ma chambre. Ce qui me gêne pour me déshabiller, malgré la bienveillance de son regard. Je n'avais pas prévu cela. Mais de reculade en reculade, où échouera-t-il ?
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J'ai présent à la mémoire le cambriolage de l'Américaine du Villard. Tous ces gens qui se sont laissé berner et ont ouvert innocemment leurs portes à une soi-disant "police allemande" !
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La Sipo-SD de Marseille, installée 425 rue Paradis dans une villa où sévissait Ernst Dunker.
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