Ceci est une intuition, une supposition. Comment célébrer la présence dans l'absence et vice-versa ?
Un appartement plein, baigné de soleil, un carrelage coloré, un mobilier démodé, des cadres photos sur un mur tapissé, des sardines à vider, du linge à sécher, des jouets abandonnés. le temps est comme suspendu, tout comme ce calendrier à jamais figé sur la table de la cuisine, dans cet intérieur que l'on devine être celui d'une grand-mère*, disparue depuis peu.
Un dialogue lacunaire, où le titre-question se répète sous la forme d'un leitmotiv, d'une ritournelle, que l'on devine être celui de Hadda et de son petit-fils (Maknine à qui la dédicace est destinée ?) et où la réponse se fait chaleureuse et sous la forme impérative (Va, sens, apprends etc). Alors que tout le blanc entre la question et la réponse symbolise l'absence, le manque, le vide, la page qui le jouxte rappelle la présence grâce à tous ces objets qui habitent encore la maison, ceux de la vieille dame comme ceux de l'enfant. Au manque répond l'image. Aucun personnage à proprement parler, hormis quelques photos en guise de décoration n'est représenté. Leur présence se fait dans l'énonciation (elle, je, tu) et dans les objets.
En effet, de ce mobilier vieillot en bois ou en formica, des épices aux aliments dans les paniers, du transistor que l'on imagine encore allumé, tout suggère, respire et recèle la présence et l'âme de Hadda. Elle n'est plus mais elle est partout. L'appartement vit tout comme le souvenir reste vivant.
Ainsi, l'album interroge la présence dans l'absence et aborde le deuil, (le manque, la disparition, le choix est ouvert), un de mes sujets de prédilection en LJ, de manière sensible, poétique et d'une subtilité rare et où fourmille mille détails éminemment symboliques. Ainsi, Hadda est toujours là, à l'intérieur, dans tous les sens du terme. Tandis que l'hirondelle, oiseau hautement symbolique lui aussi**, qui clôt l'album invite à un ailleurs… pour un futur en devenir, à l'extérieur du livre, pour cet enfant qu'on sait à jamais aimé par sa grand-mère et qu'il aime en retour, à jamais & pour toujours…
*, ** & *** une grand-mère maghrébine ? (Maknine à qui la dédicace est destinée ?) on pourra d'ailleurs préciser que Maknine, prénom arabe, signifie chardonneret, ce qui renvoie aux oiseaux à la fin de l'album (hirondelles). de même, Hadda, autre prénom arabe, signifie chaleureuse. Chaleur que l'on ressent d'ailleurs dans toute la maison ainsi que dans les réponses apportées à la question-titre en guise de leitmotiv. Pour avoir déjà admiré le travail d'
Anne Herbauts, je peux supposer qu'elle livre là son oeuvre la plus réaliste/illustrations et peut-être même la plus intime. Ceci n'est qu'une intuition.