Ce tome contient les épisodes 29 à 34, initialement parus en 2014, tous écrits par
Jonathan Hickman, dessinés par
Leinil Francis Yu, et encrés par
Gerry Alanguilan, avec une mise en couleurs de Sunny Gho. Pour espérer comprendre tous les enjeux du récit, il faut avoir commencé cette série avec le premier tome des Avengers d'Hickman, et lire en parallèle la série New Avengers, également écrite par
Jonathan Hickman.
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- ATTENTION - Ce commentaire révèle des éléments de l'intrigue des tomes précédents.
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Le tome commence par une page de rappel sur les incursions et ce que les Illuminati ont fait à Captain America. Dans le premier épisode, Captain America se souvient du détail de la réunion au cours de laquelle les Illuminati ont décidé de se passer de son accord. Puis il se rappelle ce qui est arrivé quand il s'est servi du gant de l'infini pour stopper une incursion (dans le premier tome des New Avengers), et de la disparition de la gemme du temps. Il décide de passer à la contre-attaque, en recrutant Black Widow, Hawkeye, Thor et Hyperion. Ensemble, ils vont confronter Tony Stark et ses façons de faire cavalières.
C'est le moment que choisit la gemme du temps pour réapparaître. le groupe de 5 superhéros se retrouve transporté 48 ans dans le futur, puis 422 années dans le futur, puis 5045 années dans le futur, puis 51028 années dans le futur et enfin jusqu'au bout. À chaque fois, ils découvrent le monde dans un état inattendu.
Dans un premier temps, le lecteur se dit que le tome démarre lentement, en ressassant les événements survenus lors de cette fameuse réunion au cours de laquelle Captain America a été désavoué par les autres Illuminati, et la destruction du gant de l'infini. Il faut donc attendre la moitié du premier épisode pour passer à du vraiment neuf, et la fin de ce même épisode pour que la situation évolue de manière significative. le lecteur se dit alors qu'il est parti pour un voyage temporel de plus, sans forcément beaucoup d'intérêt, sinon une fuite en avant.
De son côté,
Leinil Francis Yu réalise des dessins toujours aussi intenses pour ce qui est des visages et des corps, et toujours aussi légers en décors, et même avec des mises en scène un peu pauvres et basiques pour les dialogues (= surtout des têtes en train de parler). Fort heureusement, Hickman enchaîne les indices à un rythme soutenu, et ces futurs sont tous aussi différents qu'inattendus, avec un degré de connectivité intrigant vis-à-vis de la continuité Marvel.
À partir de l'épisode 32, la mise en images de Yu est plus adaptée aux concepts développés, qu'il s'agisse d'une flore domestiquée, ou d'un environnement stérile d'intelligence artificielle.
Jonathan Hickman est passé en mode science-fiction qui décoiffe, et c'est un vrai régal. le lecteur est d'autant plus surpris que le scénariste ne lâche pourtant rien sur la composante superhéros, Captain America volant la vedette, et l'intrigue reposant entièrement sur son système de valeur.
D'épisode en épisode,
Jonathan Hickman se paye également le luxe de repousser toutes les limites quant au concept d'un monde d'Avengers (Avengers world, voir dans l'épisode 32) et de tirer le meilleur parti possible de ces voyages dans le temps. Cela commence dès l'épisode 30 avec la nouvelle Star Brand qui explique au possesseur actuel de l'arme à quel point son dernier combat a été magnifique (induisant par là le fait avéré qu'il est mort jeune sur le champ de bataille). Ça continue avec le fait que comme ces voyages dans le temps sont devenus des faits concrets du passé, les Avengers sont attendus de pied ferme au bon endroit et au bon moment par leurs contreparties plus âgées qui se souviennent des événements qui pour eux relèvent du passé (sans générer aucun mal de tête chez le lecteur).
Dans l'épisode 32, le lecteur a le plaisir de retrouver un autre voyageur temporel déjà mis en scène par Hickman lorsqu'il écrivait la série des Fantastic Four (à commencer par Dark Reign: Fantastic Four). Dans ce même épisode 32, Hickman s'amuse à sous-entendre un second degré pince-sans-rire sur l'omniprésence des Avengers (grâce au succès du film Avengers de 2012). Il insiste avec un clin d'oeil rigolo en incluant un des membres des Gardiens de la Galaxie le temps d'une case (eux aussi ayant accédé à la gloire par le biais de leur film en 2014).
L'épisode suivant contient lui aussi une forme de métacommentaire lorsque l'intelligence artificielle déclare que les Avengers ont accédé au statut d'idée, de concept, libéré des contingences matérielles. À nouveau, Hickman décrit de manière métaphorique le degré de notoriété des Avengers dans la culture populaire à ce moment.
Ce second degré de lecture ne nuit en rien au premier de l'intrigue, passionnant de bout en bout. Après avoir prouvé dans les tomes précédents que les Avengers sont une source infinie d'inventivité en passant d'une dimension à l'autre, Hickman renouvelle son exploit en montrant la source inépuisable de nouveautés à portée de main du premier scénariste qui s'en donne la peine, cette fois-ci au travers des années à venir. Il met également sur la table toute la signification du cauchemar de Captain America dans le premier tome de la série. Il justifie l'arrivée très opportune d'une planète venue de nulle part, ayant fait son apparition dans le tome précédent. Enfin, toute l'histoire de ce tome trouve sa justification dans une très belle profession de foi de Captain America (dans le dernier épisode), convaincante et émouvante, en phase avec le personnage sans être une simple enfilade de clichés. La série trouve ainsi ses fondations dans le credo de celui qu'on surnomme le premier Avenger.
Avec ce tome, Hickman laisse le temps au lecteur de se remettre dans le bain et de raccrocher les wagons avec les faits passés. Il l'emmène dans un récit mêlant science-fiction, et voyages temporels intelligents et cohérents, avec la mythologie future des Avengers, réussissant par là même plusieurs métacommentaires discrets et pertinents.
Leinil Francis Yu se concentre sur les personnages et leurs visages sérieux et fermés, desservant les environnements trop superficiels dans un premier temps, donnant corps aux visions d'Hickman dans la deuxième moitié du récit. le lecteur ressort de ce tome, avec sa foi dans les superhéros ravivée, sa confiance en la possibilité de récits novateurs, intelligents et divertissants rassérénée.