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sur 883 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Personne n'a oublié l'horrible meurtre de Laëtitia PERRAIS, jeune serveuse de 18 ans, assassinée par Tony MEILHON en janvier 2011. A cause de l'atrocité du crime d'abord, parce que le corps de la jeune fille a été démembré et qu'il a fallu presque 3 mois pour lui redonner son intégrité. A cause du contexte politique ensuite, parce que Nicolas SARKOZY avait mis en cause le travail des juges dans le suivi du meurtrier et ce faisant, provoqué une grève des magistrats et une manifestation nationale.

Mais qui se souvient de Laëtitia pour elle-même? Raconter non pas "l'affaire Laëtitia" mais la vie de Laëtitia ; telle a été la volonté d'Ivan JABLONKA au travers de ce livre qui loin de relater seulement l'enquête criminelle, livre une véritable enquête de vie. Un superbe hommage à Laëtitia mais aussi à ses proches et surtout à sa soeur jumelle Jessica, ceux qui restent et que l'on a oubliés aujourd'hui, une fois le fait divers passé et remplacé par d'autres, alors que par une forme d'injustice supplémentaire, le nom de l'assassin passe à la postérité.

L'auteur revient bien sûr sur la polémique déclenchée par Nicolas SARKOZY sur le suivi des délinquants multirécidivistes et sur la façon dont elle a été reçue par des juges d'application des peines et des conseillers d'insertion et de probation trop peu nombreux, surchargés et contraints de prioriser les dossiers.

Il relate la figure emblématique de Gilles PATRON, père d'accueil de Laëtitia et de sa soeur Jessica, l'homme qui prend toute la place et même celle de Franck PERRAIS, le père biologique, parce qu'il est plus convenable, plus présentable... mais qui sera condamné ensuite pour avoir sexuellement agressé plusieurs jeunes filles et notamment Jessica.

Il décrit aussi le travail des services sociaux, foyers, familles d'accueil, éducateurs, psychologues et le parcours des enfants placés; celui de la presse lorsqu'elle est confrontée à une affaire d'une telle ampleur ou encore celui du Juge d'instruction, du Procureur et des avocats intervenus dans ce dossier.

Mais Ivan JABLONKA raconte aussi les 18 années de vie de Laëtitia, ses blessures, ses fragilités, ses rêves, sa force face à tant d'épreuves, ses espoirs d'émancipation et ses découragements.

Son père qui viole sa mère sous la menace d'un cutter, qui la violente elle et sa soeur; un parent qui part en prison pendant que l'autre disparaît en psychiatrie, et deux soeurs placées en foyer à 8 ans avant d'intégrer à leur 13ème anniversaire leur famille d'accueil PATRON.

Une jeune fille volontaire, courageuse malgré ses nombreuses difficultés et les coups que la vie lui a déjà donnés, qui s'investit dans sa formation professionnelle, qui fait des projets.

Le récit provoque tour à tour l'émotion, la colère, l'impuissance et le sentiment d'injustice devant cette vie qui s'acharne sur Laëtitia, grâce à l'écriture d'Ivan JABLONKA, subtile, juste et d'une humanité indéniable.

Se replonger dans l'affaire criminelle, et se plonger dans la vie de Laëtitia, puis s'en défaire une fois la lecture terminée n'a pas été de tout repos pour moi, ce qui m'a surprise puisque ce n'est pas la première fois que je lis le récit d'une enquête. Alors que j'ai eu envie de lire ce livre dès sa sortie, j'ai été étonnée de me découvrir, au début de ma lecture, une certaine réticence à me replonger dans l'horreur, et j'en suis ressortie chamboulée assurémment.

C'est certainement la preuve qu'on est bien au-délà du récit d'un fait divers avec LAETITIA OU LA FIN DES HOMMES; les fonctions d'écrivain, d'historien et de sociologue d'Ivan JABLONKA subliment et donnent une autre dimension - sociale, émotionnelle et sincère - que celle que revêt ce type d'enquêtes généralement.

J'ai l'impression qu'il me faudra sans doute souffler un peu avant de passer à une autre lecture.

Ivan JABLONKA pour LAETITIA OU LA FIN DES HOMMES a reçu le Prix MEDICIS 2016 et le Prix littéraire LE MONDE 2016.

Lien : http://cousineslectures.cana..
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A l'origine, une affaire monstrueuse : le meurtre et le ( j'hésite quant au choix du vocable) dépeçage (?)morcellement(?), du cadavre d'une toute jeune fille, avant de le jeter, lesté, dans un trou d'eau. C'est ce fait divers qui donne le départ au livre d'Ivan Jablonka. Mais, bien au-delà de celui-ci, c'est un regard plongeant sur notre système judiciaire qui donne le ton à cette sordide affaire. Regard qui se veut aussi neutre que possible, qui fait une large place au mouvement des instances policières et judiciaires que N.Sarkosy, alors président de la République avait accusées de graves manquements . Travail minutieux, consciencieux que celui de cet historien sociologue : les travers de notre société sont examinés à la loupe : des conditions de vie dans des familles dépossédées, en passant par les familles d'accueil abusives, des politiciens qui sont prêts à tout pour faire un scoop ... le titre complet " Laëtitia ou la fin des hommes" donne tout son sens à cet ouvrage qui n'est pas un roman mais bien plus une photo d'une société rongée par des malaises aux racines multiples...
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Le fait divers peut-il être le révélateur d'une époque ? Cette question m'a hanté lors d'une première lecture soucieuse de « Laëtitia », peu habitué des ouvrages traitant les crimes et horreurs contemporains de nos pairs. Et pourtant, Ivan Jablonka pose insidieusement la question du traitement du fait divers par les sciences sociales et la littérature.

Le fait divers en tant qu'objet historique et social :

Tout d'abord, l'auteur explore tout au long du livre la question de la « France périphérique », des campagnes isolées et de ses habitants oubliés ; la géographie dans la plus large de ses définitions est mobilisée pour comprendre l'affaire Laëtitia. Notons ensuite, alors que l'histoire du net s'archive aux États-Unis, Yvan Jablonka utilise une source inédite pour son enquête : le compte facebook de Laëtitia qui lui permet de saisir les sentiments et centres d'intérêt de la jeune fille, de comprendre sa culture ; c'est également une source écrite de première main dans la quête de la vérité historique.

Il nous décrit également la succession des événements et déclarations qui ont fait du crime dont a été victime la jeune fille une affaire d'État. le traitement politique du fait divers permet alors d'éclairer le fonctionnement de l'exécutif (et de dresser un portrait à charge contre la présidence Sarkozy) mais aussi du fonctionnement de la justice, de ses institutions. L'investigation judiciaire, le travail des gendarmes et policiers ainsi que l'enquête journalistique sont également décrits comme éclairant notre société lors de cette affaire du début des années 2010.

L'ouvrage d'Ivan Jablonka mêle fiction et recherches historiques et nous pousse à nous demander si la fiction est nécessaire à l' Histoire pour la comprendre ? La fiction permettrait alors de varier les points de vue et de reconstituer les atmosphères, de rendre le travail historique plus intelligible. L'émotion, les sentiments deviennent alors des sujets historiques à étudier et explorer au-delà d'un traitement factuel et événementiel du fait divers.


La vie de Laëtitia à travers ses relations sociales :

C'est à mon avis le deuxième axe de lecture du livre bien qu'il soit peut-être le premier à être perçu : la vie de Laëtitia Perrais racontée dans un ouvrage-témoignage. L'auteur n'apporte aucune révélation sur la tragédie : journalistes et enquêteurs ont déjà exploré la vie de la jeune fille et de ses proches bien avant lui. le sordide de l'affaire (ou plutôt des affaires) est connu et facilement consultable sur internet ou présent dans les archives. L'actualité (procès d'octobre 2015, un an avant la publication du livre) fait d'ailleurs cruellement écho à 2011.

Ivan Jablonka tente de comprendre un monde qui ne lui est pas familier, il cherche à comprendre Laëtitia, parfois maladroitement, parfois pudiquement il constate les ressemblances sociologiques, s'intéresse comme d'autres avant lui à la personnalité de la victime. Victime qui devient cependant héroïne en ce sens où elle n'est pas découverte par le lecteur qu'à travers l'histoire de sa mort et de son bourreau. Ce renversement de perspective est sans doute la force principale de cette « fin des hommes ».


Aussi la lecture d'Ivan Jablonka nous rappelle l'affaire Laëtitia mais surtout l'histoire de la jeune fille. le fait divers est ici raconté, étudié en tant que genre historique, objet d'étude et de recherche. Enfin l'auteur rappelle à l'historien et à nous tous que l'étude de l'histoire ne se limite pas à l'analyse des faits anciens et que notre vie quotidienne et les drames contemporains aussi sordides soit-ils doivent être lus à travers le prisme de la vérité, aussi cruelle soit-elle.
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Ivan Jablonka, historien et journaliste, enquête sur la vie et la mort de Laëtitia Perrais, une jeune fille de 18 ans assassinée en janvier 2011 par Tony Meilhon. L'auteur revient dans les moindres détails sur l'enquête et le déroulé des événements mais il veut surtout donner à voir qui était Laëtitia, où elle vivait, son environnement, son milieu social. le fait divers fascine la France en ce début 2011. Laëtitia vivait avec sa soeur jumelle Jessica chez les Patron, une famille d'accueil. Gilles Patron, figure du père de substitution et pourfendeur des délinquants sexuels en public, a été reconnu coupable d'attouchements sexuels sur Jessica. Un double fait divers en quelque sorte.
Laêtitia ou la fin des hommes est une enquête sociologique et un portrait, le portrait d'une jeune femme d'aujourd”hui tuée alors qu'elle s'émancipait d'une jeunesse massacrée.
Un récit honnête et minutieux, passionnant et déchirant. A lire.
Lien : http://puchkinalit.tumblr.com/
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C'est un prénom associé à un sordide fait divers qui s'est déroulé en Janvier 2011. Ce prénom est maintenant associé au travail de recherches mené par un historien, Ivan Jablonka.
Ivan Jablonka a voulu aller au delà du fait divers. Il a mené une enquête . Une enquête historique en reliant des éléments au passé en particulier au 19 ème siècle comme par exemple les enfants abandonnés. Une enquête sociologique : il veut comprendre, ouvrir, dissiper l'affaire. Cette enquête lui fait découvrir un milieu très différent du sien. A lui qui se dit lié à la judéité, aux livres, à la bourgeoisie parisienne, se révèle une France populaire, où sévit l'alcoolisme, la violence, où les femmes sont victimes de sévices corporels ou mentaux. Ce qui est remarquable dans cet ouvrage, c'est la discrétion de l'auteur. I.Jablonka ne s'attarde pas aux détails sordides. Victimes ou agresseurs sont respectée s. le personnel judiciaire ainsi que la gendarmerie sont associés à son enquête. A travers cette recherche du vrai visage de Laëtitia – qui est peut être le véritable objectif- transparaît la sensibilité de l'homme . Cette profonde sensibilité se transforme à la fin du récit en une véritable empathie. Nous sentons I . Jablonka bouleversé. Et il nous entraîne, nous lecteurs témoins impuissants, sans pathos, sans mièvrerie, avec sobriété , avec même pudeur, vers un dénouement que rien ne peut arrêter. Ce n'est que dans les dernières pages que I.Jablonka laisse éclater son émotion «  Laêtitia, c'est moi «  .
Un livre bouleversant. Un récit à lire pour ne pas oublier Laëtitia.
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« Mon pari est que, pour comprendre un fait divers en tant qu'objet d'histoire, il faut se tourner vers la société, la famille, l'enfant, la condition des femmes, la culture de masse… » p 347
En effet, « Laetitia » est une véritable enquête, pas un roman. Enquête sociologique, historique menée par l'auteur, universitaire, ayant déjà écrit sur la condition de l'enfance maltraitée.
Laetitia, c'est Laetitia Perrais, jeune apprentie du Pornic, placée en famille d'accueil avec sa soeur jumelle Jessica, enlevée près de chez elle, avant d'être poignardée, étranglée, démembrée par Tony Meilhon en janvier 2011.
L'affaire est lourde mais prend une autre ampleur quand elle est exploitée par le Président Sarkozy. Elle fait descendre les magistrats, mis en cause collectivement, dans la rue ; c'est rare. le drame devient encore plus sordide quand le père d'accueil est arrêté pour viol.
Yvan Jablonka parvient à analyser tous les aspects de cette affaire avec précision et de nous y intéresser (les 370 pages se dévorent). Cet universitaire procède avec méthode (références nombreuses aux textes législatifs) mais il y mêle des rencontres avec les principaux témoins de la vie toute simple de Laetitia. Il raconte son enquête comme Emmanuel Carrère dans l'adversaire (Affaire Romand).
Un livre dur étant donné le sujet mais qui a réussi à me captiver. C'est sérieux mais très humain. Il rend hommage à Laetitia et à tous ces enfants placés et victimes des adultes.
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Ivan Jablonka nous parle ici d'un fait divers qui s'est produit en 2011 : le meurtre de Lætitia, une jeune fille de 19 ans.

Ce fait divers a été à l'origine d'un important débat politique, c'est presque devenu une affaire d'état.
Ivan Jablonka a mené une enquête rigoureuse sur cette affaire après avoir obtenu l'accord de Jessica, la soeur jumelle de Lætitia, condition préalable à la poursuite de son projet. Il a rencontré l'avocate de Jessica, les proches de Lætitia, les journalistes qui ont suivi l'affaire, il a étudié ses messages sur facebook et assisté au procès de son meurtrier.

Il construit son récit en mêlant les faits, l'enquête et l'emballement médiatique avec un retour sur la vie de Lætitia qu'il veut présenter comme une personne et non pas uniquement comme une victime.

Il veut comprendre l'existence de Lætitia, son enfance structurée par la gémellité, l'assistance éducative puis le placement en famille d'accueil. Il veut comprendre cette affaire et ses enjeux.

Il analyse la déferlante médiatique que cette affaire a provoquée, ce fait divers a en effet tenu la une des médias pendant 6 semaines et plusieurs marches blanches ont été organisées.

Il dénonce l'instrumentalisation de l'affaire par le pouvoir politique car le meurtrier de Lætitia a immédiatement été présenté comme un délinquant sexuel multirécidiviste alors qu'il était certes un multirécidiviste mais aucunement un délinquant sexuel. Ce crime a provoqué une importante crise entre l'exécutif et la magistrature attisée par les prises de position indécentes du président de la République.

C'est pourquoi Ivan Jablonka parle de trois drames dans la vie de Lætitia : son enfance, sa mort et l'exploitation qui en a été faite "Engendrée par ses parents, tuée par Meihon, Laetitia a en quelque sorte été inventée par Sarkozy."

Il décortique le comportement du père d'accueil de Lætitia et Jessica, responsable de la mise à l'écart de leur père biologique, omniprésent dans les médias, en tête des marches blanches, engagé dans un combat contre les délinquants sexuels alors qu'on découvre peu de temps après qu'il a agressé sexuellement Jessica...

Ce récit est présenté comme un roman mais selon moi c'est plutôt un essai. Ivan Jablonka adopte une démarche d'historien et de sociologue, il étend son propos à la gémellité, au fonctionnement de la justice et de l'Aide Sociale à l'Enfance, à la récidive, aux violences faites aux femmes, aux faits-divers en général...

J'ai trouvé ce récit très fouillé, très documenté et précis, l'auteur analyse la vie de la jeune fille, cerne sa personnalité et sa psychologie, il détaille avec précision son comportement lors de sa dernière journée.
J'ai par contre été un peu surprise par certaines de ses prises de position, par sa partialité et sa sévérité envers l'Aide Sociale à l'Enfance allant jusqu'à écrire que 10 ans d'ASE c'est pour les parents une fille tuée et une violée comme si l'ASE avait une responsabilité dans le meurtre de Lætitia....
J'ai ressenti l'immense empathie de l'auteur pour Lætitia et Jessica et j'ai interprété les quelques longueurs et redites en fin de récit comme une difficulté pour lui à quitter Lætitia.
Malgré ces quelques bémols, j'ai trouvé ce récit très intéressant et très bien construit.



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L'auteur aborde ce tragique fait divers comme un sociologue, une écriture pleine de retenue et de respect, loin du battage nauséabond des médias, pour rendre un bel hommage à la jeune victime. l'histoire d'une jeunesse anéantie par l'existence avant même d'avoir commencé à vivre, d'une jeunesse pour qui les réseaux sociaux ont remplacé les journaux intimes. Jablonka alterne les chapitres sur la longue enquête et les récits de la vie des deux soeurs jumelles. Une étude minutieuse sur la condition des enfants abandonnés et placés, sur les dysfonctionnements de la justice dus à une insuffisance des effectifs, sur la surpopulation carcérale qui fait que la prison ne permet pas la réinsertion mais au contraire favorise la récidive et aussi sur l'interférence du pouvoir politique, toujours prêt à faire de la récupération.


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Le cas Laëtitia Perrais est un fait divers sordide. En 2011, cette jeune fille de 18 ans a été assassinée puis démembrée par Tony Meilhon, un criminel récidiviste. Ivan Jablonka s'intéresse un peu au meurtrier mais il se concentre surtout sur l'histoire de Laetitia, enfant née dans un milieu difficile et placée dans des centres, puis une famille d'accueil avec sa soeur jumelle, Jessica. En se basant sur ce fait divers, il fournit une enquête poussée sur ces enfants à qui la vie ne sourit pas et ces criminels qu'on ne sait pas réinsérer dans une société qui les a pourtant forgés par son machisme et son déterminisme.

Le titre complet du livre, Laëtitia ou la fin des hommes, illustre parfaitement la vie de la jeune femme. Son foyer a été disloqué à cause de la violence de son père biologique, puis elle a été placée auprès d'un père d'accueil qui était également un prédateur sexuel, et elle a été tuée par un homme vexé de ne pas lui avoir suffisamment plu. Ivan Jablonka rend un très bel hommage à Laëtitia Perrais tout en évoquant des sujets trop souvent oubliés. Il s'accuse de faire subir une nouvelle violence à Laëtitia en dévoilant ainsi toute sa vie, mais j'ai trouvé au contraire qu'il dressait un portrait de l'adolescente sans la juger, en gardant une certaine pudeur et j'ai senti beaucoup d'affection dans ses mots. L'aspect documentaire du livre ne coupe pas l'émotion et j'ai été assez touchée par cette lecture.
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Elle n'avait été que « l'affaire », celle débutée avec sa disparition dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011 puis matérialisée avec la découverte de son corps quelques semaines plus tard.

Elle n'avait été que la victime parmi d'autres d'un délinquant sexuel, le prétexte de Nicolas Sarkozy pour s'immiscer dans le domaine judiciaire.

Elle n'avait été que cela jusqu'à présent Laëtitia Perrais. Ivan Jablonka, dans cet ouvrage, souhaite qu'elle soit ce qu'elle était réellement : une jeune fille de dix-huit ans avec des envies, des passions, des désirs, des peurs ; une jeune femme au parcours personnel difficile et qui explique en partie sa fin brutale.

Dépossédée de sa propre histoire, livrée en pâture par les médias, Ivan Jablonka a voulu à la fois rendre hommage à cette jeune fille mais aussi étudier le fait divers comme un fait social, un objet d'histoire. Pendant deux ans, il a mené son enquête, rencontré les proches, les différents acteurs de l'affaire et a assisté au procès de son meurtrier Tony Meilhon.

Aux frontières du journalisme, de l'histoire, de la littérature et de la sociologie, Ivan Jablonka livre un document passionnant qui prend soin à la fois de rendre à la victime son statut d'être humain mais aussi de décortiquer les différents aspects de l'affaire. Il y a les aspects psychologiques du tueur, des proches mais aussi de Laëtitia (comment une jeune fille peut-elle se laisser embarquer par un homme qui est clairement louche dès le départ) ; le conflit politique et judiciaire avec les saillies du président Sarkozy à l'origine d'une grève de la magistrature. Enfin, il y a l'étude de l'emballement médiatique, le « spectacle de mort » : comment les proches y font face, comment cet engouement naît et disparaît au profit d'autres infos, laissant les gens touchés par cette vague dans un mal-être.

Alors qu'habituellement je ne suis pas fan de ce type d'ouvrages – j'ai le fait divers en horreur – je me suis passionnée pour cette enquête qui montre aussi toute la violence faite aux femmes, bien au-delà de la violence physique comme l'auteur l'explique dès son introduction :

« Mais Laëtitia ne compte pas seulement pour sa mort. Sa vie nous importe, parce qu'elle est un fait social. Elle incarne deux phénomènes plus grands qu'elle : la vulnérabilité des enfants et les violences subies par les femmes. Quand Laëtitia avait trois ans, son père a violé sa mère : ensuite, son père d'accueil a agressé sa soeur ; elle-même n'a vécu que dix-huit ans. Ces drames nous rappellent que nous vivons dans un monde où les femmes ne sont pas complètement des êtres de droit. Un monde où les victimes répondent à la hargne et aux coups par un silence résigné. Un huis clos à l'issue duquel ce sont toujours les mêmes qui meurent ».
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