Il m'a fallu plus d'un an pour ouvrir ce livre, où tout sonnait en apparence sombre, lugubre, pour ne pas dire carrément glauque - impression renforcée par la couverture noire, avec ses quelques lettres rouges hypnotisantes, presque effrayantes. Quelques heures seulement auront suffi pour en achever la lecture, après être passé par toutes les émotions. Les nombreux éloges m'avaient rapidement incité à l'acheter mais je m'étais ensuite toujours trouvé un prétexte pour repousser le moment d'entrer dans cette histoire sordide. Or
Laëtitia s'avère finalement être bien plus qu'une enquête sur un terrible "fait divers". C'est une oeuvre à part entière, passionnante, fine, empreinte d'humanité et de réflexions, au croisement du journalisme, de la sociologie, de la littérature.
C'est, aussi, une incarnation parfaite des sciences sociales, de leur utilité, de leur nécessité ; elles qui sont parfois arides sont ici rendues très concrètes. Par l'histoire, la géographie, la politique, la sociologie, l'anthropologie du quotidien, ce qui n'était qu'une "affaire" vécue par le truchement des médias et des déclarations de politiciens nauséabonds d'opportunisme, prend ici toute sa mesure et s'enracine dans des vies, des destins, des lieux, des liens, des déterminismes.
C'est, enfin, un très bel hommage à cette jeune fille,
Laëtitia. "L'intérêt que nous lui portons, comme un retour en grâce, la rend à elle-même, à sa dignité et à sa liberté" écrit joliment
Ivan Jablonka. J'écris cette critique pour tirer mon chapeau à ce chercheur-écrivain, pour qu'il sache que son livre restera, pas seulement dans les palmarès grâce aux prix dont il est lauréat, mais bien dans les mémoires de ceux qui l'ont lu et qui ne manqueront pas d'y repenser longtemps après l'avoir refermé.