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sur 891 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Janvier 2011 - Laëtitia Perrais, jeune fille de 18 ans, est enlevée, sauvagement tuée, puis démembrée par Tony Meilhon. Simple fait divers ? Rien n'est moins sûr lorsque le tueur est un récidiviste, et que le Président de la République de l'époque, Nicolas Sarkozy, reproche alors aux juges de l'avoir libéré sans le tracer par la suite. S'en est suivie une grève mémorable et sans précédent des magistrats dans la France entière. Pour autant, l'évocation de cette affaire conduit à se rappeler davantage du bourreau plutôt que de la victime elle-même dont on ne sait pas grand' chose finalement. C'est à ce déséquilibre que l'auteur, historien et sociologue, cherche à remédier en procédant à une enquête minutieuse et passionnante de bout en bout.

Laëtitia en latin signifie « Joie » comme l'auteur le souligne en épigraphe… Plutôt déroutant au regard du sort qui a été réservé à cette jeune fille ! Révolté par cette affaire et ayant par le passé effectué des recherches sur les enfants retirés à leurs parents puis placés dans l'institution qu'on appelle aujourd'hui l'Aide sociale à l'enfance, Ivan Jablonka décide de raconter Laëtitia, son enfance et son adolescence loin de ses parents, dans des foyers et familles d'accueil, le milieu dans lequel elle a grandi, pour mieux comprendre de quelle manière un tel drame a pu se produire et intégrer les répercussions sociales de ce fait divers.
Pour ce faire, il a rencontré toutes les personnes évoluant dans l'entourage de Laëtitia, les unes après les autres, à commencer par sa soeur jumelle, Jessica, sans l'autorisation de laquelle il n'aurait rien fait. Sa démarche emplie de doutes et de bienveillance est très touchante : point de voyeurisme malsain mais une vraie empathie et une volonté d'apaiser qui m'ont particulièrement émue tout au long du livre.

L'approche adoptée consistant à observer ce fait divers par un prisme différent, un objet d'histoire, est originale, loin des chroniques judiciaires que j'affectionne par ailleurs. Ainsi que le souligne l'auteur, Laëtitia incarne ainsi un phénomène plus grand qu'elle : la vulnérabilité des enfants et les violences subies par les femmes. La méthode pédagogique suivie par l'auteur le conduit à analyser comment interagissent toutes les personnes concernées de près ou de loin par le fait divers : familles naturelle et d'accueil, juge d'instruction, procureur, avocats, journalistes et politiques. L' « Affaire Laëtitia » est assurément hors du commun en raison de l'horreur du crime, l'un des plus terrifiant du XXIe siècle, mais aussi des implications qu'elle aura eues sur la société. L' « Affaire Laëtitia », c'est aussi une affaire dans l'affaire donnant lieu à une réflexion sur la récidive, indissociable du problème carcéral bien connu en France. Une affaire à l'aune des réseaux sociaux où l'information circule quasiment en temps réel, imposant à tous les protagonistes de s'adapter afin de tenir au mieux leurs rôles. Alternant entre ces différentes réflexions et le récit du crime, l'auteur imprime un rythme soutenu à son ouvrage, rendant ses propos davantage soutenables et au-delà, extrêmement intéressants.
Loin de se positionner en simple observateur, l'auteur livre ici un documentaire engagé, n'hésitant pas à descendre en flèche la récupération politique qui a été faite de Laëtitia, tout en lui redonnant corps et âme et nous faisant découvrir la jolie personne en devenir qu'elle était. Une lecture dont on ne ressort pas indemne et qui nous habite encore longtemps après avoir tourné les dernières pages.

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Un livre poignant et intelligent.
Un livre qui vous change.
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Ici, le fait divers tragique a inspiré l'écrivain de la meilleure façon possible. Il a enquêté mois après mois, troublé par le sort réservé à une jeune fille tombée sur le mauvais garçon au mauvais moment. Car si le crime en lui-même est sordide, l'explication dans ses détails, telle que l'on pourrait la voir dans l'entrefilet d'un article, il est à l'image du traitement que l'on en a fait : un cas presque banal de meurtre. Au contraire, l'auteur nous montre que dans son passé, comme dans ceux de ces proches puis dans l'emballement médiatico-judiciaire qui a accompagné l'enquête, l'histoire de Laetitia est bien la suite de négligences et d'abus, de mépris et d'un patriarcat qui veut la voir en martyr. Il fait émerger en croisant récit, témoignage et enquête, toutes les marques révélatrices du sort et des aprioris réservées aux femmes depuis des siècles. Une lecture poignante, qui ébranle nos certitudes tout en éclairant définitivement notre point de vue.
G.H

Lien : http://www.bnfa.fr/livre?bib..
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En historien et sociologue, Ivan Jablonka a courageusement tenté de comprendre ce qui est arrivé à Laëtitia Perrais, jeune fille de 18 ans assassinée dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011 et dont le meurtrier a été arrêté, même s'il a fallu douze semaines pour retrouver la totalité du corps de la victime.

L'histoire malheureuse de Laëtitia s'était transformée en affaire d'État, le Président Sarkozy ayant mis en cause les juges ce qui déclencha une grève des magistrats. de plus, Gilles Patron, le père de la famille d'accueil a été ensuite accusé d'agression sexuelle par Jessica, la soeur jumelle de Laëtitia.
Ivan Jablonka dit avoir écrit ce livre pour rendre sa dignité et sa liberté à cette fille qui « est née à l'instant où elle est morte. » Il précise que son livre se passe dans « la France de la pauvreté, des zones périurbaines, des inégalités sociales »
Patiemment, l'auteur décortique tout ce qui s'est passé, revenant en arrière pour que nous connaissions le mieux possible chaque personne ayant connu Laëtitia. C'est bien sûr Jessica qui retient d'abord son attention et qu'il peut rencontrer à plusieurs reprises grâce à Cécile de Oliveira, son avocate.
La scène d'absence, avec ce scooter renversé et les deux ballerines noires abandonnées là, déclenche les recherches. Est-ce une fugue, un suicide, un enlèvement ? L'enfance des deux soeurs placées par l'Aide Sociale à l'Enfance de Loire-Atlantique chez M. et Mme Patron est détaillée. Majeures, elles ont décidé de rester dans leur famille d'accueil. Jessica prépare un CAP de cuisine au Lycée hôtelier de Machecoul et Laëtitia travaille dans un hôtel et prépare le CAP de serveuse.
Divers témoignages ciblent rapidement un homme conduisant une 106 blanche et son portrait-robot est diffusé. Comme il le fera tout au long du livre, l'auteur marque une pause dans les événements pour parler des parents des jumelles, détailler leur parcours et souligner tout ce qui a marqué leur vie.
L'autre fait important bien détaillé par Ivan Jablonka, c'est la naissance d'un fait divers : le décès de Laëtitia est un événement médiatique qui va tenir la Une des médias pendant six semaines, ce qui est rarissime.
La politisation de l'affaire, au sommet de l'État, est à son comble avec un Président qui réclame une nouvelle loi à chaque fait divers, davantage de peines-plancher et plus de rétention de sûreté. En effet, Tony Meilhon, l'assassin est un délinquant sexuel multirécidiviste. Les amalgames sont faciles sous le coup de l'émotion. Comme le précise très justement l'auteur, la prison entretient la délinquance et le terrorisme. Elle est un incubateur de rage. L'institution judiciaire manque cruellement de moyens, surtout les juges d'application des peines (JAP) et les conseillers d'insertion et de probation (SPIP) sont trop peu nombreux.

Laëtitia est un livre qu'il faut lire pour comprendre tout ce qui s'est passé. Pour Ivan Jablonka, « Raconter la vie d'une fille du peuple massacrée à l'âge de 18 ans était un projet d'intérêt général, comme une mission de service public. » Cela a été très bien fait.


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Laëtitia... Qui aurait pu se douter, qu'un jour, ce prénom porterait le nom d'une affaire ?

Laëtitia Perrais naît dans une famille chaotique : un père peu instruit, alcoolique, violent avec sa femme et ayant fait quelques séjours en prison, une maman dépressive, une situation précaire, une absence de repères. Avec sa soeur jumelle, Jessica, elle sera très vite retirée de ce foyer. D'abord recueillies par leur grand-mère, puis placées en foyer avant d'être admises en famille d'accueil, les soeurs peinent à trouver un équilibre. Chez les Patron, elles semblent pourtant avoir trouver un refuge. Un refuge illusoire ? Elles mènent leur scolarité cahin-caha, sont plutôt dociles, accèdent peu à la culture. Un soir de janvier 2011, Laëtitia sera enlevée. Suivront de courtes mais vaines recherches puisque le coupable, Tony Meilhon, sera arrêté deux jours plus tard. Un homme alcoolique, drogué, voleur ayant effectué plusieurs séjours en prison depuis son adolescence...

Comment expliquer un tel engouement ? Une portée médiatique si importante ? Des unes de journaux et des articles longtemps après ce drame, ce sordide et tragique fait divers ? Comment et pourquoi Laëtitia a-t-elle touchée si profondément le coeur des Français ? C'est ce que tente d'expliquer dans cette enquête l'historien et romancier, Ivan Jablonka. de son enfance à son adolescence malmenées, l'auteur retrace la vie de Laëtitia. Il relate également avec minutie le déroulement de l'enquête et ses retombées judiciaires, politiques et sociales, s'attarde sur le profil non seulement du tueur mais aussi de l'entourage de la jeune fille (père et mère biologiques, père adoptif, Tony Meilhon). Un travail de longue haleine pour lequel Ivan Jablonka a rencontré et s'est entretenu avec Jessica et son avocate, a arpenté le pays de Retz, les lieux du drame, dans le seul but de redonner vie à Laëtitia. Un récit poignant, glaçant parfois. Bien au-delà d'un simple fait divers, une peinture bien sombre de la société française.
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J'ai longtemps hésité à entreprendre cette lecture. Bien sûr, j'avais entendu parler de ce fait divers sordide, d'autant que je connais bien la région. Alors je craignais le voyeurisme. Encouragée par les critiques, je me suis lancée. C'est un des plus beau livre que j'ai lu.
Tout le monde ne naît pas avec la même étoile. Celle de Laetitia était éteinte le jour de sa naissance.
Le dénuement et la violence ne sont pas l'apanage des quartiers de la région parisienne. C'est aussi la réalité d'une province paupérisée.
Laetitia ou l'alcoolisme du père, ou la mère battue, violée. Laetitia ballottée d'institutions spécialisées en familles d'accueil, et dans la dernière, le père abusait de sa soeur jumelle. Laetitia ou le destin qui se répète. Laetitia qui comme toutes les jeunes filles de son âge aime la musique et est accroc à son portable. Laetitia qui, contrairement à toutes les jeunes filles de son âge, n'a pas un livre dans sa chambre et ne peut aligner trois mots sans une faute d'orthographe. Laetitia, courageuse, qui chaque matin à l'aube enfourche son vélomoteur pour prendre son service à l'hôtel de Nantes près de Pornic. Jolie Latitia qui a attiré la convoitise du prédateur. Innocente Laeticia qui est montée dans sa voiture en quittant son service.Laetitia au corps violé, démembré, éparpillé. Laetitia au martyr exploité par les politiciens, Sarkozy en tête.
Avec ce livre, Jablonka l'a élevée au delà du fait divers. Il lui a rendu son âme, sa trop courte vie. Grâce à lui je n'oublierai jamais Laetitia Perrais. Laetitia ou la fin des hommes. Ce livre est magnifique.
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C'est un livre très intéressant et souvent passionnant, quand il est dans son domaine annoncé : l'histoire en sciences sociales. La description des événements sous plusieurs angles (les magistrats, la presse, les politiques, la famille, les amis, les services sociaux...) est vraiment réussie. C'est un panorama très riche de la vie de cette jeune fille. La réflexion sur les types de délinquance et l'action médiatique de Nicolas Sarkozy est particulièrement convaincante.
Je suis plus réservée sur une certaine redondance (le meurtre est raconté 3 ou 4 fois m'a-t-il semblé, avec des différences minimes) et sur les commentaires apitoyés qui n'apportent pas grand chose : la démonstration est forte et suffit à susciter la compassion. Mais il faut le lire, IJ nous donne à voir un processus de façon fascinante et décrit des vies chaotiques avec une grande proximité.
La comédienne invente des voix pour chaque personnage de façon pas toujours agréable, mais la lecture tient la (longue) distance.
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Un ouvrage dont il est impossible de sortir indemne, et qui mérite amplement ses prix.

Plus qu'une analyse de sociologue, plus que le résultat des recherches d'un historien, ce livre est profondément humain.
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Page 360, Yvan Jablonka écrit : " Ces derniers temps; mon enquête m'a rendu triste ". La lecture de son livre rend également triste le lecteur, triste, bouleversé et bousculé. C'est un récit poignant qui décrit sans concession, sans camouflage notre société. Après avoir fait revivre ses grands-parents dans un précédent livre : " L'histoire des grands-parents que je n'ai pas eu ", bouleversante histoire de sa famille, juifs polonais émigrés en France, qui vont disparaître dans les camps nazis, il s'attache cette fois-ci à rendre un hommage, à faire revivre une jeune fille de dix-huit ans, Laëtitia Perrais atrocement assassiné en janvier 2011, dont le meurtre a déclenché un déferlement médiatique et la mise en cause du suivi judiciaire du meurtrier par le Président de la république de l'époque, entraînant une grève nationale des magistrats. Après avoir obtenu l'accord de Jessica, la soeur jumelle de Laëtitia, rencontré les témoins, les journalistes, les juges, le conseiller justice du président, assisté au procès en appel du meurtrier, parcouru les lieux, en écrivain historien, il retrace leurs vies faites de violence familiale, de placements en foyer, en famille d'accueil, mais aussi d'un indéfectible lien entre elles deux. Il montre qu'avant d'être la victime d'un drame devenu une affaire d'état, Laëtitia a été une enfant maltraitée, une adolescente anxieuse, une jeune femme qui aspirait à se sortir de cette spirale. Il alterne les chapitres qui traitent de sa vie et ceux qui traitent du meurtre, de l'enquête, de la recherche du corps à l'autopsie, de la personnalité du meurtrier, du procès, de la pression médiatique et de la récupération politique, sans oublier ceux qui concernent le comportement du père de la famille d'accueil, dans laquelle avaient été placées les jumelles, à la fois son comportement devant les médias, mais plus sordide son comportement vis à vis de Jessica, dont il abusait sexuellement. On a des difficultés a imaginer que des enfants puissent être autant malmenés par la vie, mais aussi que des êtres humains, le meurtrier et le père d'accueil puissent avoir des comportements aussi pervers. L'écriture de Yvan Jablonka est très vivante, on est désemparé devant certaines révélations. Avant la victime, il y a une vie!
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Très clairement, j'hésitais à lire ce livre. Peur du voyeurisme puisqu'il est consacré à un fait divers très récent.
En fait c'était une erreur. ce livre est passionnant et mérite qu'on s'y attarde. Pas de voyeurisme, plutôt une étude de ce fait divers sous différents angles. J'ai apprécié aussi la reconstitution de la vie de la victime, qui, ainsi, ne se limite pas à son statut de victime.

Le sous titre de ce livre est "la fin des hommes". Hommes au sens masculin, viril, XY, pas humanité. La fin ? La fin morale certes, mais pas la fin de leurs violences envers les femmes.
En fait un livre féministe !
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