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EAN : 978B01N9Q9WUV
(09/01/2017)
3.17/5   3 notes
Résumé :
Créée le 3 janvier 1677 sur la scène du théâtre de l'Hôtel Guénégaud fait concurrence à la pièce Phèdre de Jean Racine (appelée à l'origine également Phèdre et Hippolyte). La pièce de Pradon sembla d'abord avoir les faveurs du public mais la confrontation tourna cependant rapidement à l'avantage de Racine, et la pièce de Pradon fut oubliée au bout de quelques mois.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La pièce de Pradon a été créée le 3 janvier 1677 sur la scène du théâtre Guénégaud : deux jours après Phèdre de Racine à l'Hôtel de Bourgogne. Les compétitions entre les pièces sur un même sujet sont monnaie courante à l'époque: on cite d'ailleurs souvent le cas des deux Bérénice, de Racine et de Corneille. C'est une façon d'émoustiller la curiosité du public et d'espérer le faire venir plus nombreux ; c'est aussi une manière de régler des querelles littéraires, voire de régler des comptes personnels. Dans les cas des deux Phèdre, Pradon joue franc jeu : il reconnaît expressément avoir voulu affronter Racine. Originaire de Rouen, comme Corneille, rangé dans le camps des Modernes, protégé par les Mancini, il est décidément dans l'opposition à Racine, qui prend trop de place et qui manifeste une morgue certaine vis-à-vis de ses concurrents. En plus, le sujet de la pièce de Racine, qui évoque l'inceste, est très mal pris dans le clan Mancini : en effet la duchesse de Bouillon et son frère, le duc de Nemours ont eu à subir quelques accusations de relations incestueuses. Pradon se charge donc d'écrire une pièce, dans laquelle la question de l'inceste entre Phèdre et Hippolyte est évacuée au possible.

La querelle prit d'énormes proportions : les contemporains évoquent par exemple, des salles louées pour créer le vide à la pièce de Racine, et autres manoeuvres déloyales (même s'il n'est pas vraiment certain que tout cela eût bien lieu). En tous les cas, au départ, la pièce de Pradon semble avoir eu plus de succès que celle de Racine. Mais cela alla bien plus loin et pris des allures d'affaire d'état et a failli coûter très cher à Racine : des sonnets très méchants, ressemblants à ceux que Boileau et Racine avait coutume de produire à l'encontre de leurs adversaires, se mirent à circuler mettant en cause le duc de Nemours. Ce dernier prit très mal la chose ; Racine et Boileau, même protégés par le roi (ils deviendront bientôt ses biographes) ne faisaient pas le poids devant un aussi grand seigneur. le prince de Condé a dû les mettre à l'abri dans son hôtel, devant des risques très réels d'une agression physique, avant que l'affaire ne s'arrange, les deux hommes de lettres ayant pu démontrer leur innocence dans l'histoire des sonnets (ils n'étaient pas suffisamment inconscients pour persifler un duc) .

Au-delà du scandale, le succès de la Phèdre de Racine n'a cessé de s'affirmer, jusqu'à nos jours, où la pièce est souvent considérée comme le chef d'oeuvre du théâtre classique français. En parallèle, la pièce de Pradon est vite tombée dans l'oubli, on s'en souvient surtout à cause de l'affaire et de la polémique avec Racine. Pradon est pourtant un auteur estimable, qui a produit quelques oeuvres appréciées par ses contemporains, sans commune mesure avec Racine, mais pas sans intérêt. Sa pièce mérite d'être explorée par les lecteurs qui veulent mieux connaître le théâtre de l'époque.

Le sujet des amour de Phèdre pour Hippolyte a souvent été traité : bien évidemment par les anciens, Euripide et Sénèque (le grand modèle du XVIe et XVIIe siècle) mais aussi par d'autres auteurs français, Robert Garnier au XVIe siècle, et au XVIIe par La Pinelière, Gilbert et Bidar. Chacune de ces pièces introduit des variations autour du mythe d'origine, chaque auteur va utiliser la version qui l'arrange le mieux.

La pièce de Pradon commence à un moment où Thésée, après avoir couronné Phèdre, mais non pas l'épousé, a disparu. Hippolyte, amoureux d'Aricie, se doute que Phèdre l'aime, et veut partir pour échapper à cet amour. Mais il avoue son amour à Aricie, qui le partage, et qui voudrait l'empêcher de partir. Phèdre à son tour dévoile ses sentiments pour Hippolyte à Aricie, qui comprend mieux l'attitude d'Hippolyte et voudrait maintenant le voir au loin.

Au deuxième acte, Phèdre commence à soupçonner l'amour d'Hippolyte et d'Aricie. On annonce le retour de Thésée, qui raconte ses exploits pendant son absence.

Au troisième acte, Phèdre menace Aricie. Thésée annonce à Phèdre qu'il souhaite faire épouser Aricie à Hippolyte. Phèdre lui laisse entendre qu'il pourrait refuser, et se charge de convaincre son beau fils. Elle pousse en réalité Hippolyte à lui avouer son amour pour Aricie avant de se répandre en menaces et imprécations.

Au quatrième acte, Phèdre a fait croire à Thésée, qu'Hippolyte refuse d'épouser Aricie (qu'elle a fait enlever) et laisse supposer que c'est à cause d'un amour qu'il aurait pour elle. Thésée est fou de rage, et fait emprisonner son fils, qu'il s'apprête à bannir. Phèdre est désespérée ; Hippolyte s'échappe de sa prison pour savoir auprès de Phèdre le sort d'Aricie, Thésée le surprend, ce qui confirme ses soupçons.

Au cinquième acte, Phèdre, fait libérer Aricie, et s'inquiète pour Hippolyte. A juste titre : Thésée indigné par la conduite de son fils, demande à Neptune de le punir. Il meurt démembré par la fuite de ses chevaux, et Phèdre, qui l'a suivi, se suicide sur son corps.

Comme chez Racine ( comme précédemment chez Gilbert et chez Bidar) Hippolyte n'est plus l'ennemi de la déesse de l'amour, mais un jeune homme galant, épris d'une jeune fille. La différence avec Racine, visiblement voulue, est dans le choix de faire de Phèdre la fiancée, et non pas l'épouse de Thésée. Cela évacue la question de l'éventuelle inceste, la pièce correspond mieux aux attentes de bienséance d'une partie du public. Pradon n'est pas le premier à aller dans ce sens, Gilbert et Bidar avaient déjà fait ce choix précédemment. Cela affaiblit bien entendu le dilemme de Phèdre, qui ne peut pas être déchirée entre son devoir, et son amour. Mais d'une certaine façon, la pièce montre les normes de l'époque, les attentes du public, elle est le reflet de son temps. Et Pradon manie le vers avec adresse et savoir faire.

Une curiosité sans doute, mais non dépourvue d'intérêt et même de charme.
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Écrite en trois mois, cette pièce a été accusée de n'exister que pour damer le pion à Jean Racine qui préparait une pièce exactement sur le même sujet. Deux cent quarante ans après, Phèdre de Racine est toujours jouée alors que les vers de Pradon sont, je crois, bien oubliés. S'il ne s'agit que de comparer lesdits vers à ceux de Racine, il est clair que Pradon n'est pas à son avantage. La poésie, la sonorité, la richesse des rimes ne sont pas au rendez-vous. Certaines tournures sont bancales, les rimes se répètent, certains vers ne sont là que pour faire tampon et apporter leur rime finale.
Il y a en revanche beaucoup plus d'inventions dans le déroulement dramatique. Certes la pièce de Pradon et celle de Racine ont des points communs dans le déroulé de l'action mais il s'agit de l'héritage des auteurs précédents et en particulier de Gabriel Gilbert qui a écrit Hypolite, ou le garçon insensible trente ans avant eux. L'intervention d'Aricie est en revanche une nouveauté commune et je ne saurais dire s'il s'agit du résultat d'indiscrétions d'un des deux auteurs. Aricie leur permet de rendre Hippolyte enfin sensible aux charmes des femmes (contrairement à la tradition grecque et latine) mais elle joue chez Pradon en plus le rôle de confidente de Phèdre ce qui la place dans une situation inconfortable de rivale contrainte au silence. Comme Gilbert avant lui, Pradon atténue les sujets de l'inceste et de l'adultère en situant l'action avant l'hyménée prévu entre Phèdre et Thésée. Ce dernier a aussi un rôle bien plus important que dans les autres pièces. Impulsif et coléreux, il précipite ce qui pourrait presque être un malentendu de vaudeville (j'exagère) dans la tragédie. A noter, que beaucoup de scènes réunissent les quatre personnages principaux Hippolyte, Phèdre, Thésée et Aricie qui ont, quantitativement mais pas qualitativement, quasiment des rôles d'égales importances. Puisque les personnages dialoguent beaucoup, le malentendu demeure, entretenu par Phèdre, parce qu'Aricie (au moins jusqu'au cinquième acte) a peur de Phèdre, et qu'Hippolyte, par honneur, ne veut pas la compromettre (ce qui est le ressort classique de cette tragédie dans toutes ses versions).
La scène III du dernier acte est très embrouillée : Aricie est convaincue que Thésée l'a trompée mais la situation se retourne brutalement et elle raconte à Thésée comment Phèdre aime Hippolyte. Thésée, très versatile, est prêt à pardonner à son fils mais s'emporte de nouveau contre lui lorsqu'il apprend de Phèdre l'a suivi sur le chemin de l'exil au début de la scène IV.
Terminons avec le personnage de Phèdre : c'est sans doute la Phèdre la moins avenante que j'aie rencontrée pour l'instant dans la littérature. Dans beaucoup de textes, sa culpabilité est atténuée par l'intervention d'une confidente ou d'une nourrice (Achrise chez Gilbert ou Oenope chez Racine, par exemple). Ici, elle est possessive avec Hippolyte, manipulatrice avec Thésée, menaçante avec Aricie. C'est elle qui laisse croire à Thésée que son fils lui est déloyal, son amour absolu se transformant en haine. Même lorsqu'elle se poignarde sur le cadavre d'Hippolyte (cette scène est racontée), son sang rejaillit sur celui-ci, soi-disant pour le ressusciter mais peut-être symboliquement pour le couvrir de la responsabilité de toute la tragédie.
Même si cette pièce n'est pas un monument de l'alexandrin, elle apporte de vraies nouveautés dans la dramaturgie et une approche encore différente du personnage de Phèdre. Elle mérite donc d'être lue ... et de sortir un peu de l'oubli !
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Que ne puis-je changer de coeur et de visage !
Je crains que de son fils il n'y trouve l'image,
Mon trouble, ma rougeur, mes regards languissants,
Tout parle d'Hippolyte et du feu que je sens,
Mon front va me trahir, et ma langue interdite
M'accuser à Thésée, et nommer Hippolyte,
Mes yeux en sont remplis, mon coeur en est atteint,
Et dans tous mes transports Hippolyte est dépeint,
Il vient avec Thésée, ah Ciel ! ils sont ensemble,
Je les verrai tous deux ? Ah ! Princesse, j'en tremble,
J'entends du bruit, on vient, je cours dans ce malheur
Leur cacher mon amour, ma rage, et ma douleur.
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Arrête, Phèdre, arrête, et cours plutôt cacher
Un secret que l'amour commence à t'arracher ;
Et vous, cruels tyrans, impétueuse flamme,
Gloire, dépit, raison, qui déchirez mon âme,
Secret fardeau pesant qui me fait soupirer,
Hélas ! Pour un moment laissez-moi respirer.
Princesse, vous voyez une reine affligée
Dans les plus noirs chagrins mortellement plongée,
Qui ne peut plus se taire, et qui n'ose parler,
Et qui cherche partout qui peut la consoler.
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Tout aime cependant, et l'amour est si doux !
La nature en naissant le fait naître avec nous.
L'univers n'eut jamais de peuple si sauvage,
Qui des premiers soupirs ne lui rende l'hommage.
Sitôt que la nature apprend à respirer,
L'amour en même temps apprend à soupirer.
Un Scythe, un barbare aime, et le seul Hippolyte
Est plus fier mille fois qu'un barbare et qu'un Scythe.
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Mais le sang dont je sors leur devait faire croire
Que le Fils de Thésée était né pour la gloire,
Madame, et vous voyant ils devaient présumer
Que le coeur d'Hippolyte était fait pour aimer.
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