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3,69

sur 1096 notes
Jaenada a changé de sujets avec Sulak, la Petite femelle et la Serpe,(il se saisit de grandes affaires jugées mais où plane un doute; mais il n'a pas changé de style, toujours plein d'humour et de digressions
Il s'empare de procès et décortique les affaires en reprenant l'enquête à zéro. Ici, il évoque l'affaire Henri Girard (qui deviendra sous le nom de Georges Arnaud un écrivain célèbre en particulier pour le Salaire de la peur, porté à l'écran)
L'auteur dénonce des oublis, des mensonges lors de l'enquête.
J'aime beaucoup l'humour de l'auteur et ses célèbres digressions mais c'est un peu long, très ou trop détaillé, très documenté mais cela alourdit , à mon avis, le récit.
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C'est lui qui a écrit le salaire de la peur, le roman dont a été tiré le célèbre film réalisé par Henri-Georges Clouzot. Il s'appelait Georges Arnaud. Mais ça c'était un pseudonyme. de son vrai nom Henri Girard, il avait été compromis dans la sordide affaire d'un crime particulièrement sauvage. Son propre père, sa tante et leur servante avaient été massacrés avec l'outil qui a donné son nom à l'ouvrage de Philippe Jaenada : La serpe.

Quand au tiers de l'ouvrage on connaît l'issue du procès qui, contre toute attente, innocente Henri Girard alors que tout l'accablait, on se demande où Philippe Jaenada va nous emmener. Son intention, il nous la révèle quelques pages plus loin : "mon but, mon idée de départ, c'est d'écrire un roman policier, un truc sanglant, de résoudre une énigme." Mais au fil de l'ouvrage on comprend assez vite que l'intention de départ évolue, au fur et à mesure qu'il s'immerge dans les archives et en se rendant sur les lieux de ce fait divers hors du commun.

Henri Girard a été défendu par le ténor du barreau Maurice Garçon, le Dupont-Moretti de l'époque, "the must". Alors l'accusé, acquitté, est-il un coupable qui ne doit d'avoir sauvé sa tête qu'au talent de son défenseur ? Philippe Jaenada se convainc du contraire au fur et à mesure qu'il rentre dans le dossier. Convaincra-t-il son lecteur ?

Mais plus encore. Un est innocenté, un autre serait donc coupable et non démasqué à ce jour. Les faits se sont déroulés en 1941. Le château d'Escoire, théâtre du drame, était en zone libre. Lorsqu'il publie son ouvrage qui sera couronné par le prix Femina 2017, Philippe Jaenada imagine que la logique a été sacrifiée à la fébrilité du contexte. L'enquête a été contrainte, la vérité étouffée par la passion. C'est donc, rancoeurs et sympathies désormais éteintes, avec le recul on ne peut plus suffisant qu'il se livre à une relecture du dossier et une remise en question de tout. Il mène son enquête et nous la livre avec un luxe de détails qui peut paraître parfois étouffant. Mais dans une enquête, la vérité ne surgit-elle pas le plus souvent d'un détail.

On peut innocenter quelqu'un de deux façons : en prouvant qu'il ne pouvait avoir commis les faits, ou bien en démasquant l'autre, celui qui les avait commis. Et Philippe Jaenada, regrettant au passage les approximations de l'enquête, les partis pris, de forger son intime conviction et nous livrer du bout des lèvres celui qui aura échappé à la justice, bénéficiant sans doute des préoccupations d'un pays secoué par les soubresauts de l'histoire, peut-être plus enclin à poursuivre d'autres innocents désignés, sans procès ceux-là, comme boucs émissaires de la faillite du pays face à l'invasion allemande.

N'en reste pas moins que l'accusé innocenté aura été un curieux personnage n'attirant pas vraiment la sympathie, sans doute limite bi polaire comme on serait tenté de le qualifier aujourd'hui. Mais a bien y réfléchir, avait-il beaucoup de raisons d'en vouloir aux assermentés, accrédités, experts et institutionnels de tous bords pour lui avoir offert deux ans de prison aux seuls faits d'avoir été dans la proximité d'un horrible crime et plus sûrement de n'avoir su plaire à tout le monde.

Le style agrémenté d'un humour froid mais toujours pertinent relève la relation des investigations qui peut parfois s'avérer un peu lourde. On aime aussi l'implication de la vie intime de l'auteur lui-même avec ce qu'il révèle de la relation père-fils, en particulier dans ce qu'on lui connaît de pudeurs inhibitrices. L'artifice de la révélation d'un amour filial par roman interposé est habile. Gageons qu'il aura porté ses fruits dans ce domaine, au-delà du succès littéraire mérité.

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L'épaisseur du livre ne doit pas impressionner. Il faut se lancer sans hésiter dans la lecture de Philippe Jaenada car ses enquêtes sont passionnantes, pleines de rebondissements et de révélations. La petite femelle remettait bien les choses en place pour Pauline Dubuisson alors que La serpe éclaire d'un jour nouveau la vie de l'auteur du Salaire de la peur, Georges Arnaud, qui s'appelait en fait Henri Girard. C'est Emmanuel, le petit-fils de celui-ci, qui a réussi à motiver l'écrivain afin qu'il reprenne toute l'histoire.

Tout au long de sa quête, l'auteur fait partager ses soucis, ses problèmes matériels, sa vie de famille, avec un humour réjouissant qui agrémente la lecture. À de nombreuses reprises, est cité le nom de Roger Martin et son livre Vie d'un rebelle dans lequel, l'auteur de Dernier convoi pour Buchenwald fournissait déjà beaucoup d'éléments.
Dans la première partie de la serpe, Philippe Jaenada retrace la vie d'Henri Girard connu comme « sale gosse, vrai démon, capricieux, irascible, violent, cynique, méprisant qui pompe tout l'argent de sa famille pour le claquer aussitôt ». Quand on apprend qu'il était dans le château d'Escoire, en Dordogne, lorsque son père, sa tante et la bonne ont été assassinés à coups de serpe dans la nuit du 24 au 25 octobre 1941, tout l'accuse d'autant plus qu'il paraît froid, détaché, sombre, fume et boit de l'eau-de-vie de prune lorsque ces crimes odieux sont découverts…
Pourtant, lors de son procès, Henri Girard sera acquitté à la surprise générale grâce à Maurice Garçon, son avocat. Il partira en Amérique du Sud et reviendra pour se battre contre l'injustice et poursuivre un métier d'écrivain bien lancé par le salaire de la peur.
L'enquête est minutieuse, bien documentée. Philippe Jaenada s'est rendu sur place, a réussi à visiter le château mais a surtout épluché les archives départementales, à Périgueux. Il étudie toutes les hypothèses, laisse supposer le ou les vrais coupables.
Lorsque tout cela se passe, la France est coupée en deux et c'est la guerre. L'auteur lit les journaux de l'époque. L'Allemagne est traitée comme un pays ami, la collaboration et l'antisémitisme sont la règle ce qui donne des pages glaçantes.
Bien sûr, Philippe Jaenada repasse l'enquête, ses approximations, ses oublis, ses aberrations au peigne fin : la possibilité d'entrer dans le château sans effraction en pleine nuit, la scène de crime ouverte à tous, les incohérences ne manquent pas.
Henri Girard a connu dix-neuf mois d'enfer dans la prison insalubre de Périgueux, jusqu'à son procès, le 27 mai 1943. Son avocat, Maurice Garçon, était l'ami de Georges Girard, le père qui écrivait : « Je suis fier de mon petit. » Philippe Jaenada lit la correspondance entre Henri et son père et réagit : « Je n'ai jamais rien lu de plus beau sur les liens entre un père et son fils… Ce n'est pas de la tendresse, de l'attachement, de l'estime, mais de l'amitié, de la confiance et de l'admiration réciproques, de l'amour sans condition, sans contraintes ni jugement, l'union d'un homme et de celui qui prendra sa place sur terre… »
On ne peut être plus explicite et choqué, avec l'auteur, devant l'attitude des juges Marigny et Testud qui font tout pour ne pas rechercher l'enragé, le fou qui a commis ces crimes, une fois Henri Girard acquitté. Finalement : « Henri est la quatrième victime. Il a perdu le père qu'il aimait, il a passé dix-neuf mois dans une prison ignoble accusé d'un crime ignoble et toute sa vie en a été altérée. »

Reste, maintenant, à lire ou à relire les livres de Georges Arnaud, pseudonyme reprenant le prénom de son père et le nom de jeune fille de sa mère décédée alors qu'il n'a que 9 ans : le salaire de la peur, le Voyage du mauvais larron…


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24 octobre 1941, le Château d'un petit village du Périgord est le théâtre sanglant de ce qui restera une énigme jamais élucidée : le triple meutre du château d'Escoire.
Un fait divers sanglant, une riche famille de châtelains, une arme du crime pour le moins originale (une serpe !), un suspect numéro 1 marginal, colérique et dépensier, unique héritier des victimes... il n'en fallait pas tant pour donner envie à Philippe Jaenada de mener l'enquête.
Sur un peu plus de six cent pages, il revient sur la vie tumultueuse d'Henri Girard, le principal suspect (qui deviendra George Arnaud, l'auteur du « salaire de la peur »), il fouille, se rend sur le lieu du crime, interroge les archives, déniche des preuves... le tout sur le ton cocasse du journaliste amateur loufoque. C'est le style Jaenada :
très « typé », bourré de digressions plus ou moins intéressantes, qui amusent ou qui agacent. J'avais adoré dans « La petite femelle », j'avoue m'être un petit peu lassée ici...
Trop d'anecdotes personnelles sans intérêt et surtout trop de Parisianisme (il l'avoue lui-même p304 « Les gens d'ici sont chaleureux, il faut que je me débarrasse de mes préjugés »).
Du coup, toute la première partie du livre je me disais, agacée, que si, à l'instar de son « héros » ethno-égocentrique, monsieur Jaenada se sentait un peu persécuté par la population périgourdine, il l'aurait bien cherché !!
Sauf que...
Arrivé à la moitié du livre, Jaenada s'emploie soudain, tel un avocat, à casser un par un les arguments de l'accusation ... pour nous donner sa théorie sur ce qui c'est réellement passé au château d'Escoire cette nuit là et éclairer l'affaire d'un jour nouveau. Un revirement pour le moins étonnant, et peut-être la fin d'une énigme vieille de 75 ans... mais je n'en dit pas plus pour ne rien spoiler !
Vous l'aurez compris, passé les quelques longueurs et autres bla-bla inutiles de notre parigot en goguette, cette histoire pleine de mystère, racontée avec passion et dans un humour décapant, a finit par me convaincre. Un livre qui mérite assurément le détour... au delà du periph.
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Je n'ai lu que la moitié de ce long livre qui nous fait partager la biographie d'Henri Girard, un homme fantasque et à la vie ô combien mouvementée. Je n'ai pas aimé que l'auteur se mette en scène par des digressions qui, à mon sens, ne servent pas le livre. L'aspect biographie est plutôt intéressant mais là aussi, il y a beaucoup de longueurs et l'on sait que l'auteur a imaginé certains pans de l'histoire. Et pourtant, je dois reconnaître que ce livre est le fruit d'un long travail de lectures et de recherches.
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On se croirait dans un roman d'Agatha Christie, sauf qu'ici tout est vrai. Nous sommes en octobre 1941, quatre personnes, Georges le père, Henri le fils, Amélie la tante et Louise la bonne sont cloîtrés dans un château. le matin Henri trouve le cadavre des trois autres tués à coups de serpe. Il n'y a aucune trace d'effraction, rien n'a été volé et le fils a emprunté récemment la serpe à une voisine. Accusé Henri crie son innocence mais s'inquiète de savoir s'il sera guillotiné si par hasard il est coupable. Henri, à la loterie de la vie, on peut dire que côté physique, il n'a fait pas partie des gagnants, c'est un sale individu, capricieux, violent, cynique, fils unique d'une bonne famille Pour ce qui est de dépenser, les billets de 1000 francs fondent dans sa main. Il pompe tout l'argent de son père et de sa tante. Il aime les femmes, l'alcool et les belles voitures.

L'auteur nous fait revivre l'ambiance nauséabonde de l'occupation, la méfiance des juifs, les restrictions, les attentats contre l'occupant, les exécutions en représailles. Il part enquêter dans le Périgord sur les lieux mêmes de l'affaire. Avec sa petite pelle il tente de déterrer certains détails négligés par les enquêteurs. Tout y passe, nous voici la veille du drame, puis sur la scène du crime, une description minutieuse des cadavres et de leurs multiples blessures. On se replonge dans le dossier d'instruction, le procès avec un président du tribunal complaisant, les plaidoiries des avocats, le talent de l'avocat de la défense qui petit à petit va semer le doute parmi les jurés, comme un illusionniste en deux mouvements il transforme un foulard rouge en un vert et un accusé en innocent. Tout l'accuse et personne ne comprend ce qui a pu se passer lors du procès. Mais surtout Philippe Jaenada démontre qu'il s'agit d'une des enquêtes les plus désastreusement menées de l'histoire de la police et de la justice.

Une bonne dose d'humour ,rend cette sordide histoire plus légère. L'intérêt principal de ce récit est de nous faire découvrir cet homme atypique que fut Henri Girard, sale gosse, fils indigne, aventurier en Amérique du Sud, qui deviendra un écrivain célèbre sous le pseudonyme de Georges Arnaud et finira sa vie comme pourfendeur des injustices. Pour les reste si Philippe Jaenada même une enquête minutieuse, démontrant les erreurs commises par les enquêteurs,les mensonges et les contradictions des uns et des autres, tout ce qu'il avance n'est que des suppositions et ne présente que peu d'intérêt 75 ans après les faits d'autant plus que tous les protagonistes ont disparus.
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Pour ce qui est du sujet de la Serpe, la première partie de la quatrième de couverture est parfaite dans le genre informatif : dates, lieu, personnages, faits. Je vous y renvoie. J'ai appris récemment qu'une bonne chronique littéraire devait parler du livre, pas de son sujet. L'excuse est bonne pour ne pas tenter un (énième) résumé de l'histoire (merci, Philippe Annocque).

Malgré ses nombreuses références clin d'oeil aux méthodes de détectives littéraires populaires (Poirot, Columbo, la petite bande du Club des cinq,...) Philippe Jaenada ne fait pas que de la littérature dans La Serpe.
On comprend et on croit très vite à la force de son engagement, à sa volonté de ne rien rater de ce que les autres ont vu, dit et écrit sur l'affaire, mais surtout d'aller encore plus loin en quête de ce qui leur aurait échappé, ou qu'ils auraient volontairement déformé.
Il ne s'en vante pas, c'est pas son genre, mais il suffit de lire La Serpe pour comprendre combien il a payé de sa personne pour mener son "enquête" : avant d'écrire, il a sans doute passé des jours et des nuits à consulter des montagnes de comptes rendus judiciaires, de correspondances, de témoignages, à lire la presse de l'époque, à prendre des notes, à compiler, à comparer.
Ensuite, se rendre sur le lieu du drame, s'isoler, s'imprégner, au risque ou à la chance de perdre ses propres repères.
On sent qu'il a même parfois pensé à l'échec de son entreprise (bizarrement un seul des 21 chapitres, le douzième porte un titre, "Tunnel", tiens pourquoi ?).

C'est cette démarche d'immersion en décor naturel - un repérage à posteriori - qui sert de structure au roman.
Parti de Paris au mois d'octobre 2016, le romancier-narrateur va passer une dizaine de jours tout seul à Périgueux, tourner autour du château d'Escoire où a eu lieu le massacre à la serpe soixante quinze ans plus tôt, et du tribunal où le procès s'est déroulé en mai 1943.
Il raconte le voyage, sa voiture de location mal réglée, l'hôtel Mercure de Périgueux où il n'y a pas de mini bar ; les (nombreuses) sculptures rouillées de Jean-Pierre Rives l'ancien rugbyman qui décorent la ville ; les œufs frais que des enfants lancent sur lui depuis un balcon (sorte de lynchage rural qui postfigure en moins tragique les relations difficiles de la famille Girard, propriétaires parisiens fortunés, avec leurs métayers durant l'Occupation).
Et à chaque chapitre, il interrompt son journal de bord périgourdin et remonte le temps pour nous plonger dans une bonne tranche de l'affaire Girard : comment tout a commencé, l'entre deux guerres, la personnalité étrange du jeune Henri, son mariage précoce en 38, sa captivité, son évasion, son kidnapping contre rançon dans Paris occupé.
Puis on abandonne la chronologie, avec la transformation d'Henri après son emprisonnement : acquittement, nouvelle femme, enfants, dilapidation de son héritage, vie aventureuse en Amérique du Sud, retour et écriture sous le pseudo de Georges Arnaud, le Salaire de la Peur, succès, remariage, engagement contre la torture en Algérie avec Vergès, et pour finir, installation en Espagne.
Puis retour arrière avec le procès à Périgueux en mai 43 (mais toujours rien sur les meurtres sanglants de 41... patience) : la formidable figure de Maître Maurice Garçon, ses méthodes, les trois jours d'audiences, la délibération express du jury, le verdict.

Je conseille de ne pas lire certaines pages de La Serpe avant d'aller dormir, surtout ni c'est, comme moi, dans les étages d'un vieux château (cette nuit-là j'ai entendu les boiseries grincer, et j'ai dû me retenir de me lever pour aller vérifier la fermeture des portes). Une scène de crime effroyable, pas d'empreintes malgré le sang répandu, des accès apparemment inviolés, des toiles d'araignée qui font office de scellés, une panne d'électricité opportune, des indices trop bien placés : tous les éléments d'un mystère criminel qu'on croirait tirés grand classique de la littérature policière...
Là, je commence à dériver sur le sujet, revenons au livre...

Jaenada est réputé pour ses digressions familières (et/ou familiales) souvent cocasses, on les attend, on les savoure, on n'est pas déçu.
Il y a celle sur Houellebecq s'enfuyant à la cloche de bois de l'abbaye périgourdine où il était venu travailler sur Huysmans et Soumission ; infiniment touchante, une postface à La Petite Femelle avec des nouvelles d'Essaouira où a été inhumée Pauline Dubuisson, pour des compléments d'information ; des voix du passé : la triste destinée d'adulte de Bébé Cadum, celle beaucoup moins triste et plus longue de la fameuse Pompe funèbre responsable du décès scabreux de Félix Faure, etc.

Je n'ai pas sous la main ses précédents romans (que j'ai lus et beaucoup aimés) sur Bruno Sulak et Pauline Dubuisson, mais j'ai l'impression qu'avec Henri Girard, Jaenada est allé encore plus loin dans l'implication personnelle. Et au départ ce n'était pas gagné car contrairement à Sulak et Pauline, Henri Girard (alias Georges Arnaud) n'est pas beau du tout et pas très attachant. C'est plus facile quand les personnages malmenés par la vie ont des physiques angéliques et qu'ils irradient une lumière séductrice qui fait contraste avec leur part d'ombre. Si Jaenada s'est vraiment forcé pour Henri (mais c'est peut-être juste une habile manipulation d'écrivain pour emballer le lecteur, auquel cas je me suis fait avoir avec plaisir !), l'effort valait la peine, et le résultat est d'autant plus réussi.

Georges Arnaud a dit un jour qu'il voulait faire un livre sur la rencontre d'un père et de son fils. Il ne l'a jamais écrit (on comprend pourquoi en lisant La Serpe). Avec La Serpe, Jaenada le fait à sa place, in memoriam. L'amour de Georges Girard pour son fils Henri est au cœur du drame, et celui de Philippe pour son fils Ernest, quotidien et vrai, offre un contrepoint consolateur, léger et souriant, à une apocalypse familiale qui fend le cœur.
Lien : http://tillybayardrichard.ty..
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En parcourant les sélections du prix des lectrices de Elle , j'ai relevé que le livre « La Serpe » de Philippe Jaenada sous la plume de A de M, a été dégriffé au motif d'y trouver un assemblage de toutes les anecdotes imaginables autour de Henri Girard.
C'est justement pour ce motif et parce que j'apprécie les fleuves foisonnants, les digressions intempestives, que j'ai lu « la Serpe ». 

Je me suis servi et resservi à ce menu g'astronomique. Nous sommes de déconcertants lecteurs, à travers nos avis clairsemés et contradictoires, on relève de si profanes divergences.

Je soulignerai le plaisir de soupeser 640 pages et d'en souper, ça fait du bien de lire des romans ultra longue distance, des livres pour combler un vide dans l' estomac et assouvir notre faim. Et quel estomac faut-il, pour s'enhardir d'un dossier plié d'avance, et un non-lieu qui avait scandalisé à juste titre la France de Vichy.

Quel mouche a piqué Philippe Jaenada de se lancer dans cette enquête ? Lecteur, je suis impatient de lire et de goûter, et avide de découvrir pourquoi l'auteur s'est mis à table, et pour quelles idées. A ressasser le passé de Pierre Girard, j'avais le sentiment de lire un récit sans queue ni tête, je baissais les bras. Puis multipliant les vat-et-vient mon obstination a payé, car j'ai relevé la tête et entrevu le défi .


L'indice oublié s'il existe, ne peut se cacher que dans les sous bois d'un château hanté, perdu dans le menu détail d'une affaire judiciaire hors norme, où l'on dissèque trois cadavres horriblement décapités à la serpe ( une première sans nul doute) la propre famille de Henri Girard, dans le Château d'Escoire .


Un défi, inutile, mais quel émotion pour l'écrivain, faut-il ne jamais baisser les bras. Défi d'autant plus périlleux que les charges sont trop pesantes, pour fragiliser la culpabilité de Henri Girard. L'enquête est au point mort depuis 42, Philippe Jaenada, et sa Meriva la sort de sa tombe.


Avec l'art de maintenir notre attention, Philippe Jaenada multipliera les fausses pistes se délectant par exemple de ce cabinet de toilettes condamné. Gendarmes et policiers dépités en feront le constat , "page 187 on aurait donc pas pu l'ouvrir de l'extérieur".

Les témoignages, les plaidoiries des avocats, les PV de l'instruction, se sont brisées sur une multitude de faits mal coordonnées, dans les méandres de pièces à charge bien trop volumineuses.. Au final Me Maurice Garçon retourne le tribunal à sa cause, Henri Girard sauve sa tête.

Analyser le fonctionnement de la justice dans ce contexte éveillait chez Philippe Jaenada une gourmandise de choix , qu'il a su exhausser.
Pour gagner un procès il faut connaître le droit ou connaître le Président du tribunal. L'instruction sera dispersée et certains se feront abuser comme le Juge Joseph Marigny par des confidences fantaisistes de Henri Girard à la prison de Beleyme à périgueux.
La partie la plus saillante est la correspondance citée page 275 " Mon chère maître et cher ami" entre l'avocat Maurice Garçon et le président du tribunal Henri Hurlaux, (qui sera révoqué par le garde des sceaux suite à l'affaire Stavisky) . Cette complicité met une touche sulfureuse à ces investigations, et Me Garçon passera en dernier, les délibérations n'ont jamais été aussi courtes pour un triple meurtre.


Le troisième sujet du livre est le parcours désordonné d'un personnage de cinéma, d'un saltimbanque des nuits parisiennes ( avec son ami Calaferte), et le cerner ou le décrire peut rapidement vous griser.
Car dans cette trajectoire, la réalité viendra très vite faire un pied de nez à la fiction, le personnage clé, Henri Girard, ou Georges Arnaud est une énigme à lui tout seul, prêtre ou bandit selon les circonstances, moraliste ou dépravé selon ses fréquentations, courageux ou lâche avec sa propre famille, honnête ou voleur selon son humeur, écrivain ou pamphlétaire selon ses colères.

Parallèlement les relations entre le père et fils sont parfois très émouvantes. On découvre entre le père d'Henri et son fils des liens d'affection sincères. Lui soutirer de l'argent était devenu un jeu de plus en plus subtil, il ne pouvait s'en passer.
Allant jusqu'à imaginer une fausse arrestation, puis une demande de rançon par la police allemande.

L'histoire du film "le Salaire de la Peur", se trouve propulsé sur l'avant scène, c'est peut être le sujet initial du livre tant il suscite l'intérêt de Manu le petit fils de Pierre Girard et l'ami de Phlippe Jaenada. Sa rancœur à l'égard de H G Clouzot, est l'un des passages les plus savoureux de l'évocation du 7ème art. Tout cinéphile ne peut se passer de lire ces récits, ces digressions sur le cinéma d'après guerre. le titre a lui seul est rentré dans le langage courant, la formule inspire avec le sale air du rappeur page 119 .
Le livre et le flm vont modifier sa trajectoire, c'est plus qu'un triomphe,

Avec le salaire de la peur, Georges Arnaud est rentré dans notre paysage culturel et littéraire. Malgré ce succès il gardera à l'égard de Clouzot une féroce iniquité déclarant : " le film est bâtard, truqué, à trop vouloir nuancer, adoucir, il a caricaturé. Il a voulu faire de la philosophie. Il a eu tort. P114."


Le style de Jeanada, est celui de l'urgence, de la turbulence, c'est un pilote de rallye, pas un promeneur solitaire en rase campagne, il mène son écriture à fond la caisse, sur verglas, sur chaussée défoncée comme sur la glace. Ainsi on peut rester embourbé sur un détail, ou filer à vive allure, sans rien voir, c'est là que commencent les digressions. Il refait le parcours, sans lâcher l'accélérateur. 640 pages comme 640 km avant d'atteindre le Château d'Escoire.


Ce château il le découvre dans les dernières pages, ce n'est pas un château très luxueux, plutôt une masure féodale, l'eau courante n'existe pas. Ce sont les gardiens Monsieur et Madame Doulet qui tous les jours transportent l'eau. Des gardiens corvéables à merci, résignés. On fera la connaissance du fils dont on ne sait pas grand-chose.
La famille Gérard et la tante Amélie, veillaient à économiser sur chaque ardoise.

J'avoue, avoir joué au chat et à la souris avec le récit. Abandonnant la meriva, à Périgueux, chapitre cinq, pour filer chapitre 15 voir Monique Lacombe, son père figure parmi ceux qui n'ont jamais douté de son innocence. Puis je suis retourné lire le destin de celui qui a failli mourir sans laisser de traces.
C'est ainsi que je reviens sur certains détails oubliés, certaines phrases insolites. Je ne partage pas tout ce qui se dit , mais lire est un voyage, Philippe Jaenada, sait nous faire voir du pays.


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Je me rends compte que j'ai oublié de chroniquer La serpe, prix fémina 2017, découvert grâce à net galley et les éditions Julliard.
Ayant beaucoup aimé Sulak de Philippe Jaenada, c'est avec plaisir que je me suis plongée dans La serpe.
Philippe Jaenada fait d'un fait divers parmi tant d'autres un très bon roman. Inspiré par un fait réel : Un matin d'octobre 1941, dans un château sinistre au fin fond du Périgord, Henri Girard appelle au secours : dans la nuit, son père, sa tante et la bonne ont été massacrés à coups de serpe. Il est le seul survivant. Toutes les portes étaient fermées, aucune effraction n'est constatée. Dépensier, arrogant, violent, le jeune homme est l'unique héritier des victimes. Deux jours plus tôt, il a emprunté l'arme du crime aux voisins.
Mais il est acquitté au terme de son procès, s'exile au Venezuela...
Des années plus tard personne ne sait ce qui s'est passé, jusqu'à ce que l'auteur revienne dessus et mène l'enquête...
J'ai beaucoup aimé cet ouvrage, très bien écrit, qui m'a captivé de la première à la dernière page.
Je n'ai pas accroché avec Henri, évidemment, car on ne peut pas dire que le bonhomme soit très intéressant ! Mais il intrigue...
Et malgré la personnalité d'Henri, tout m'a plu dans ce livre, qui selon moi mérite bien son prix Fémina.
Deuxième roman que je lis de cet auteur, mais pas le dernier car j'aime beaucoup sa façon d'écrire.
C'est avec plaisir que je mets cinq étoiles.
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Philippe Jaenada me fait penser par son physique et son comportement à un patou (Montagne des Pyrénées).... vous savez, ces chiens de bergers débonnaires et câlins, patients et courageux, rongeant méticuleusement leurs os, et terriblement efficaces pour lutter contre les loups et protéger les brebis. J'espère qu'il ne m'en voudra pas
Emmanuel, qu'il rencontre par hasard lui parle de son grand-père, dont tout le monde a entendu parler : Georges Arnaud, vous savez….c'est l'auteur qui a inspiré le film "Le salaire de la peur"…oui, le film est plus connu que le roman. Georges Arnaud - nom de plume d' Henri Girard - a été accusé d'un triple meurtre, celui de son père, de sa tante et de la bonne, un meurtre commis avec une serpe qu'il avait emprunté et dont il s'était servi pour élaguer des jeunes sapins.
Acquitté il a échappé de peu à la peine de mort…Oui c'est une vieille histoire qui remonte aux années d'occupation entre 1941 et 1943. Il avait 24 ans.
Il n'en faut pas plus pour Jaenada, pour sortir du périphérique parisien, prendre l'autoroute au volant de sa Mériva capricieuse et se rendre en Périgord, sur les lieux du crime, afin de comprendre…et de partager. J'avais déjà apprécié l'auteur et le texte "La petite femelle", dont le nombre de pages ne m'avait pas découragé.
Et je n'ai pas été déçu par "La Serpe".
Jaenada va s'imprégner des lieux du crime, un vieux château familial qui a depuis été racheté, transformé en colonie de vacances, puis en gentilhommière, rencontrer les gens du crû, dépouiller tout ce qui a été écrit sur cette affaire, journaux et comptes rendu du procès, correspondances entre Henri, et son père assassiné… nous prendre par la main tel Maigret, ne négligeant aucun indice, aucune petite phrase, aucune rencontre…jusqu'au dénouement final.
Surprise!
Quand Henri Girard est emmené vers le tribunal, il a entendu "le surveillant en chef, a dit devant lui à l'un des matons : « Vous ferez préparer la cellule des condamnés à mort. »"
Jaenada va jongler avec plusieurs histoires, plusieurs périodes, qui vont toutes s'entremêler.
L'histoire tout d'abord d'Henri Girard l'accusé, et de sa famille. Henri Girard fantasque, faisant les 400 coups, dilapidant la fortune familiale, escroquant sa tante, paraissant peu sympathique. Devenu plus sage et moins fantasque après ce procès, Henri, Georges Arnaud, partira pour l'Amérique du Sud et mettra sa plume au service de justes causes, écrira plusieurs livres, travaillera avec Clouzot qui réalisera le film "Le salaire de la peur"….Avec lui j'ai agrandi ma liste de livres à lire.
Puis le contexte historique du procès, la grande et la petite histoire de la période 1941-1943, celle de personnages de l'époque, Pétain, etc.
Jaenada nous parlera aussi de lui, de ses indignations, de ses amours, de son voyage vers le Périgord, de son séjour sur les lieux du crime, de ses soirées seul devant ses verres de whisky, ou dans les restaurants chinois... Il nous fera sourire, évoquera ses textes, reviendra à plusieurs reprises sur son précédent coup de gueule "La petite femelle" et partagera ses indignations diverses.
Il va jongler avec les périodes en passant de l'occupation à 2016, faire des allers-retours entre ces histoires et ses textes. Roi des digressions et des redites il en découragera peut-être certains.
Mais surtout il va implacablement chercher le coupable.
Philippe Jaenada a effectué un impressionnant travail de recherche, de croisement d'indices et de déclarations, un travail que la police et la justice n'ont pas fait entre 1941 et 1943, des lacunes qui auraient pu coûter la tête d'un homme, sans le talent de Maître Maurice avocat d'Henri.
On en tremble d'indignation… Un condamné ne pouvait pas faire appel de sa condamnation à la peine capitale. Combien d'innocents en sont morts ?

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