En 1943, Henri Girard est accusé d'avoir assassiné à coups de serpe son père, sa tante et la vieille bonne au château d'Escoire près de Périgueux
Défendu par Me
Maurice Garçon, il est acquitté contre toute attente. Il quitte alors la France pour l'Amérique du Sud
. Ruiné, il rentre en France et devient écrivain à succès sous le nom de
Georges Arnaud, auteur notamment de "
Le salaire de la peur" qui sera adapté au cinéma.
Jaenada refait l'enquête soixante dix ans plus tard. Il passe quelques semaines à Périgueux
Et il se met en scène reconstituant le crime et le procès. Il décrit ses déambulations entre l'hôtel Mercure et la collection de purs malts du Garden Ice Café, et Escoire (le château ne se visite toujours pas ; lil relate ses conversations avec les uns et les autres (il n'existe évidemment plus de témoins de l'époque,. Il reconstitue l'affaire, nous donnant entre autres un plan du château qui fleure bon les romans d'
Agatha Christie. Après en avoir terminé avec Henri Girard, il reprend l'enquête et trouve le « vrai » coupable (selon lui, bien sûr). Et on y croit, parce Jaenada a beaucoup de talent.
Le livre est émaillé de considérations sur sa vie privée et sur sa femme. En les lisant, on se dit que cette dernière a une sacrée patience. Il est vrai qu'elle doit être habituée, étant mise en scène dans pratiquement tous les livres de son mari (il s'est calmé dans les derniers)
A ce sujet, j'ai remarqué que ceux qui n'ont pas aimé le livre reprochent essentiellement à l'auteur ses parenthèses et ses digressions. Mais les parenthèses et les digressions, c'est l'essence même de Jaenada! Et c'est précisément pour ça qu'on l'aime (quand on l'aime, bien sûr)
Pour ceux qui l'aiment, le livre, curieux objet littéraire non identifié mêlant enquête policière et autofiction, est passionnant et très drôle
Son cadre est un attrait de plus pour les Périgourdins dont je fais partie, qui peuvent s'essayer à retrouver le Périgueux de l'époque.
Le château d'Escoire existe toujours. Il ne se visite pas (en tant que monument, il n'a pas d'intérêt)
Un autre livre a été consacré à cette affaire «
La serpe rouge » de
Nan Aurousseau, Editions Moissons Noires, 2021. Je ne conseille pas de le lire ; il est écrit dans un style épouvantable et en définitive parle fort peu de l'affaire mais se perdant dans des considérations historico-politiques hors de propos et qui ne démontrent que son ignorance presque totale de la période
Dans
Mon journal dans la grande pagaïe, volume du
Journal de
Jean Galtier-Boissière pour les années 1945 et 1946 (Editions La Jeune parque, Paris, 1947, réédition numérique FeniXX 2019) , l'affaire est mentionnée comme suit :
« Quant à Garçon, il nous retrace l'enquête personnelle qu'il entreprit pour confondre le juge d'instruction et prouver l'innocence du fils de notre ami, l'historien
Georges Girard, accusé d'avoir assassiné en série son père, sa tante et la bonne ! Lorsqu'il débarqua à Périgueux, Garçon fut hué par la foule ; après l'acquittement de son client qui avait passé dix-huit mois en prison préventive, l'avocat fut porté en triomphe !Bizarre personnage, très balzacien, que ce
Georges Girard, avec sa trogne de grognard aux grosses moustaches rousses, mal fringué, négligé, rarement lavé, couchant avec un vieux chandail crasseux et occupant trois pièces sommairement meublées au milieu d'un château de quatre-vingt mètres de façade »
Quelle fut la stupéfaction de Garçon lorsqu'à la liquidation des biens de la victime, qu'il avait toujours considérée comme besogneuse, l'avocat apprit que la succession était de l'ordre de 12 millions ! » Pour information, cette somme de douze millions de francs (anciens) représente une somme de trois millions six cent mille euros
Le Journal de
Galtier-Boissière en quatre volumes représente un document passionnant sur l'Occupation, la Libération et les dernières années quarante ; on le trouve facilement dans l'édition numérique,
Sur l'affaire Girard, voir aussi «
Journal 1939-1945 » de
Maurice Garçon, Les belles lettres, 2015