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sur 1096 notes
L'auteur nous raconte l'histoire d'un triple meurtre commis dans des conditions de violence inouïe à la serpe et tous les soupçons se portent sur Henri Girard, l'héritier de la famille dont la réputation était plutôt sulfureuse. Tout l'accuse et le procès sera uniquement à charge.

Le roman est bien construit: en premier lieu, l'auteur nous propose l'analyse des faits, des lieux, des différents protagonistes et le procès avec un verdict surprenant: Henri est acquitté grâce à son avocat et part en Amérique du Sud.

Ensuite Philippe Jaenada revient sur les faits et tente de dénouer l'histoire en retournant sur les lieux du crime, en étudiant de près le dossier, en explorant les archives…

J'ai apprécié ce roman, malgré les nombreuses digressions: l'auteur se met en scène pour son enquête et nous livre ses états d'âme, parle de sa famille, de ses précédents romans. On finit par se retrouver avec des phrases interminables, avec des parenthèses entre les parenthèses. En fait sans ces digressions, le livre serait lourd et je l'aurais probablement lâché en cours de route.

Donc j'ai apprécié mais sans plus. J'ai aimé découvrir l'homme qui se cache derrière Henri Girard et qui n'est autre que Georges Arnaud qui a écrit « le salaire de la peur » dont Clouzot a tiré le film extraordinaire que tout le monde connaît et il s'avère que cet homme est vraiment étrange, secret. C'est un enfant qui n'a pas très envie de grandir et n'est pas parvenu à faire le deuil de sa mère, décédée très jeune (mort dont il rend la famille de son père responsable) et il va se comporter comme un ado, avec un rapport à l'argent particulier qui le desservira lors du procès.

La manière dont Philippe Jaenada se plonge dans les archives, nous proposant des lettres écrites autrefois entre Henri et son père, sa tante et d'autres entretient le suspense mais 634 pages (le roman aurait gagné a être plus court) c'est quand-même rude.

C'est le premier livre de l'auteur que je lis et je suis restée sur ma faim. J'avais prévu de lire « La petite femelle » mais cela va devoir attendre…
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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C'est une copine qui m'a mis la puce à l'oreille : « J'ai entendu parler d'un livre, c'est pour toi, il est question d'un type bizarre et d'un crime non élucidé, en plus l'auteur a l'air sympa... »
Ah, les amis, pas de doute, on ne peut rien leur cacher…
Eh bien, en plein dans le mille la copine, pas un millimètre à côté, le coeur du coeur, l'hyper centre de la cible. Dire que j'ai aimé relève de l'euphémisme, c'est beaucoup plus que ça…
Je vous explique, enfin si j'en suis capable car je vous avoue que j'émerge doucement de ces 634 pages qui m'ont passionnée et qui maintenant m'empêchent de dormir, un parce que j'ai la trouille, deux parce que je retourne l'affaire dans tous les sens. D'ailleurs, je vais me fendre d'un petit message à l'auteur car cette nuit deux trois questions me sont venues à l'esprit...
Reprenons : d'abord, vous en aurez pour votre argent, oui, les livres sont chers mais dans La Serpe vous avez en réalité QUATRE histoires :
1. l'histoire du type bizarre, son meurtre (enfin, je devrais mettre des guillemets que je n'aurais évidemment pas mis au début de ma lecture...), son procès et l'enquête d'une infinie minutie de l'auteur Jaenada-Colombo qui part à Périgueux, loupe et bloc-notes en poche. Finalement, déjà, dans ce petit 1, vous avez quatre sous-parties, valable non ?
2. des bribes de l'histoire de Pauline Dubuisson dont il est question dans le précédent roman de Philippe Jaenada : La Petite Femelle (que je n'ai pas lu… mais pourquoi, pourquoi???)
3. de l'Histoire avec moult précisions sur les faits et gestes de moult acteurs de second et de premier plan au moment de l'Occupation.
4. des éléments autobiographiques sous forme d'interventions régulières tendres, percutantes et souvent à mourir de rire de l'auteur sur, par exemple, un étrange et inquiétant voyant rouge - un point d'exclamation entre parenthèses - sur le tableau de bord de sa bagnole de location ou bien sur son fils Ernest, sa femme, ses parents, son pote flic Pupuce (j'adore), ses petites habitudes, sa façon de voir le monde, Paris et la Province, le tout servi avec un humour qui m'a complètement séduite. (J'allais oublier ses appels à feu Balzac pour qu'il l'aide à être clair dans ses descriptions!) (Et la scène désopilante du restau chinois… on ne doit pas s'ennuyer à vivre avec Philippe Jaenada!)
Quelle partie ai-je préférée ? Difficile à dire tellement ces quatre histoires s'entremêlent génialement, l'art du conteur y est pour quelque chose… et je suis bien persuadée que Philippe Jaenada pourrait me parler de n'importe quoi, je trouverais le propos passionnant. Mais quand même, ses petites parenthèses (ah, vous verrez, il y en a, de la parenthèse!), ses digressions m'ont fait craquer. Irrésistibles…
Un peu d'ordre dans tout ça, commençons par le commencement.
Le père du copain du fils de Jaenada (ça va?), un certain Manu, tannait régulièrement ledit Jaenada au sujet de son grand-père, le sien, enfin celui de Manu. (C'est marrant comme en parlant de Jaenada, on fait du Jaenada - comprendront ceux qui comprendront, je poursuis). Et alors, qu'est-ce qu'il avait d'intéressant, le grand-père de Manu ? C'était un gars incroyable, une espèce de fou aventurier qui a parcouru le monde, a failli mourir un nombre incalculable de fois, a été écrivain, a fait de la politique, du journalisme, a milité pour défendre de nombreuses causes, bref, un gars hors du commun. « Moi, les gens hors du commun, s'excuse Jaenada, c'est pas trop mon truc... » Les années passent.
Et puis un jour, revoilà le Manu qui attaque de front : « Au fait, j'ai oublié de te dire que mon grand-père a été inculpé d'un triple homicide : on l'a accusé d'avoir assassiné à coups de serpe son père, sa tante et la bonne. Il a été acquitté mais des doutes subsistent encore quant à son innocence... » Jaenada est ferré, cette histoire est pour lui, il va devoir jeter un coup d'oeil sur le grand-père de Manu…
Et l'histoire commence… une histoire rocambolesque et terrible, effrayante même, ah, je vous jure, pas la peine de vous gaver de romans policiers suédois ou norvégiens, on a tout sur place, dans nos petites provinces françaises, à Trifouillis-les-Oies, du bien gore, du bien glauque, du sordide en barre, du mystère bien épais et du VRAI en plus, pas des trucs inventés, non, du RÉEL… de quoi rester les yeux ouverts la nuit quelque temps... (Quand je vous dis que vous en aurez pour votre argent…)
D'abord, un homme : le fameux grand-père de Manu. Comment faire le portrait d'un tel homme ? Il faut avoir le talent de Jaenada pour ça ! Soudain, me vient un air de Cloclo, ça vous dit ? Non ? On y va quand même, rappelez-vous : « Un sale bonhomme, oh quelle sale personne, un monstre en somme, hou, hou, ce sale bonhomme... » Oui, c'est ça, et ça lui va très bien à cet… Au fait, avec tout ça, j'ai oublié de vous le présenter : un nom à retenir : Henri Girard (alias, Georges Arnaud… Ah, tiens, on dirait que ça vous dit quelque chose, je vous laisse chercher… )
« Ce que j'en sais, je l'ai appris dans les livres. Sale gosse, sale type, des claques, insupportable, il ne mue, instantanément, qu'en anéantissant la fortune familiale ... » résume l'auteur au début du livre.
En très bref : du côté du père d'Henri, une famille friquée, traditionnelle qui n'a pas du tout apprécié de voir leur rejeton s'amouracher d'une femme de gauche, prof de français (on les comprend, quelle misère!!!). Georges et Valentine se marient et donnent naissance à Henri (grand-père de Manu). La mère tombe malade : tuberculose, et la famille de Georges refuse d'aider à payer les séjours en sana. Elle meurt et Henri se retrouve à vivre avec un père désespéré, aimant de tout coeur son gamin mais pas franchement capable de l'élever.
Henri est un enfant intelligent mais plutôt inconstant, capricieux, colérique, méprisant, violent, mystificateur… et je suis loin d'être exhaustive ! Une vraie tête à claques ! Enfin, c'est ce qu'on en dit...
Il en voudra toujours à la famille de son père d'avoir refusé d'aider davantage sa mère malade.
Plus il grandit et plus ces vices s'accentuent : il aime dépenser de l'argent et en demande sans cesse à sa famille, la menace si elle refuse, fréquente des filles, fait la fête, ne travaille pas, commence une vie de bohème. C'est le petit enfant chéri : le père résiste un peu mais finit par lui donner tout ce qu'il veut. La tante Amélie (soeur du père) fait de même. Henri s'amuse comme un fou. En réalité il souffre, il ne faut pas être fin psychologue pour le deviner. Je ne vais pas raconter le détail de ses frasques mais dans le genre personnage de roman, il se pose là ! En plus, il a de l'imagination (vous verrez…)
La famille possède un château à Escoire dans le Périgord (jetez un coup d'oeil sur Wikipédia), il s'y rend régulièrement et en octobre 1941 (Henri a 24 ans), il contacte son père Georges qui est archiviste au Ministère des Affaires Étrangères du gouvernement de Vichy, il veut le voir, il faut qu'ils discutent. Sa tante Amélie est sur place ainsi que Louise, la domestique. Cela n'arrange vraiment pas Georges de passer un week-end à Escoire mais bon, comme on ne refuse rien à ce sale gosse (ouh là, là, c'est mal, je m'emporte…), bonne poire, il vient.
Le lendemain, dans un château fermé à clef de l'intérieur, on retrouve le père, la tante, la domestique baignant dans leur sang et - ce n'est pas une métaphore - déchiquetés par une vingtaine de coups d'une serpe qu'Henri avait empruntée la veille aux gardiens du château pour couper des sapins (dommage). Il a même des traces du manche dans la main droite. Une petite trentaine d'autres preuves contre Henri s'ajouteront à ces deux éléments déjà bien béton. Tout accuse le seul survivant et donc, le seul héritier… d'une belle fortune.
Mais le plus incroyable dans tout ça, c'est qu'il va être relaxé ! Ben oui, se trouvant à la tête d'une fortune colossale, il a pu s'offrir les services d'un grand avocat parisien : Maurice Garçon. En dix minutes, ce fut plié : les jurés avaient voté. Henri est acquitté et déclaré innocent !
Comment comprendre ce revirement ? Que s'est-il réellement passé dans les coulisses du tribunal ?
Finalement, la question centrale que va tenter d'élucider Jaenada-Colombo est : qui était vraiment Henri Girard ? Parce que le mystère est bien là. Était-il celui que l'on décrit partout comme un siphonné brutal, agressif, irascible et avide d'argent ? N'était-il pas quelqu'un d'autre en réalité ? Correspond-il à la légende qu'il s'est plus ou moins volontairement forgée ? C'est là qu'intervient notre Jaenada qui se rend sur place, à Périgueux, dans sa voiture de location, descendant à l'hôtel Mercure, incognito, son petit sac matelot à la main, allant rôder autour du château, fréquentant quotidiennement les Archives, épluchant minutieusement la correspondance, relisant les actes du procès, essayant de reconstituer le déroulement des faits, observant sur photos les scènes de crime, notant scrupuleusement les incohérences, vérifiant tel ou tel détail, cherchant à comprendre, inlassablement…
Un travail énorme, archi méticuleux... Franchement, je suis bluffée par cette recherche et surtout par les questions très pertinentes que Jaenada se pose avec une logique et un bon sens imparables. S'il a du mal à vivre de ses bouquins, qu'il n'hésite pas à proposer ses services à la police. Quelle perspicacité! (Même si j'avoue que parfois j'avais un peu de mal à le suivre…)
Si vous avez l'impression que je vous ai raconté plein de choses et tout révélé, sachez que PAS DU TOUT, vous avez tout à découvrir sur Henri Girard et les autres et je me suis bien gardée de vous dire l' ESSENTIEL, vous pensez bien…)
Quand on dit que la réalité dépasse la fiction…
J'ajoute encore une remarque parce qu'autrement, l'article va être trop long et les articles trop longs, c'est bien connu, on ne les lit pas…
S'il est bien évident que vous allez être soufflés par cette histoire incroyable, mais vraiment, une histoire passionnante que vous n'êtes pas près d'oublier, vous allez aussi rencontrer un homme : Henri ? Non, Philippe Jaenada. Un ton, une voix, une omniprésence, un humour irrésistible (qu'est-ce que je me suis marrée!!! Enfin, dans la première partie du livre car après, c'est la tension qui domine, comme une petite angoisse qui serre la gorge), un sens poussé de l'auto-dérision, un coeur grand comme ça, humain, attachant, captivant… Bon, j'arrête là parce qu'après on va croire que… mais, je peux vous dire qu'autant le gars Henri, j'ai eu un peu de mal - au début en tout cas - après, je ne dis pas... (désolée, Manu, pour votre grand-père, même si je veux bien croire qu'il était doué, sensible, généreux et avait cent mille qualités, et puis, est-on responsable de ce que l'on est?), autant le gars Jaenada, pas la peine de me l'emballer, je le prends tout de suite, c'est pour une consommation immédiate… je parle du livre, bien entendu...


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Mais quel pied!
J'ai adoré ce livre, y compris quand je le perdais (le pied) lors d'explications complexes honnêtement qualifiées par l'auteur lui-même de "tunnels".
Ce livre qui raconte tant de vies brisées, pourquoi l'ai-je lu avec délectation ?
Pour la lucidité que donne Jaenada à raconter la même histoire comme procureur puis comme avocat de la défense , nous rappelant opportunément à nos devoirs de réflexion quand nous aimons tant les facilités des jugements à l'emporte-pièce.
Pour la leçon de résilience qu'il transmet et la possibilité de compenser (un peu) ses souffrances en se battant pour d'autres contre l'injustice.
Pour toute l'humanité qu'il communique en mêlant le drame de vies brisées avec ses petits soucis ridicules d'agoraphobe qui se soigne, en nous faisant rire le coeur serré, en nous donnant comme rarement le sentiment d'appartenir à la grande famille des hommes tous imparfaits et tous touchants au point de nous émouvoir aussi de l'assassin, monstre fragile et humilié.
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Le 27 mai 1943, un fourgon cellulaire se gare devant le palais de justice de Périgueux. Henri Girard en sort encadré par deux gendarmes. Il semble calme et détaché mais l'heure est grave. La cour d'assises va le juger pour trois meurtres ; il encourt donc la peine de mort.

Philippe Jaenada raconte la vie tumultueuse de l'auteur du «salaire de la peur». Sa vie a basculé le 25 octobre 1941 lorsqu'il découvre au lever du lit les corps massacrés de son père, de sa tante et de leur domestique. L'arme du crime repose dans les plis d'un drap. C'est une serpe à la lame rouillée, ébréchée, au manche branlant. La jeunesse décousue et bohème de Girard en fait le coupable idéal. L'auteur commence par livrer les éléments à charge du dossier d'instruction. L'exposé est si convaincant que la culpabilité de Girard ne fait aucun doute. Mais il va ensuite s'évertuer à creuser un tunnel dans le dossier. Il va mettre au jour les incohérences de l'affaire, les mensonges des témoins et les négligences des policiers.

Jaenada « incarne » son enquête, j'ai ressenti son approche pataude et déterminée qui le fait ressembler à un ours espiègle déambulant dans les méandres de la justice. Et gare aux coups de pattes ! L'empathie est sa principale qualité, ça transpire d'humanité, on le sent s'attacher aux quatre victimes de l'affaire (trois assassinés et un suspect).

Jaenada est ceinture noire dans l'art de la digression : point de détail, coïncidence heureuse, anecdote fortuite ou histoire haute en couleur, tout est prétexte à accumuler les parenthèses. Et ça marche ! si ça étoffe le texte, ça permet à l'esprit de souffler, de sortir la tête du bain de sang et de matière cérébrale.

En décousant au fur et à mesure les fils du «mystère d'Escoire», l'auteur révèle les ressorts habituels des erreurs judiciaires : légèreté et partialité de l'instruction. Quand on sait que la vie d'un homme est en jeu…

Et une nouvelle fois, le fait divers s'il est sensationnel est aussi riche en enseignements : c'est un instantané dont l'étude nous permet de saisir le contexte historique et sociologique du drame, ici la vie des Français sous l'Occupation.

Je termine cette lecture séduit par le ton tendre et ironique de l'auteur, convaincu par le sérieux de son enquête et curieux du reste de son oeuvre. Je vous l'avoue : je suis à deux doigts de le rejoindre au Bistrot Lafayette pour partager un demi.
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S'il y avait bien une chose de sûre, au moment où j'attaquais ce livre, c'est que je ne savais pas à quoi m'attendre. Je ne connaissais l'auteur que de nom, je fais en général en sorte de ne pas lire les critiques des livres que je n'ai pas encore lus, précisément pour garder le mystère de la découverte.

La structure du livre, si elle semble assez simple au démarrage, s'avère en réalité bien plus complexe qu'il n'y parait initialement. En effet, on suit simultanément plusieurs fils narratifs : celui de la famille Girard et de l'affaire, en 1941, celui de ce qu'il advient d'Henri Girard après le procès, et celui de l'enquête menée par Philippe Jaenada. Mais, contrairement à certains livres dans lesquels on aurait une structure simple d'alternance, avec un changement de fil narratif à chaque passage de chapitre, ici, chaque chapitre s'ouvre par « un passage dont Philippe Jaenada – et une Meriva – est le héros », pour le dire ainsi. Puis on retourne, parfois insensiblement, au détour d'une formulation, dans le passé : le glissement se fait parfois de façon franche et tranchée, parfois non.

On entre dans ce pavé – même si on peut faire « pire », un livre de poche de plus de 600 pages, cela commence tout de même à mériter une telle appellation ! – par une sorte d'historique de l'affaire. On a, en particulier, une relation assez détaillée de l'historique familial. Pour être totalement honnête, cette première partie est aussi la plus compliquée à suivre pour moi qui me perd dès que l'on évoque les liens familiaux. On va ici se promener dans l'arbre généalogique…

Puis on a une deuxième partie dans laquelle nous est présenté tout le dossier « à charge ». On suit l'instruction menée par Joseph Marigny, avec une montée en puissance qui fait que, lorsque le procès commence, on voit difficilement comment l'accusé pourrait s'en tirer. Ainsi, on bénéficie également de l'effet de surprise du verdict d'acquittement !

Et puis le livre bascule. Ce passage est d'ailleurs marqué, volontairement ou non (c'est en revenant dessus que j'ai fait ce constat, sans pouvoir affirmer qu'il fasse partie du plan de l'auteur) : le chapitre 9 est entièrement consacré à l'enquête menée par l'auteur, qui arrive à Périgueux pour consulter les archives. Et ce chapitre se déroule presque entièrement de nos jours. Comme s'il s'agissait d'une transition, d'une respiration entre deux phases.

Enfin, dans la troisième partie, on assiste à la déconstruction, pièce par pièce, ou quasiment, du dossier d'instruction… et un petit peu plus – mais je ne veux pas tout dire -. Avec une évolution assez sensible : là où l'humour, dans la première partie, permettait de prendre de la distance avec la dureté des propos, dans cette partie, il devient plus tendre, plus mélancolique, dirais-je. Et cela adoucit aussi la colère, la rage même, que l'on ressent par moment devant ce que l'on a fait subir à un homme…

Et, à bien y réfléchir, l'impression d'ensemble que laisse ce livre, c'est d'avoir assisté au procès. Avec, dans une première phase, la présentation du dossier, impartiale, comme issue des questions du président du tribunal et des réponses de l'accusé. Puis, dans un deuxième temps, le réquisitoire du ministère public, qui s'applique à établir la culpabilité de l'accusé. Et, enfin, dans un troisième temps, la plaidoirie de la défense. Et cela ne me surprendrai pas que ce soit précisément la structure choisie par l'auteur…

Mention spéciale, et clin d'oeil : il n'est pas possible de ne pas noter l'usage que Philippe Jaenada fait des parenthèses, allant parfois jusqu'à les imbriquer (et, parfois, à devoir en fermer deux séries à la suite !). Évidemment, chacun pourra en trouver certaines fluides, d'autres moins. Mais c'est le choix de l'auteur, le rythme sur lequel il nous conte l'histoire… et c'est très bien ainsi !
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Enfin j'ai fini ce pavé qui m'a pris plus de temps que prévu, je me suis faite violence pour finir les 250 pages restantes aujourd'hui.
Maintenant un bilan de cette longue lecture.
J'ai aimé le travail d'enquête de l'auteur qui est impressionnant de recherches, de documentations et d'analyses. Un travail titanesque et une enquête hors pair.
La conclusion de ce travail est le nom du le meurtrier du triple meurtres d'Escoire, nom qui se défend et n'est pas sans argumention ni preuves.
La première partie du roman est consacrée à la vie d'Henri GIRARD avant et après les meurtres, un homme à la vie très atypique et passionnante.
J'ai moins aimé la longueur du livre, seule la promesse du nom du meurtrier m'a permis de tenir jusqu'au bout. L'auteur a trop tendance à s'étendre sur ce qu'il fait à Périgueux (le nombre de bars qu'il a fréquenté ...), il dévie facilement du sujet pour en aborder d'autres sans relation avec l'affaire. du coup, le livre perd en dynamique et, cela n'engage que moi, mais 150 pages en moins auraient facilité ma lecture.
J'ai eu l'impression aussi de quelques répétitions au cours du roman de certains détails et descriptions de l'affaire.
Mais pour ceux qui seraient intéressés par cette affaire criminelle, je leur recommande la lecture de ce livre pour la somme de travail de l'auteur ainsi que son analyse très pertinente.
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Comme dans un Cluedo grandeur nature, il y a la scène du crime, l'arme du crime, et puis il y a les victimes. Ici point de Colonel Moutarde, de Melle Rose ou de Professeur Violet, mais Henri Girard, désigné très vite comme l'auteur du triple crime ( les occis sont : son père, sa tante, la bonne) survenu dans le château familial car le seul rescapé de cet horrible carnage. Henri Girard (alias le futur Georges Arnaud, écrivain bourlingeur, personnage atypique et controversé) est donc tout de suite plus que soupçonné et ça, Philippe Jeanada n'aime pas du tout mais pas du tout. Enfilant son costume de détective patibulaire mais coriace, il démonte, redėmonte l'affaire, du début à la fin, dans tous les sens, avec un souci maniaque du détail. Et on le suit pas à pas, captivé, amusé par ses habituelles appartés, admiratif par la somme de ses efforts et recherches. Un bon Jaenada mais ça on commence à être habitué.
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Ce roman, qui vient d'obtenir le Prix FEMINA 2017, raconte l'histoire d'un triple meurtre qui a eu lieu en octobre 1941 dans le château d'Escoire, en Dordogne, au coeur du Périgord.
Georges Girard, sa soeur Amélie, et Louise la bonne, sont découverts sauvagement assassinés à coups de serpe (d'où le titre).
Le seul survivant Henry, le fils de Georges, est tout de suite inculpé car tout l'accuse...
De plus, il était le seul héritier des deux victimes et, manque de chance ou préméditation, il venait d'emprunter deux jours avant, l'arme du crime, et avait obligé son père à venir les rejoindre au château, alors qu'il n'avait pas l'intention d'y venir.
Aucune porte n'a été fracturée et les témoignages ne concordent pas.
Alors que tout le monde le pense coupable, il sera pourtant acquitté lors de son procès aux assises, en 1943, après 19 mois d'emprisonnement dans les conditions terribles de l'époque…
Maurice Garçon, son avocat, un ami de son père, a fait une plaidoirie remarquable et les jurés, convaincus de son innocence, ont à peine pris le temps de délibérer...
Henry Girard est libre, certes, mais il sera poursuivi toute sa vie par cette accusation et ne se remettra jamais de la perte de ses proches.

Je ne suis pas du tout férue de fait divers et si l'histoire me touche c'est parce qu'Henry Girard n'est autre que Georges Arnaud, le futur auteur d'un livre qui nous a tous marqué, « le salaire de la peur » qu'il écrira des années après, suite à son errance en Amérique du Sud et qui sera porté à l'écran par Henri-Georges Clouzot, avec Yves Montand et Charles Vanel, et lui assurera son succès d'auteur. Mais c'est aussi parce que l'auteur n'a pas son pareil pour nous raconter cette terrible histoire...

Philippe Jaenada est donc reparti sur les terres du massacre. Il s'est plongé dans les archives, les journaux de l'époque, les correspondances trouvées dans le dossier (plus de mille pages).
Le narrateur qui n'est autre que l'auteur nous raconte son voyage vers ses terres encore aujourd'hui "sauvages", où il va falloir qu'il se fasse accepter par les villageois pour aller recueillir les impressions transmises de génération en génération, sur ce meurtre atroce et s'approcher du château pour s'imprégner des lieux.
En parallèle, nous avançons dans la connaissance de la vie du jeune Henry, tel qu'elle a été décrite au procès.
Il aurait été mal aimé par sa famille car il était laid mais surtout parce que différent, trop grand, trop maigre, trop sensible, trop intelligent (il a le bac à 15ans) et surtout trop rebelle et irrespectueux…
C'est vrai qu'il a été profondément perturbé par la mort prématurée de Valentine, sa mère, d'une tuberculose, mort dont il ne se remettra jamais et qui aurait eu pour conséquence son rejet de sa famille trop riche, trop bourgeoise, trop guindée…
Mais c'est vrai aussi que Georges, son père, était dans un grand désarroi : il avait perdu sa jeune soeur, puis sa femme. Il ne savait pas comment gérer son fils…
En plus d'être rebelle, le jeune Henry aurait eu, alors qu'il était étudiant, une vie de « dépravé », buvant, sortant, dépensant sans compter mais partageant ses largesses avec les plus pauvres que lui, ou ses maîtresses de passage, puis avec sa femme Annie, qui à son tour ne sera pas du tout acceptée par la famille…
Enfin c'est ainsi qu'il est décrit par les divers témoignages…un rebelle prêt à tout pour obtenir de l'argent, même à menacer sa tante et incapable de respecter ses proches et en perpétuelles disputes avec eux, ce qui s'avérera totalement faux.
Et il sera acquitté…

Le lecteur découvre alors, dans la seconde moitié du roman, que beaucoup de pistes n'ont pas été poursuivies, que de nombreux témoins de l'affection qu'Henri portait à ses proches n'ont jamais été convoqués au procès, que la scène de crime elle-même, n'a pas été étudiée de près comme elle aurait dû l'être…et même que certains faits relevés par les brigadiers, arrivés les premiers sur les lieux le jour du crime, ont carrément été contestés par les plus hauts gradés.

Une belle façon de rendre son honneur à un homme bafoué qui a porté sur lui toute sa vie les soupçons de tous parce que, peut-être à cause de la guerre, l'enquête a été bâclée et que les rumeurs populaires en ont fait le coupable idéal.
Ce roman, qui se lit comme un thriller, est un coup de coeur pour moi, malgré ses 600 pages, et me donne envie non seulement de relire les oeuvres de Georges Arnaud, mais aussi de découvrir les autres romans de Philippe Jaenada.
Lien : http://www.bulledemanou.com/..
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Pour ce livre, j'ai/je vais déroger à deux de mes règles :
- je ne commente pas un livre non fini
- j'essaie toujours de lire au moins 100 pages d'un texte. Si au bout de 100 pages, je n'ai pas accroché, j'abandonne.
Pour ce livre, j'ai tenu 100 pages, en fait je suis allée jusqu'à la page 288 (un peu moins de la moitié du texte). de ce fait, ayant lu une bonne partie de ce récit, je vais m'autoriser une critique.

Bravo à celles et ceux qui l'ont lu en entier. Ca m'épate !
L'auteur intervient dans son texte. Appréciant les textes d'Emmanuel Carrère, je ne suis pas surprise. Mais là ! Les interventions de l'auteur pour se raconter sont inutiles, prétentieuses, invraisemblables !
Il fait la pub de son précédent texte, se demande quand il aura le prix Goncourt/Renaudot, remercie les lecteurs d'un prix littéraire, raconte ses pbs de pneus, la qualité d'un hôtel, s'effraie de l'idée de quitter la capitale pour aller chez ces bouseux de province...... Aucun intérêt pour le roman, aucun intérêt tout court.
Et le tout entre parenthèses, parenthèses multipliées ! Je me souviens d'une prof de français qui refusaient qu'on mette des parenthèses dans nos dissert' : si c'est entre parenthèse, c'est que ce n'est pas important, donc autant ne pas le mettre ; si c'est important, ça ne peut pas être entre parenthèse, nous disait-elle en gros.
Là pour ce texte, toutes les parties entre parenthèses (1/3 du texte ? (en un mot trop ! (là je vous donne un exemple du style de l'auteur))) répondent à la première partie de cette définition : inintéressant et particulièrement prétentieux !

Dommage, le sujet était intéressant. Mais il aurait fallu un autre traitement.....
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Ouf ! Quelle lecture ! On sort épuisé de ce pavé. Et on se perd souvent dans les méandres de l'enquête de Jaenada: beaucoup de détails, foultitude de personnages... J'avoue avoir lu en diagonale certains passages. Premier contact pour ma part avec l'oeuvre de cet auteur, lequel d'ailleurs n'est pas dénué d'humour et fait preuve d'une distance et d'une lucidité de bon aloi avec son travail. La question est de savoir si ce qui n'est, après tout, qu'un long, très (trop ?) long article de journal (qui trouverait fort bien sa place dans Paris Match ou le Journal du Dimanche), constitue une oeuvre littéraire. Jaenada s'attaquera-t-il prochainement à l'affaire Grégory ?...
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