Le livre est beau, et plus encore porteur d'émotions et de réflexion.
Un couverture en papier glacé d'un beau rouge sang où s'incruste une photo du Mur. le titre "La cicatrice" et le sous-titre " Berlin est-ouest 1988 -2004" sont positionnés en croix, au coin de la photo du mur. Est-ce une erreur de mon interprétation d'y voir un symbole ?
Jean-Noël Jeanneney en a rédigé une belle et poétique introduction, dans laquelle il rappelle les faits de la chute du mur et la genèse de cet émouvant reportage-témoignage photos : en 1988 Patrick Tournebeuf, jeune photographe s'intéressant aux "frontières" était venu faire ses clichés, puis il était revenu en 1990, photos de lieux sans présence humaine. En 2003, puis en 2004 il revient à Berlin. C'est la confrontation de ces deux séries de photos, prises à quelques quinze ans d'intervalle qui composent l'étrange promenade de ce recueil. Toujours pas d'êtres humains, et le Mur et les bâtiments de la RDA sont démolis peu à peu. La nature reprend aussi sa croissance. Quelles sont les traces laissées de cette "partition" brutale d'une ville ? A la réflexion, celles qui subsisteront encore longtemps sont certainement les chemins des vigies et leur éclairage de lampadaires. Tout comme, vue d'avion, on perçoit encore les anciennes routes millénaires sous les champs, où comme l'éclairage de Berlin, la nuit n'a pas la même couleur selon le secteur ex RFA/RDA.
Belle composition de l'ouvrage, qui laisse le lecteur se promener d'une photo à sa "soeur" quelques années plus tard, sans légende. C'est à la fin du livre que l'on retrouve toutes les photos sous forme de vignettes avec date, lieu de prise de vue et quelques anecdotes. La série s'arrête sur 2004 mais les vignettes vides, comme en attente de futures photos, continuent une série, une par année jusqu'en 2037. L'histoire continue, la cicatrice se referme doucement. Qu'en restera-t-il dans ...?
Avec ce Mur et Berlin, nous sommes témoins de se besoin vital de détruire les lieux de souffrance et de honte pour les remplacer par des plaques commémoratives et des monuments permettant de se souvenir en distanciant. Que reste-t-il à Paris du Vel d'Hiv ?
Berlin est une ville où la mémoire est à chaque coin de rue : compte tenu de son effervescence et sa créativité, n'est elle pas aussi le témoignage que le futur ne se construit que sur la connaissance et l'acceptation de son passé.
Un regret : sur Babelio cet ouvrage n'est référencé qu'au seul nom de M.
Jeanneney. Pourquoi ne pas y ajouter le nom de
Patrick Touneboeuf, parce qu'au fond, ce sont plus ses photos qui font la teneur de ce bel ouvrage.