Le narrateur d'
Atelier Panique est tantôt je, tantôt il - ceci devrait nous mettre sur la piste. La prose d'Antoine Jobard nous donne à vivre, très corporellement, un rapport à soi qui s'assimile progressivement à la crasse et aux taches de peinture accumulées, dans un idéal d'autodérision qui confine à l'humiliation. Depuis sa rencontre avec un vieux bourgeois qui n'est qu'une autre version de lui-même, celui que l'auteur nomme avec assez d'humour notre héros ira, anesthésié par l'alcool, de blessure en blessure, jusqu'au trépas.
Jobard peint ici le face à face entre deux hommes, l'un jeune et l'autre vieux, fuyant leurs responsabilités, idéalisant les femmes et se honnissant l'un l'autre pour mieux conjurer leur peur du monde. Une sorte de peau de chagrin qui n'est qu'un mauvais portrait les rassemble au cours d'un dialogue aux allures de compte à rebours, semblable à ceux qui opposent le gardien du phare et son apprenti dans le film The Lighthouse, de Robert
Eggers.
Comme le revers d'un roman initiatique, le dernier paru au Sabot est porté par une verve sensuelle et horrifique, dont on craint parfois qu'elle frise le didactisme, mais qui finit par surprendre en posant la question essentielle : peut-on vraiment mourir en avalant sa langue ?