Après l'apocalypse nucléaire, ça peut encore empirer.
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il est également possible de la considérer comme une première saison. Il regroupe les six épisodes de la minisérie, initialement parus en 2021, écrits par
Geoff Johns, dessinés et encrés par Gary Frank et mis en couleurs par Brad Anderson. Les couvertures ont été réalisées par Frank. le tome contient également les couvertures variantes réalisées par
Erik Larsen,
Jason Fabok, Gary Frank (*7),
Bryan Hitch,
Mahmud Asrar,
Jeff Lemire,
Lee Weeks, Brad Anderson,
Brad Walker,
Shawn Martinbrough,
Jerry Ordway,
Norm Rapmund, Simone Bianchi,
Jamal Igle. Il comprend également une postface d'une page rédigée par le scénariste, une frise chronologique des sept héros sans nom ayant combattu le Mal, un dépliant touristique pour les sites de Las Vegas avec les différents individus au pouvoir, deux radiographies de Tariq Geiger, un strip de Junkyard Joe, et une page promotionnelle pour la minisérie de Junkyard Joe par Johns & Frank, une autre pour celle de Redcoat par Johns &
Bryan Hitch.
Dans un futur distant de plusieurs dizaines d'années, deux individus en combinaison jaune antiradiation sont en train d'effectuer des mesures avec un compteur Geiger. Ils sont dans une zone sauvage où le niveau de radiation est particulièrement élevé, favorisant les mutations les plus toxiques. La nuit est tombée, mais l'un des deux ne se sent pas de dormir. Il demande à l'autre de lui raconter l'histoire de l'homme qui marchait sans combinaison. Tout a commencé en 2030 quand la guerre inconnue s'est déclenchée. En juillet, la guerre inconnue est initiée dans par une nation non identifiée. Dès cette annonce, Tariq Geiger enjoint son épouse Tracy et ses deux enfants à aller se réfugier dans l'abri antiatomique. le petit garçon panique parce que la chienne Molly est encore dehors : elle aboie à la trace lumineuse d'un missile lancé à quelques dizaines de kilomètres de là. le père remonte l'escalier et court chercher le chien. Alors qu'il revient vers l'entrée de l'abri souterrain, il reçoit une balle dans la cheville droite. Des voisins armés viennent d'arriver et ils ont la ferme intention de s'approprier l'abri.
En périphérie de Boulder City dans le Nevada, Tariq Geiger ordonne à sa femme et ses enfants de rentrer dans l'arbi et de fermer la porte : il sait qu'il ne l'atteindra pas. Les voisins approchent et la femme abat la chienne Molly. le voisin s'apprête à abattre Tariq quand survient la déflagration : d'abord l'onde lumineuse, puis le champignon atomique, puis le souffle de l'explosion et les radiations, ravageant tout. Vingt ans plus tard, un groupe de trois pilleurs en combinaison antiradiation s'approche de l'entrée de l'abri, dans une zone désolée. Ils savent que la zone leur est interdite, mais l'un d'entre eux est persuadé que la présence d'un monstre dans les parages a été inventée par ceux qui souhaitent accaparer ce qui peut être récupéré sur ce territoire. Alors que l'un d'eux approche de l'entrée de l'abri, ils remarquent qu'elle s'inscrit dans un mur de voitures compressées en cube. Ils sont interpellés par un individu qui se tient sur le mur, sans combinaison antiradiation.
Cela fait des années que
Geoff Johns et Gary Frank font régulièrement équipe : Action Comics (2007),
Batman Earth One (2012, 2015, 2021), Doomsday Clock (2017-2019),
Shazam! (2012/2013), Superman: Secret Origins (2009/2010), etc. Après plus de 20 ans passés à écrire pour DC Comics et à occuper le poste de directeur-en-chef de la Création, Johns décide de créer sa propre série en indépendant. le lecteur est forcément alléché à l'idée de découvrir ce duo prestigieux réaliser une série qui leur tient à coeur, libéré des contraintes éditoriales d'un univers partagé dont les droits sont détenus par une multinationale, un géant du divertissement, veillant de près à la rentabilité de ses propriétés intellectuelles. le début permet de saisir la nature du récit : entre anticipation et science-fiction, dans un registre post apocalyptique, avec un individu disposant de capacités extraordinaires. Il flotte donc un parfum vaguement rétro du fait du choix de mettre en scène une guerre nucléaire. La composante superhéros est tellement discrète, que le lecteur voit plus une convention du genre mutation occasionnée par les radiations, et super-science de type Pulp, renvoyant à la littérature d'anticipation des années 1940/1950. En scénariste chevronné,
Geoff Johns sait accrocher son lecteur avec une apocalypse nucléaire, un individu à l'identité inconnue disposant de capacités extraordinaires, des enfants ayant vu leur mère assassinée sous leurs yeux, et fuyant pour trouver un refuge, un despote voulant capturer ces enfants pour récupérer l'objet qui a abouti entre leurs mains, et un héros malgré lui devant protéger les enfants.
Le scénariste ne se contente pas d'une course-poursuite pour récupérer un McGuffin. Avec l'habileté et la sensibilité qui le caractérise, il développe la tragédie de Tariq Geiger condamné à vivre en espérant qu'un jour le monde redeviendra habitable et que sa famille pourra sortir de l'abri antiatomique, la volonté du Roi d'accomplir des hauts faits plus mémorables que ceux de son père, le poids de la responsabilité portée par Hailee (16 ans) qui doit veiller sur son petit frère, les groupes d'individus plus ou moins bien intentionnés. Il y ajoute les capacités extraordinaires de Geiger, avec ses deux barres de contrôle dans le dos, des crayons comme ceux présents dans le coeur des réacteurs nucléaires. le lecteur est immédiatement emporté dans cette intrigue rapide, sans être épileptique, mystérieuse sans être absconse. Il est tout aussi confiant quant à la qualité de la narration visuelle. Frank officie dans un registre descriptif et réaliste, apportant ainsi une forte plausibilité à ce qui est montré. Il représente les combinaisons antiradiations du début jusqu'à la fin, sans faiblir, avec a fermeture, le casque et la visière, la ceinture, les jointures aux coudes et aux genoux pour les enfants, les gants, etc. Il montre le sas de décontamination, avec les jets qui viennent laver les combinaisons. Il a conçu des apparences spécifiques pour chaque personnage que ce soient les enfants, l'homme sans combinaison, le roi avec ses beaux habits et sa couronne, ses différents généraux, etc. le lecteur est pris d'étonnement en découvrant certains protagonistes. Les deux voisins qui arrivent arme au poing, et la femme qui subit le recul de l'arme quand elle tire. le roi colérique et despotique. La femme qui se tient derrière le comptoir : elle n'apparaît que deux pages, mais elle a une présence inattendue. le roi avec son visage marqué. La mère du roi. La gentillesse du personnel soignant dans le refuge atteint par les enfants.
La connivence entre scénariste et dessinateur se ressent dans la fluidité de la narration visuelle. S'il y est sensible, le lecteur note rapidement comment le premier a ménagé le second pour une partie des décors, avec des zones désertiques, ou des couloirs impersonnels. Il sait aussi inclure des environnements spectaculaires : le mur de cubes métalliques compressés, la vision de Las Vegas, le casino sur un thème de château fort moyenâgeux, la base souterraine de NORAD, etc. L'artiste implique aussi bien le lecteur dans les scènes de discussions que dans les scènes d'action. Il se retrouve aussi attentif pour regarder Tariq se mettre à table devant une conserve de haricots en grain, ou Henry les yeux grands écarquillés en découvrant un hamburger avec des frites, que devant Geiger en train de retirer les barres de contrôle qu'il porte sur dos, ou une course-poursuite en voiture dans le désert. L'histoire des deux enfants est prenante, et le lecteur devine rapidement que l'objet qu'ils ont récupéré est de nature à modifier radicalement l'équilibre des pouvoirs. Ils sont pris dans les rets d'une lutte pour le pouvoir qu'ils ne peuvent pas concevoir, mais que le lecteur perçoit bien. Il y a une légère touche de mise en abîme avec le goût pour la lecture de Tariq, à la fois pour des classiques comme Moby Dick, à la fois pour des comics consacrés à Junkyard Joe, créant ainsi une résonnance à la fois avec une mythologie interne de la série qui reste à découvrir, et avec l'entrée en scène de ce personnage dans le dernier épisode. La page d'introduction montre clairement une Terre dévastée par un conflit nucléaire que le lecteur suppose généralisé. Alors que les survivants semblent s'être accommodés des radiations grâce aux combinaisons et aux sas de décontamination, la démocratie s'est effondrée, remplacée par des régimes claniques, despotiques, mafieux. L'épisode 5 montre une facette de la gestion des ressources : elles sont en quantité finie et il faut les utiliser efficacement, même si cela signifie qu'il n'est pas possible de sauver les plus faibles.
D'un côté, ce tome confirme que ces deux créateurs ne vont pas remettre en question leur domaine narratif : ils restent dans le genre aventure, avec une composante science-fiction, sans pour autant oeuvrer dans le genre superhéros. D'un autre côté, ils ont choisi un registre de science-fiction un peu daté pour une aventure bien fournie, avec des personnages allant du bon au méchant, en passant par tout le spectre entre les deux, un enjeu élevé, que ce soit la survie des deux enfants, ou l'avenir de ce qu'il reste de la planète, des moments d'action spectaculaires, et quelques réflexions éparses, pour un divertissement très efficace.