Le volume très grand de l'album charmera certainement, puis son traitement esthétique, presque semblable à une touche impressionniste, fragmentée, travaillée d'ombres de couleur.
Le style renverra à un autre graphiste italien, Lorenzo Mattoti, qui donne parfois à ses heures aussi pour la jeunesse ("La fameuse invasion des ours en Sicile").
Les personnages de la première de couverture nous révéleront forcément un possible voyage vers l'Asie et dans le temps, le Japon médiéval.
Le texte sera aussi délicat que son histoire.
C'est celle d'un empereur qui devra faire face à sa grande aventure, trouver ce qui lui manque pour se sentir accompli.
Nous flirterons un peu évidement avec le conte de sagesse.
"...cette pensée, d'abord fragile comme un bouton de fleur, se mit bientôt à croître en lui avec la force d'un arbre.
Et peu à peu, l'existence lui devint si pesante qu'il se dit que celle des pucerons de ses cerisiers valait mieux que la sienne..".
L'auteure
Anne Jonas nous racontera que dans le regard de l'empereur, il manquera celui de l'Amour.
A quoi cela peut-il ressembler?
Certains lui indiqueront un vieil homme, un pêcheur, qui a atteint très clairement cet état de béatitude, qui jouit de contentement en posant son regard sur toute chose.
Peut-être que l'empereur aurait besoin d'une belle leçon d'humilité...
"...alors expliquez moi comment ce pauvre hère puant la carpe avariée peut recevoir chaque jour quelque chose que moi, empereur des empereurs, je n'ai jamais possédé?
Ce qui est intéressant aussi, pour les jeunes lecteurs, c'est que le peuple lui-même de l'empereur n'a pas atteint étrangement cet état dit d'Amour. Pourquoi?
Nous avons quelques idées sur le sujet et nous renverrons aux premières pages du livre.
Il sera difficile de se montrer honnête auprès d'un empereur qui ne sera pas toujours prêt à tout entendre.
Alors, son entourage décidera de le flatter, de lui mentir, pour satisfaire, calmer son obsession.
Le propos de l'histoire sera intéressant et inspirant, renvoyant à des questions simples mais essentielles pour se guider sur les bons chemins, favoriser et attirer les bonnes choses dans son existence.
L'ambiance est très zen et très à la portée du jeune public.
A quoi cela sert d'être roi, au sommet, de tout posséder si c'est pour être craint, détesté de tous, de ne pas se sentir bien accompagné?
Mais attention, l'aventure n'est pas finie et le destin mettra l'empereur a l'épreuve.
Dépouillant un souverain ennemi vaincu de ce qu'il a de plus cher-un paravent de laque représentant le souvenir de son épouse partie-, l'empereur semblera avoir trouver l'amour qui lui manque.
L'acte, sans pitié pourtant, dérangera probablement les jeunes lecteurs.
Et nous attendrons inévitablement un retournement, une forme de conséquence qui marquera ce mauvais choix, cette injustice.
L'empereur sera t-il perdu à jamais pour l'Amour?
Dans une seconde lecture et sans démonstration, l'auteure invitera d'une manière subtile les jeunes lecteurs à s'interroger sur l'Amour, sur ce à quoi cela peut bien ressembler selon eux, dans leur imaginaire ou leur quotidien.
La nouvelle obsession de l'empereur s'en rapprochera t-il?
Le conte est à la fois vibrant de lumière et impitoyable.
Les illustrations sont superbes et feront passer agréablement bien le message très moral.