Non mais quelle idée de coller des araignées pour illustrer la couverture du recueil??? Des libellules, c'est mieux! Certes il n'y a pas d'histoire avec ces délicats insectes ailés alors qu'il y en a une relative aux arachnides. Et alors?
Ceci dit, quelle idée de mettre en préface un texte - bon au demeurant - d'
Hervé Delouche? Il y résume quasiment toutes les nouvelles, citations à l'appui! En postface, que diable!
Ceci dit, venons en maintenant aux textes de
Thierry Jonquet. Merci à daniel_dz de m'avoir recommandé ce recueil, et à ma médiathèque de l'avoir dans ses rayonnages.
Ledit recueil débute par un article paru en 1997 dans Les Temps Modernes.
Thierry Jonquet y résume ses expériences, à la fois professionnelles et ses engagements politiques dans le courant trotskiste. Côté travail, en tant qu'ergothérapeute puis enseignant, il explique que "en dix ans, j'avais parcouru tout l'éventail du travail social, fait le tour des diverses situations de misère, d'exclusion". Dans un établissement gériatrique, "ce camp de concentration à vieillards", dans un hôpital psychiatrique, dans des classes dites spécialisées puis auprès de jeunes délinquants incarcérés, et j'en passe. D'où les aspects sociaux très prégnants dans son oeuvre, ainsi que son goût pour les êtres hors normes. Article passionnant à lire pour en savoir un peu plus sur la genèse d'un auteur talentueux et engagé.
Suivent vingt nouvelles parues dans diverses revues, sauf une, inédite, celle qui offre son titre au recueil. Majoritairement,
Thierry Jonquet reste dans le noir. Y compris l'humour noir. Mais il ne recule pas devant quelques incursions dans le fantastique ("Terminus Nord", "Abel dans les tunnels"), post-apocalyptique ("Sommeil") ou d'anticipation ("Un débat citoyen").
Son ton se fait tour à tour corrosif (
Thierry Jonquet, Ph neutre, connaît pas), drôle (les péripéties grotesques de "L'Imprudent" sont un vrai régal... et le pire, tiré d'un fait divers réel), émouvant, ... Certains de ses récits rendent hommage à d'autres oeuvres. Ainsi "Pas de fleurs pour Algernon" renvoie, à travers une sorte de farce grinçante, au superbe roman de
Daniel Keyes. Dans "Le vrai du faux", qui conclue le recueil, il s'amuse avec les noms des personnages: à Sable Noir se dresse le château - gothique, cela va de soi - de Lord Stoker, réside un postier retraité du nom de Cristoferli - un émigré italien -, viennent Renfield, Tepes et Harker, avec leurs épouses. Si l'histoire en elle-même n'est pas la meilleure, le procédé fait sourire et a dû divertir l'auteur.
Comme souvent dans un panel de récits, la subjectivité fait qu'on en préfère certains à d'autres. L'ensemble est très agréable et divertissant à lire. Jonquet fait du Jonquet et il le fait bien.
Pourtant, il y a deux nouvelles qui m'ont particulièrement marquée. D'abord "Nadine", où un gamin de 5è d'une cité se lie d'amitié avec Nadine, une jeune femme tombée à la rue suite à des accidents de la vie. La chute m'a beaucoup émue. A juste titre, je crois.
Ensuite "
400 coups de ciseaux" qui en plus d'être inédite est également la plus longue du recueil. On suit une femme décidée à assassiner son mari à qui son père l'a mariée (vendue) pour conclure un partenariat entrepreneurial. Stéphane, le mari sans vergogne, la force à boire, à coups de gifles si besoin, jusqu'à la transformer en épave. L'entrée en matière ne laisse aucune place au doute : "Il m'a fallu longtemps avant que je ne me décide à assassiner Stéphane. Ce n'est pas facile de tuer quelqu'un." Et oui, on l'imagine sans peine. D'où l'ardeur à avancer dans l'intrigue pour connaître le pourquoi, le comment et le... mais chut, autant le découvrir par vous-même.