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4,11

sur 963 notes
Si je vous propose la lecture de ces quelques vers :

toi qui n'as ni formes ni visage
mais qui es cette femme avec laquelle
je suis en incessant dialogue
cette nuit tu étais là
violent était mon besoin
de te porter en moi
de me glisser en toi
me mêler à ton secret
m'enrichir de ta substance
et des mots gonflés de notre fusion
se sont mis à bruire
ont fini par enfanter ce chant
où j'avais désir de te garder
accepte que ma voix sourde
le dépose en ta mémoire
et qu'il te donne à ressentir
la vénération que je te voue
et que je vous demande de mettre un nom de poète sur ces mots, beaucoup parmi vous connaîtront ou reconnaîtront la plume de Charles Juliet.

Dans - Lambeaux - cette auto-biographie qu'il a mis douze ans à écrire et dans laquelle il rend un hommage terriblement touchant à ses deux "mères", sa mère biologique dont il a été séparé à l'âge de trois mois et sa mère adoptive, une paysanne suisse qui l'a élevé, Charles Juliet nous raconte comment l'écriture est parvenue à recoller les "lambeaux", les fragments de sa vie, lui permettant à partir de ces deux cordons ombilicaux qui l'avaient "éparpillés", de renaître en les coupant de manière consolante.

Il y a une phrase de Jacques Lamarche que j'aime bien et qui me semble parfaitement s'adapter à C. Juliet : “Les lourdes portes de l'oubli se referment mais des lambeaux de souvenirs s'agrippent aux battants.”

Dans cet ouvrage composé de deux diptyques dans lequels sont éparpillés ses lambeaux, l'auteur en ayant recours à un "tu" qui mêle la proximité de l'affect à la distance de l'observateur "privilégié", nous dresse dans le premier un portrait poignant, bouleversant, dramatique et sublime de la première de ses mères.
Une paysanne de très modeste condition, aînée de quatre filles, née au début du siècle, une "cérébrale" éprise de liberté, une surdouée dont l'époque et la condition sociale ont fait une asservie corvéable à merci, la servante, la domestique d'un père lui reprochant plus ou moins consciemment son sexe, un taiseux qui avait fait de son foyer l'antre du silence, un rempart contre la parole ; une dissuasion au savoir.
Lorsque devenue une jeune fille, elle rencontre par un beau dimanche après-midi d'été un jeune parisien venu en vacances chez sa tante, son horizon semble enfin s'ouvrir sur ce pour quoi elle est faite : le monde des idées, des livres, de la quête insatiable du savoir, la liberté... l'amour.
Les deux jeunes gens se retrouvent tous les dimanches après-midi sur le flanc d'une colline, et pour la première fois la jeune paysanne parle, communique, vit.
Mais un dimanche un orage les surprend.
Trempé jusqu'aux os, le jeune homme s'enfuit.
La jeune paysanne ne reverra jamais plus " l'amour de sa vie" ; en vacances dans un sanatorium parce que tuberculeux, une pleurésie consécutive à l'orage l'a emporté.
À jamais inconsolable, la jeune paysanne finira par épouser un brave garçon, toujours absent pour cause de travail et profitant de ses dimanches de repos pour engrosser sa jeune femme.
La quatrième grossesse assumée seule, cette solitude originelle mère nourricière de l'angoisse aura raison de ce qu'elle peut tolérer.
Une tentative de suicide manquée la conduira à l'asile et la Seconde Guerre mondiale, l'Occupation et la politique de "L'Extermination douce" pratiquée par les nazis dans les hôpitaux psychiatriques :
"La méthode fut facile à trouver. Pour faire périr les patients enfermés dans ces univers clos et coupés du monde, il suffisait de ne plus les nourrir. Ainsi pendant ces années sont mortes quarante mille personnes."
...feront qu'à trente-huit ans, la jeune paysanne sera retrouvée morte un matin dans sa cellule, morte de faim.
Charles, que va recueillir une famille de paysans suisses et qu'elle surnommera Jean ou Jeannot ( confusion = fragments ) aura la chance de trouver une mère adoptive ( "celle qui t'a recueilli est un chef-d'oeuvre d'humanité"), dont "l'inlassable présence" lui permettra de se construire dans un contexte où cependant la fragmentation était inévitable.
Il apprendra à huit ans qui était sa vraie mère, aux obsèques de laquelle il assistera comme "coupé en deux".
"Peu de jours auparavant, une lecture t'a appris qu'un bébé retiré à sa mère au cours de ses premières semaines subit un choc effroyable. Il vivait en un état de totale fusion avec elle, et coupé de celle-ci, tout se passe pour lui comme s'il avait été littéralement fendu en deux. ( En lisant ces lignes relatives à ce que tu indiques là, tu t'es rappelé ce lapsus qui t'avait fait dire un jour : "à trois mois, après mon suicide...")
Dans ce second diptyque, le poète parle davantage de lui et revient sur ses onze années d'enfant de troupe, années racontées dans – L'année de l'éveil -, au cours desquelles il fera à Aix-en-Provence la connaissance avec un monde aux antipodes de celui qu'était le monde rural, sera "déniaisé" à treize ans par la femme de son "chef", entamera après l'obtention du baccalauréat, des études de médecine, études qu'il abandonnera pour devenir écrivain.
Cet impérieux besoin d'écrire lui permettra de se réaliser en tant qu'écrivain et en tant qu'homme au bout d'une traversée de doutes et de souffrances qui durera vingt ans.
Ce n'est que lorsqu'il aura recollé les "lambeaux" que s'achèvera ce long apprentissage, cette douloureuse initiation, cette quête de "l'absente".
Il sera alors capable et légitime d'écrire :
"Ni l'une ni l'autre de tes deux mères n'a eu accès à la parole. du moins à cette parole qui permet de se dire, se délivrer, se faire exister dans les mots. Parce que ces mêmes mots se refusaient à toi et que tu ne savais pas t'exprimer, tu as dû longuement lutter pour conquérir le langage. Et si tu as mené ce combat avec une telle obstination, il te plaît de penser que ce fut autant pour elles que pour toi.
Tu songes de temps à autre à Lambeaux. Tu as la vague idée qu'en l'écrivant, tu les tireras de la tombe. Leur donneras la parole. Formuleras ce qu'elles ont toujours tu.
Lorsqu'elles se lèvent en toi, que tu leur parles, tu vois s'avancer à leur suite la cohorte des bâillonnés, des mutiques, des exilés des mots
ceux et celles qui ne se sont jamais remis de leur enfance
ceux et celles qui s'acharnent à se punir de n'avoir jamais été aimés
ceux et celles qui crèvent de se mépriser et de se haïr
ceux et celles qui n'ont jamais pu parler parce qu'ils n'ont jamais été écoutés
ceux et celles qui ont été gravement humiliés et portent au flanc une plaie ouverte
ceux et celles qui étouffent de ces mots rentrés pourrissant dans leur gorge
ceux et celles qui n'ont jamais pu surmonter une fondamentale détresse."

Excellente lecture avec un vrai moment d'intense émotion pour la biographie de la mère "biologique".
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Nous voici, à travers ce court roman, en pleine immersion dans le monde paysan du début du XXe siècle. Son esprit, sa rudesse. Jolie écriture qui retranscrit avec justesse un monde où les sentiments, l'émotion, l'individualisme, n'ont pas leur place.

Beaucoup moins convaincue, par contre, par le dernier quart du livre où l'auteur s'épanche dans une introspection, à mon sens passablement longuette et redondante, sur son désir et ses doutes quant à sa capacité à devenir écrivain.
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Je redoutais la lecture de Lambeaux, j'avais raison, froisser ces pages c'est traverser un paysage de tristesse infinie qui me parlait, comme Charles Juliet l'avait ressenti avant moi, pour écrire son enfance, écrire la peur qui l'a ravagée, la peur qui nait du silence, la peur, sur ses gardes, prête à rugir quand elle viendra, car le drame revient, le prochain sera encore plus long à dompter.

Il aura mis 60 années pour exprimer ce qu'il transportait au plus profond de ses souvenirs dans sa carcasse vieillissante, vider son âme de tous ses regrets, de toutes ses défaites, se voir enfin vivant parmi les ombres.


Dans la première partie du récit Charles Juliet, évoque sa mère, sa vraie mère."Elle ira loin la petite", cette phrase, la maman de Charles, l'aînée de la famille là entendue si souvent que le jour où ses parents la retirent de l'école, c'est un séisme pour elle, un abandon que les professeurs ne comprennent pas, la porte des études est définitivement fermée.


Ce drame en précède un autre, le jour où elle rencontre un garçon instruit, cultivé, délicat même peut-être, il est juste malade, il est au sanatorium, ces jours là, et ce jour où ils se promettent de ne plus se quitter, ils ne savaient pas que demain pouvait contenir un vide éternel.


Mariée à Antoine, arrive un troisième enfant, c'est Charles, mais le coeur n'y est pas, trop de douleurs accumulées, trop de solitude. Il est encore un nourrisson quand on le confie à une famille paysanne et ses cinq filles. L'hôpital sera son destin et son silence, un silence qui tue parfois quand il n'est pas désiré.


"Ta mère adoptive te prend par le bras avec douceur, t'apprend que tu as une autre mère qu'elle vient de mourir"p 99. Pendant la messe tu penses à cette mère, tu voudrais voir son visage, ses yeux, et pourquoi elle était malade... tu te retiens de pleurer" page100.
"Depuis ce jour de tes 7 ans, tu n'as jamais aimé l'été."
Marqué par cette rupture, le moindre faux pas, "la moindre absence engendre chez toi de grandes paniques."


La suite constitue la deuxième partie du livre, sans doute plus émouvante encore pour le jeune garçon, le voilà orphelin, un nouvel abandon se prépare, il fera l'école d'enfants de troupe d'Aix en Provence.


Puis un jour il te vient le désir d'entreprendre le récit où "tu parlerais de tes deux mères l'esseulée et la vaillante, l'étouffée et la valeureuse". Les mots de Charles juillet suffisent à eux-mêmes," Charles a la vague idée qu'en écrivant ce livre, il les tirera de la tombe, leur donnant la parole sur ce qu'elles ont toujours tu.

Entre l'école militaire et l'écriture de "Lambeaux", Charles Juliet revisite inlassablement son histoire, pour mieux l'exorciser, la traduire en volonté d'agir en avidité de savoir. Cet itinéraire est passionnant à reprendre, à démailler, pour basculer un jour du bon côté, et ne plus craindre, au flanc de ses plaies, un drame, le énième abandon.

Ces deux textes s'imbriquent l'un dans l'autre, dans une langue libérée, où les mots ne sont plus bâillonnées, car les textes se lèvent prennent la porte, et n'écoutent plus les échos du passé. Charles juliet s'adresse cette fois encore à ceux et celle qui ne se sont jamais remis de leur enfance page 153, pour mieux saluer cette seconde naissance," tout ce à quoi tu aspirais mais qui te semblait jamais interdit s'est emparé de tes terres".
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Ce n'est pas un livre facile dans le sens où l'auteur nous offre un texte à mi-chemin entre le roman autobiographique et le récit. Et quel texte! Il se livre à une introspection. On y découvre son mal-être, mais aussi celui de sa mère naturelle et les vies difficiles qu'ils ont pu avoir. Je trouve que son analyse des diverses situations est très bonne, très juste. Il est fin psychologue. Cette oeuvre se compose de deux parties. Dans la première, sa mère biologique se livre et raconte son mal de vivre, son manque de reconnaissance et d'amour qui la conduiront à commettre un geste dont les conséquences lui seront fatales. Dans le second, il présente sa seconde famille, celle chez qui il a été reçu et gardé comme un vrai fils, et cette "mère" de substitution qui aura joué un rôle essentiel, tant elle fût remplie d'amour et de générosité malgré une vie précaire.
Charles Juliet évoque aussi naturellement les études qu'il a pu effectuer grâce à son intégration dans une école d'enfants de troupe, là encore un parcours où les difficultés ne lui ont pas été épargnées. Il parle de ses études abandonnées, de son entrée dans la vie active et surtout de son désir profond de devenir écrivain... Mais pas n'importe quel écrivain, car il met la barre très haut... offrant aux lecteurs une superbe analyse où il se juge avec grande sévérité.
Par bien des points ce livre est sinistre, très déprimant, mais c'est aussi le magnifique témoignage offert par une âme tourmentée parce qu'elle a simplement eu une enfance hors normes, mais après tout chaque parcours n'est-il pas hors normes? L'enfance... écrivains, psychologues, philosophes... beaucoup se sont penchés sur cette période de la vie et ont écrit sur ce sujet. "On ne guérit jamais de son enfance, soit parce qu'elle fut heureuse, soit parce qu'elle ne le fut pas." (Robert Mallet), des poètes aussi, des chanteurs et paroliers (Barbara ou Jean Ferrat : "Nul ne guérit de son enfance"....).
Ce roman autobiographique peut donc parler à tous, et toucher encore un peu plus les "accidentés de la vie" qui traînent les premières années de leur existence comme un boulet, parce qu'ils ont été orphelins, abandonnés, non désirés, mal aimés, rejetés, incompris... et qui, jusqu'à un âge avancé de leur vie d'adultes seront en quête d'un peu d'amour ou tout au moins de reconnaissance...
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Devant le très grand nombre de critiques, je ne rajouterai pas grand-chose de très important. Sinon que la première partie, qui relate les conditions de vie d'une femme, mère de l'auteur, son impossible choix de vie et pour finir, sa mort dans un hôpital psychiatrique du début du siècle, est effroyable. La deuxième partie, la vie de l'auteur, impensable résilience qui l'amènera à l'écriture après un tumultueux parcours, est moins tragique mais tout aussi passionnante. Effectivement, comme il est dit en quatrième de couverture, on peut lire ce livre comme une oeuvre d'espoir. Mais j'en retiens également un formidable témoignage sur les conditions de vie de certaines personnes dans une société donnée.
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Charles Juliet rassemble ici des lambeaux de souvenirs, arrachés à sa mémoire d'enfant.

Il nous raconte sa mère de naissance. Une femme qui sombre dans la solitude. Pour s'en extirper elle manque cruellement de mots, d'amour aussi. Personne ne peut partager avec elle ce besoin de comprendre le monde. Son rêve d'ailleurs. Poursuivre le chemin qui va loin au-delà de l'horizon, loin de la ferme où ses rêves croupissent, où le père écrase l'espoir.
Jeune fille douée, elle ne pourra poursuivre ses études. Cela ne colle pas à la vie de paysanne pour laquelle elle est destinée. Les mots errent en elle comme des fantômes, sans corps, sans cris. Ils creusent l'abîme qui la sépare de la vie, des autres. Ils l'étouffent en restant coincés dans sa tête.

Et puis il y a la mère de coeur, celle qui le sauve, qui le prend sous son aile, quand l'autre mère n'en peut plus de vivre.

Charles Juliet nous livre des mots qui ont mis du temps à éclore. Un peu comme un paysan qui doit attendre la bonne saison, préparer la terre avant la semence, prendre soin des plants, accepter de tout perdre sans baisser les bras, puis tout recommencer. Accepter de réveiller ce qui est enfoui, de garder les mauvaises herbes, d'entasser les pierres, de creuser le puits sombre pour arroser la lumière

Il écrit pour ses deux mères et aussi pour consoler l'enfant qui sanglote en lui.

Pour sa mère à qui il manquait le terreau, la goutte de pluie et le petit rayon de soleil pour faire pousser les mots, la faire entrer dans le monde qu'elle ne comprenait pas, qu'elle encombrait de questions trop grandes pour elle.

Pour son autre mère pour lui dire merci. Celle qui donne, qui comprend en silence, qui s'oublie pour aimer. Sans questions, juste des instants offerts.

C'est un livre à l'écriture à la fois riche et simple. Riche car elle charrie de la détresse, de la solitude, des larmes secrètes, l'amour, la beauté d'âme. Simple, car les mots sont ceux de la vie, de la terre, de la guerre, de la pauvreté. Ils vont droit au coeur, sans s'encombrer, sans perdre leurs racines, leurs feuilles et leurs fleurs.

Lambeaux est un roman qui dessine malgré tout l'espoir.
Charles Juliet nous fait vibrer par ces mots. Il a réussi.

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En parlant de votre livre, Monsieur Juliet vous écrivez :« si tu parviens un jour à le mener à terme, il sera la preuve que tu as réussi à t'affranchir de ton histoire, à gagner ton autonomie ».
Vous avez réussi et avec quelle plume ! quel talent!.
Vous avez su nous faire vivre de façon très émouvante votre enfance, et la vie de vos mamans. Vous leur avez donné, grâce à votre merveilleux récit, la parole qu'elles n'ont pas eue. Vous nous faites part et nous ressentons les blessures, les frustrations et les envies qui ont été les vôtres.
Votre choix de parler à la deuxième personne du singulier pour parler de votre mère biologique dans la première partie puis de vous dans la seconde est tout à fait original mais aussi et surtout nous fait comprendre pour la première partie ce besoin de proximité avec une maman que vous n'avez pas connue et pour la seconde partie, la distance nécessaire pour saisir et mettre en mots vos souffrances. Cette distance ne rend pas le récit « froid », loin de là , votre livre est tout simplement bouleversant.
C'est un moment intense que vous nous avez fait partager et l'on comprend bien ô combien l'écriture de ce récit a dû être difficile mais aussi libératrice !
"Et tu sais qu'en dépit des souffrances, des déceptions et des drames qu'elle charrie, tu sais maintenant de toutes les fibres de ton corps combien passionnante est la vie."
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« Lambeaux », ou quand Charles Juliet nous parle de ses deux mères…
Une première partie qui nous plonge dans la ruralité de l'Ain, une mère qui aurait tant voulu apprendre, mais qui restera à la ferme ; puis qui décédera en hôpital psychiatrique…
Une deuxième partie où l'auteur nous parle de sa seconde mère, adoptive, mais aussi et surtout de lui, son passage aux enfants de troupe, puis au service de santé des armées… enfin, sa découverte de la littérature…
Il m'est arrivé de temps à autre de constater sur Babélio qu'il y a des livres dont on sort différent, touché… d'une façon ou d'une autre… c'est le cas ici ; et ce « Lambeaux » fera partie à coup sûr de mes découvertes de 2017. D'autant que je l'ai réellement découvert dans une bibliothèque de plage en libre-service…
Charles Juliet, c'est d'abord un style d'une rare beauté et précision… et puis cette biographie de sa mère biologique à la deuxième personne du singulier… tu… du jamais vu pour ce qui me concerne… et cette autobiographie, elle aussi menée par le tutoiement que s'adresse l'auteur.
Des lambeaux de vie, parfois sombres, parfois lumineux… tout en contraste…et tellement touchants… Un petit bouquin, certes par les 160 pages qu'il contient ; mais un petit bouquin qu'on n'oublie pas de sitôt.
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Ce titre ,Lambeaux, reflète évidemment la déchirure qui a fait souffrir CH.Julet.Un morceau de tissu trop abîmé pour être identifier, reconnu.Un vêtement dont on a honte, qui nous désigne paria, qui pointe l'usure et la pauvreté.Et pourtant, ce titre aurait pu être complété car c'est revêtu du plus bel habit que l'auteur termine son récit.Un vêtement que peu sont amené à revêtir car c'est celui de la réconciliation avec son passé, de l'appropriation de son histoire, de l'harmonisation de tous les amours dont il a été l'objet.C'est une naissance active pour laquelle il aura dû, tout d'abord, retrouver et honnorer ses deux mères, leur être loyal pour leur offrir la parole qui leur a été refusée au point de les éteindre.
C'est un roman vibrant dont je remercie vivement Diablotino d'avoir mis entre mes mains!
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Il est parfois difficile de parler des livres qui nous ont profondément ému et bouleversé car on sait que, quoi que l'on dise, on ne leur rendra pas justice, que l'on ne parviendra pas à rendre avec suffisamment de justesse et de précision toutes les émotions qu'ils nous ont fait vivre. Mais ne rien dire reviendrait à ne pas partager un si beau moment de lecture alors je me lance…

Hanté par le fantôme d'une mère qu'il n'a pas connue, car internée peu après sa naissance et morte dans d'atroces conditions, mais porté par l'amour de sa mère nourricière et adoptive, Charles Juliet nous livre son passé et se délivre par là-même de ses angoisses à travers un sublime récit introspectif et autobiographique! On ressent tout au long de la lecture la puissance cathartique de l'écriture et l'importance du langage. Si l'écriture est aujourd'hui libératrice, elle a longtemps été, pour l'auteur, une source de frustration et de blocage.

Récit intime du long chemin jusqu'à la maturité et l'apaisement, « Lambeaux » commence par un portrait magnifique et extrêmement poignant de cette paysanne qui fût sa mère, blessée par la vie, coincée dans un monde étriqué, pressée jusqu'à la pulpe au point de faire une grave dépression à une époque où l'on ne parle pas encore de psychologie, des tourments de l'âme, à une époque où faire une tentative de suicide est tabou et conduit tout droit à l'asile, sans passer par la case départ et sans toucher 20.000 francs… Sans le savoir, la souffrance de cette mère absente a longtemps été celle de l'auteur. Ame torturée, dégoût de lui-même, haine de soi, culpabilité, angoisse, dépression sont autant de sentiments violents dont il a, d'une certaine façon, hérité.

Mais, derrière le cri tourmenté dirigé vers cette mère inconnue, se cache un véritable chant d'amour pour la seconde mère, la réelle, celle qui l'a élevé comme son fils et a su lui donner tout l'amour qu'elle avait. Cette mère qui l'a sauvé de l'autodestruction. Toute la beauté du texte réside là, dans la force des émotions, dans la violence des sentiments, dans les contrastes. La plume de Charles Juliet est magnifique, le choix des mots précis, percutant et donne une vraie puissance au récit. le lecteur est pris à parti, spectateur, confident de cette histoire qui n'est pas la sienne et qui ne peut que le bouleverser. Un très très beau texte donc, qui se lit d'une traite et nous offre un magnifique hommage et deux superbes portraits de mères.

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