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EAN : 9781090836045
Al Manar / Alain Gorius (22/12/2011)
4.67/5   3 notes
Résumé :
Le Liban. La guerre ; la mère morte...

Vénus Khoury-Ghata au sommet de son art.
Un lyrisme flamboyant.

Accompagnement plastique : Diane de Bournazel.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Orties, rêve d'un songe en lettres de feu.

Ce poème est extrait du recueil "Quelle est la nuit parmi les nuits" paru en 2004. Les éditions Al manar mettent en valeur ce très beau texte de Vénus Khoury-Ghata dans ce livre-objet illustré en page de couverture par la gravure estompée de Diane de Bournazel. Il existe également un autre ouvrage avec de nombreuses planches de dessins qui peut être consulté sur le site internet des éditions Al manar.

Orties fait écho au roman "la maison aux orties" qui m'a fait connaître l'auteure et poétesse Vénus Ghoury -Ghata. J'ai retrouvé le même hommage poignant à sa famille et à son enfance dans un village du Liban.

La grande inspiratrice de l'écriture flamboyante de l'auteure est sa mère défunte qui revient dans ses nuits sans sommeil :

"Penchée au-dessus de mon épaule
la morte analphabète surveille ce que j'écris
chaque ligne ajoute une ride à mon visage".

Arrive le personnage principal du texte, principal parce qu'il se fait entendre par ses bruits et sa colère "la colère du père renversait la maison nous nous cachions derrière les dunes pour émietter ses cris" ;

Les doigts effleurent la cicatrice douloureuse laissée par la mort d'un frère fragile dont la fibre poétique a été violemment atrophiée ;

Les mots écrits sur la page unissent dans le prisme de l'écriture trois soeurs touchées par l'embrasement de la folie :

"Trois soeurs réunies en une seule qui tient la plume
la fait courir sur la page
et la page se met à parler
la page dit :
encrier renversé
lampe brisée
pétrole en flammes
incendie (...)"

Les mots coulent à l'encre rouge des peines et des souvenirs d'enfance indissociables de la guerre et de la violence.
Oscillation constante entre Orient et Occident où la langue universelle deviendrait celle des billes de verre qui tintent dans les poches des enfants.

Sur la page blanche, les fantômes des disparus tracent des courbes et des traits, guident la narratrice vers un horizon de lumière.
Vers un jardin de mûriers arraché des orties envahissantes aux feuilles piquantes :

"je sarcle
élague
arrache
replante dans mes rêves
le matin me trouve aussi épuisée qu'un champ
labouré par une herse rouillée".
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Une vieille femme pliée jusqu'au sol arrache à mains nues
l'ortie qui a poussé sur la page puis la lance dans la marge
elle s'arrête pour me crier qu'elle était ma mère
je suis forcée de la croire à cause de l'ortie
C'était hier
il y a plus d'un demi-siècle
l'hiver venu
les orties montaient à l'assaut de nos fenêtres
interdisaient au jour de pénétrer dans les chambres
narguaient la lampe à pétrole
la femme qui était notre mère partageait avec
nous la même odeur d'herbe jamais coupée
et même les pluies
elle remettait toujours au lendemain ce travail
qu'elle disait au-dessus de ses forces
C'est une fois morte qu'elle retroussa ses
manches pour leur faire un sort
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Assis sur le même seuil
les mots de ma langue maternelle me saluent de la main
je les déplace avec lenteur comme elle le faisait de ses ustensiles de cuisine
marmite écuelle louche bassine ont voyagé de mains en mains
quels mots évoquent les migrations d'hommes et de femmes fuyant génocides sécheresse faim
enfants et volailles serrés dans le même balluchon parlaient-ils
l'araméen caillouteux
l'arabe houleux des tribus belliqueuses
ou la langue tintant telles billes de verre dans nos poches d'enfants
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Noircir les pages jusqu'à épuisement des mots et surgissement de ce personnage que je vois pour la première fois
Je ne connaissais pas son nom
inutile de le lui demander
il ne sait pas écrire
il ne sait pas parler non plus
il sait seulement qu'il est né du contact de la plume et du papier
du voisinage de deux mots que le hasard a mis côte à côte
il se laisse faire lorsque je l'installe au milieu de la ligne entre un verbe et un objet
mais l'écarte un rien lorsqu'il essaie d'occuper tout le terrain
et fait la sourde oreille lorsqu'il tente de m'entraîner dans l'action
j'ai décidé d'être seule maître du jeu
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Penchée au-dessus de mon épaule
la morte analphabète surveille ce que j'écris
chaque ligne ajoute une ride sur mon visage
chaque phrase la rapproche d'un pas de la maison des ORTIES
Elle l'aurait atteinte si les oiseaux n'avaient picoré les
cailloux sur son parcours
elle dit oiseaux pour ne pas dire guerre
elle dit guerre pour ne pas dire folie du fils et du grenadier
Renvoyé de l'asile bombardé
il s'accroupit au pied de l'arbre qui saignait avec sa mère
personne ne le reconnut
personne ne le chassa
c'était la guerre et la maison avait perdu sa porte
« Ma'man » dit-il en deux temps
il réclamait à la morte les poèmes écrits avant l'asile
alors qu'elle lui avait interdit de prononcer ce mot
ses filles lui resteraient sur les bras
personne ne les épouserait
quelle idée de réclamer des poèmes écrits avant les bombardements
« Tu en écriras d'autres moins démodés
sans gribouillage sans ratures
à la troisième personne pour qu'on ne te reconnaisse pas
au présent pour faire table rase du passé »
voilà ce qu'elle aurait pu dire
...

p.27-28
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Appuyée sur le manche de son balai tel le Giaour ottoman
sur sa baïonnette
la mère échangeait sa vie contre un livre
La nuit dit-elle est un tableau soir
donnez-moi un crayon pour vous écrire une lettre
quel temps faisait-il le jour de mon enterrement ?
Avait-on prévu des chaises pour les visiteurs suivis de chiens
avait-on moulu du café pour les insomniaques ?
s'essuyaient-ils les pieds sur le paillasson avant de traverser le seuil ?
Le marc de café lui tenait lieu de seule lecture
elle disait nuit
et nous ramassions linge et nuages
suspendus à la corde

elle disait mer
et nous nous hissions jusqu'à la lucarne
et cette odeur laiteuse
de vagues jamais vues de près

elle disait cavité brèche et
nous creusions avec rage pour nous assurer
qu'il y avait de la terre dans la terre
et qu'il y avait plus humble que nous

elle disait lettre
et nous attendions sur le pas de la porte la mauvaise nouvelle
décès de parent ou de chèvre dans les maisons plombées par la
neige…

p.25-26
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Videos de Vénus Khoury-Ghata (19) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Vénus Khoury-Ghata
« Une anthologie de femmes-poètes ! - Eh oui, pourquoi pas ? […] On a dit du XIXe siècle que ce fut le siècle de la vapeur. le XXe siècle sera le siècle de la femme. - Dans les sciences, dans les arts, dans les affaires et jusque dans la politique, la femme jouera un rôle de plus en plus important. Mais c'est dans les lettres surtout, - et particulièrement dans la poésie, - qu'elle est appelée à tenir une place considérable. En nos temps d'émancipation féminine, alors que, pour conquérir sa liberté, la femme accepte résolument de travailler, - quel travail saurait mieux lui convenir que le travail littéraire ?! […] Poète par essence, elle s'exprimera aussi facilement en vers qu'en prose. Plus facilement même, car elle n'aura point à se préoccuper d'inventer des intrigues, de se créer un genre, de se faire le champion d'une idée quelconque ; - non, il lui suffira d'aimer, de souffrir, de vivre. Sa sensibilité, voilà le meilleur de son imagination. Elle chantera ses joies et ses peines, elle écoutera battre son coeur, et tout ce qu'elle sentira, elle saura le dire avec facilité qui est bien une des caractéristiques du talent féminin. […] Et puis, au moment où la femme va devenir, dans les lettres comme dans la vie sociale, la rivale de l'homme, ne convient-il pas de dresser le bilan, d'inventorier - si l'on peut dire, - son trésor poétique. Les temps sont arrivés où chacun va réclamer le bénéfice de son apport personnel. […] » (Alphonse Séché [1876-1964])
« Il n'y a pas de poésie féminine. Il y a la poésie. Certains et certaines y excellent, d'autres non. On ne peut donc parler d'un avenir spécial de telle poésie, masculine ou féminine. La poésie a toujours tout l'avenir. Il naîtra toujours de grands poètes, hommes ou femmes […]. Où ? Quand ? Cela gît sur les genoux des dieux, et nul ne peut prophétiser là-dessus. […]. » (Fernand Gregh [1873-1960])
0:00 - Silvia Baron Supervielle 0:38 - Annie Salager 1:28 - Vénus Khoury-Ghata 2:13 - Colette Nys-Mazure 2:44 - Françoise Thieck 3:10 - Josée Lapeyrère 4:42 - Jeanine Baude 5:36 - Générique
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Références bibliographiques : Couleurs femmes, poèmes de 57 femmes, Paris, co-édition le Castor Astral/Le Nouvel Athanor, 2010. Françoise Chandernagor, Quand les femmes parlent d'amour, Paris, Cherche midi, 2016.
Images d'illustration : Silvia Baron Supervielle : https://thalim.cnrs.fr/manifestations-culturelles/article/gestes-et-poesie-rencontre-avec-silvia-baron-supervielle Annie Salager : https://poussiere-virtuelle.com/wp-content/uploads/2017/04/Annie-Salager.jpg Vénus Khoury-Ghata : https://i0.wp.com/arablit.org/wp-content/uploads/2020/08/khoury-ghata-cat2.jpg?ssl=1 Colette Nys-Mazure : https://www.tga.fr/colette-nys-mazure-poete-chretienne-et-libre.html Josée Lapeyrère : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/2c/Josée_Lapeyrère.jpg Jeanine Baude : http://editionsws.cluster011.ovh.net/wp-content/uploads/2015/05/DSCN5542.jpg
Bande sonore originale : Arthur Vyncke - Uncertainty Uncertainty by Arthur Vyncke is li
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