Classe, simple et tranchant, voici comment on peut résumer ce premier volume de Kimi no Knife, un thriller légèrement fantastique qui parvient sans difficultés à imposer une atmosphère à la fois calme et tendue. Une ambiance aussi aiguisée qu'un couteau dans laquelle les plans sont silencieux, les corps rigides et les expressions mesurées... avant que le meurtre ne commence.
Côté intrigue, ce premier tome réussit aisément son entrée en matière avec une discussion décisive dans un bar qui entraînera notre héros, un prof suppléant qui du mal à joindre les deux bouts, dans une spirale infernale. Un personnage lambda qui se voit proposer de l'argent contre un meurtre. On retrouve l'un des schémas assez typiques du thriller psychologique dans lequel un citoyen normal voit son existence et sa moralité totalement bousculées par une rencontre, un accident... En l'occurrence, une jeune femme assez mystérieuse qui lui demande si il serait capable de tuer un méchant contre une somme d'argent...
C'est net, c'est précis et ce qui est particulièrement appréciable, c'est que l'autrice
Yua Kotegawa ne force jamais la dose en termes d'émotions. C'est calme, c'est froid ( peut-être même un peu trop) , les expressions sont presque minimalistes avec peu d'encrages. Ce manga baigne dans une espèce de clarté presque fantomatique. Ce n'est pas un thriller enfiévré avec force éclats de larmes et cris de colères, plutôt un thriller mélancolique calqué sur la personnalité d'un héros qui se contient et qui masque son crime en tentant de poursuivre une vie banale. Dans tout les cas, la fin de ce premier tome voit notre héros sur le point de franchir une nouvelle limite...
Les autres personnages ne sont pas en reste et plus spécialement Itsuki, une protagoniste assez intéressante car ambivalent. Victime d'un bourreau depuis l'âge de ses huit ans, elle cache ses blessures derrière une certaine légèreté avec une vision presque naîve d'une personne qui a passé exclusivement son temps à regarder la télé. C'est un personnage qui allège parfois l'ambiance , apporte une forme d'empathie (notamment grâce à son pouvoir) mais qui apporte aussi un degrés d'incertitude, voir même de malaise car on devine qu'Itsuki n'a aucun repère moral et on ne sait pas si elle va aider notre héros ou au contraire l'enfoncer encore plus dans les limbes. de même, le personnage du flic est plutôt sympa avec son air froid et professionnel qui dissimule une véritable colère. Les personnages sont bien écrits avec une certaine dose d'ambiguïté.
On pourra peut-être reproche à Kimi no Knife d'être un peu trop froid dans son approche. Personnellement, je trouve que cela fait partie du charme du manga mais il est vrai qu'en terme d'expressivité,
Yua Kotegawa joue un peu trop la carte du recul alors qu'un autre mangaka aurait pu se montrer beaucoup plus féroce. Parfois, on a même droit à une sorte de slice of life avec la relation entre notre héros et Itsuki, une fille qui va redécouvrir la vie. Nous ne sommes pas que dans du thriller, il y a une dimension très humaine et relationnelle. Ce qui est plus dérangeant, c'est peut-être la manière dont notre protagoniste s'embarque dans cette histoire. Une discussion un peu ivre dans un bar qui le propulse dès le lendemain dans sa sinistre mission.. On a connu plus efficace et plus cohérent comme élément déclencheur ce qui fait qu'on a du mal à accepter les états d'âmes du héros qui a accepter cette mission de plein gré.
Malgré ce point un peu limite, Kimi no Knife est un thriller psychologique élégant et ambivalent qui ancre la thématique du "vigilante" dans une sorte de calme inquiétant et morose nuancé cependant par la relation entre certains personnages.
Ce premier volume de Kimi no Knife est réussi malgré quelques décalages plus ou moins cohérents autour de l'attitude du héros. Pour ce seinen à découvrir ou redécouvrir, ,
Yua Kotegawa privilégie un calme mesuré, un style expressif minimal qui renforce la violence de l'intrigue.
Ce premier volume est tout simplement curieux et nous n'avons plus qu'une hâte : voir dans quelle direction la lame du couteau va nous mener.