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sur 588 notes
Claude Lanzmann est mort. Certes, ce n'est pas un scoop, mais « La Fabrique des salauds » vient nous le rappeler. Car que n'aurait-il pas dit d'un tel roman!
Roman qui appartient à la catégorie confession d'un nazi, comme « La Mort est mon métier » ou « Les Bienveillantes », ce que détestait Lanzmann. Comment peut-on laisser la parole au bourreau? Car tout le monde n'a pas l'extraordinaire capacité à parler au nom du mal sans le rendre sinon sympathique, du moins acceptable. Sous la plume de Nabokov, ce vieux saligaud de Humbert Humbert peut faire pitié, il n'en demeure pas moins répugnant. Mais le héros de Chris Kraus est beaucoup plus ambigu, et en l'occurrence ce n'est pas un compliment.
Le romancier a en effet créé l'archétype du nazi romantique. Entré en politique par hasard, auteur de quelques crimes de guerre sur lesquels il ne s'appesantit pas, il n'en demeure pas moins un personnage tragique, beau monstre suscitant la terreur et la pitié.
Dans la bibliographie donnée à la fin de son livre, Kraus cite Nabokov et John Irving (!) mais pas Jonathan Littell. Difficile, pourtant, d'échapper à la comparaison. Comme Aue, Solm se retrouve à assassiner des Juifs au cours de la Shoah par balles. Mais si le personnage de Kraus vide son chargeur sur une femme et son enfant, c'est contraint par sa hiérarchie et épouvanté par son acte. le personnage de Littell, lui, tue en geignant parce que les cadavres sur lesquels il marche forment un sol mouvant et traître sur lequel il glisse. A la fin du massacre, il demandera un thé pour se réconforter. Chez Littell, le monstre est médiocre, chez Kraus, il est humain.
Autre exemple: les deux romanciers imaginent un amour incestueux, ce que je trouve plutôt bien vu car comme l'a dit un célèbre crétin français borgne et désormais gâteux, « Je préfère mes filles à mes nièces, mes nièces à mes cousines, mes cousines à mes voisines », ce qui au bout du compte ne lui laisse pas d'autre choix que de coucher avec ses filles. Ou sa soeur. Donc, si l'inceste chez Littell participe à l'idéal de pureté de l'aryen xénophobe, chez Kraus, la soeur n'est qu'adoptive et en plus elle est juive. Solm est peut-être nazi mais il n'y a pas moins raciste que lui: ses trois amours sont une Noire, une Juive, une Russe, bref le comble de la sous-humanité pour tous ses collègues de travail.
Résumons: Solm est un monstre, bien sûr, mais son petit coeur souffre et le mal qu'il fait est parfois le seul moyen qu'il ait trouvé pour protéger celle qu'il aime. On compatit.
Entendons-nous bien: je ne lis pas pour apprendre que les nazis sont méchants et que tuer c'est mal. Je lis surtout pour qu'on me balance des vérités dérangeantes et je devrais applaudir à ce récit qui me fait sortir, c'est peu de le dire, de ma zone de confort. Mais être en simple position d'auditrice ne me permet pas d'avoir le moindre contre-champ. L'auteur laisse la parole à son personnage sans me donner de grain à moudre pour traquer en lui la mauvaise foi.
Ce sentiment inconfortable d'être prise en otage par la désertion d'un romancier qui a laissé son personnage prendre entièrement en charge son récit ne m'a pas empêchée d'être estomaquée par la fresque ainsi déployée: si j'ai lu 2-3 choses sur la seconde guerre mondiale, je ne savais rien de la construction de la RFA et pas grand chose de son rôle central dans les tractations de la guerre froide. L'évolution des relations entre l'Allemagne et Israël vaut aussi son pesant de révélations et Kraus parvient à ne pas perdre son lecteur dans un jeu de dupes cyniquement acrobatique.
Enfin, aux 3/4 du roman, le récit de Solm montre des failles. Nous ne saurons pas s'il se ment à lui-même, mais à nous, oui. le personnage d'Ev, dont le prénom biblique semblait désigner la femme mythique et idéale, reprend sans doute la bonne vieille parabole du mal dont la pomme mordue sur la couverture rappelle lourdement le symbole: le mal est séduisant, ô combien. Et il a des arguments. Alors, contrairement à Ev, sachons le repérer quand il en est encore temps. J'aime à croire que c'est la morale de cette histoire, malgré un romanesque trop échevelé pour être vraiment honnête.
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Après avoir tant lu de romans en contexte du nazisme, je ne m'attendais pas à prendre « plaisir » à la lecture d'un nouvel épisode littéraire concernant la période.

Il faut être sacrement culotté pour accoucher d'un pareil pavé en tragi-comédie, suivant tambour battant l'ascension de deux frères germano-baltes de Riga (Lettonie), et du triangle amoureux avec leur improbable demi-soeur. Le livre s'apparente à un monologue en confession d'un vieil homme malade, pas vraiment repentant et souvent ironique.

Accompagnant les turbulences politiques de l'Europe Centrale, la famille Solms va se retrouver embringuée dans la violence de l'Allemagne du 20e siècle et l'histoire politique de la République fédérale.
Impossible pour Hunsi, Koja et Evi d'échapper au national-socialisme, au communisme, à l'émergence d'un état israélien et aux manipulations internationales en périphérie. Sur plusieurs décennies ils seront SS, puis espions pour le BND, le KGB, la CIA et le Mossad, double ou triple agent de renseignements pour sauver leur peau ou chasser les vieux nazis.
La fratrie décompose une palette de personnalités entre jugements moraux à la carte, loyauté assumée à ses propres choix, opportunisme manipulateur. Un combat serré entre le bien et le mal dont il est difficile d'extirper des moments d'humanité.

Rien n'est épargné au lecteur, mais là où Les bienveillantes de Jonathan Littell nous faisait monter la nausée, le roman est aussi extravagant que parfaitement documenté. On peut sans doute y voir une certaine complaisance et justification d'une génération et se révulser face à une morale à la carte. C'est aussi un surprenant récit sur la trahison et le désir.

Ma lecture s'est accompagnée d'une fascination pour la forme littéraire lyrique, nerveuse, débridée, décomplexée, et pour la belle puissance narrative avec des personnages sur le fil, anti héros à la fois décalés et représentatifs d'une époque.
Un livre fort surprenant et dérangeant mais qui arrive à être séduisant et divertissant.
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On a comparé ce roman aux Bienveillantes de Jonathan Littell car ces deux romans nous plongent dans le passé douloureux de l'Allemagne. Cependant, je constate au moins deux différences majeures.
première différence majeure, ici, l'action ne se termine pas à Berlin en avril 1945 car l'auteur veut explorer la suite, comment une partie des élites nazies intègre les services secrets, les ministères de la jeune République fédérale allemande. Et le roman prend une autre dimension dans cette relation étrange qui se noue entre le Mossad et les services secrets allemands, car Israel a besoin d'armes et la RFA de renseignements sur ce qui se passe à l'Est. C'est donc aussi un roman sur la guerre froide, un contexte dont d'anciens criminels nazis comme Klaus Barbie, évoqué, ont bénéficié.

Deuxième différence, le héros, il est beaucoup plus complexe, tragique, pas un monstre froid mais un anti-héros tragique. Son frère fait de lui un SS, il participe à un massacre en Lettonie, puis cherche la rédemption dans l'amour, prend des coups, il est trahi et trahit, il perd sa fille avec qui il se met à dialoguer, il est emporté par les courants sombres de l'Histoire, frôle la folie et la mort.

Bref, un roman à part, baroque, autour d'un anti- héros qui se désigne lui-même comme un demi-enfoiré, avec une multitude de personnages secondaires
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Depuis longtemps, « La fabrique des salauds » faisait parti de mes envies de lecture, mais je n'avais osé ouvrir ce roman, impressionnée par le nombre de pages. Et oui, plus de mille pages. J'ai eu tord de repousser cette lecture à plus tard. Il faut seulement prendre un bon élan et avoir un peu de temps à soi. Certains passages sont pénibles à lire, mais essentiels pour qu'on ne perde pas de vue notre passé.
*
« La fabrique des salauds » est une fresque historique, une saga familiale, une longue confession dans laquelle deux frères, Hub et Koja, s'aiment, se haïssent, s'entraident, se déchirent, se trahissent pour l'amour d'une femme Ev, leur soeur adoptive.
*
Le premier mot qui me vient à l'esprit, c'est : énorme. Enorme vous l'aurez compris par le nombre de pages. Enorme surtout par sa densité, par son ampleur, sa profondeur.

Le deuxième mot qui me vient tout de suite après, c'est : instructif. Un voyage dans le temps et l'espace. On navigue dans des pans entiers de l'Histoire du XXème siècle, allant de la révolution russe en 1905 à Munich dans les années 1970, de Riga à Tel Aviv en passant par Berlin, Munich ou Moscou. Ce roman est le fruit d'un immense travail documentaire.

Le troisième mot est : effarant. Comment devient-on un criminel de guerre, un « salaud » ? Comment des nazis ont pu échapper aux procès et aux condamnations ? Comment les services secrets occidentaux et soviétiques ont-ils pu enrôler, à la fin de la guerre, des milliers de criminels nazis, mettant à profit leurs compétences, leurs savoir-faire, et leur expérience professionnelle ? Quelle ironie, quelle immoralité d'avoir recruté des nazis, qui n'ont pas changé de métier, mais seulement d'employeur !
De nombreuses fois, je me suis surprise à me dire : comment est-ce possible ?
*
Le récit débute dans une chambre d'hôpital en 1974. Koja Solm, le narrateur, a reçu une balle dans la tête et entreprend de raconter son étourdissante vie à son voisin de chambrée, Swami, un jeune hippie pacifiste. Mais quelle vie ! Complètement incroyable.
C'est ainsi que l'auteur nous transporte au coeur de l'histoire, de l'espionnage et du contre-espionnage, de la révolution russe et des premiers massacres de 1905 à la prise d'otages israéliens à Munich en 1972, en passant par la création du parti national-socialiste, la montée du nazisme, la seconde guerre mondiale, la Shoah, la fondation d'Israël, la guerre froide, …
La trame du récit est adroitement conçue. Présentant son roman comme de longs monologues entrecoupés de retours dans la chambre d'hôpital, Chris Kraus rend compte d'un engrenage dans lequel est tombé Koja, faisant de lui un criminel, un monstre aux principes moraux bien fragiles.
« Mais parce que nous n'avions pas réussi à protéger nos vies du mensonge, alors que Hub, Ev et moi, je le jure, n'aspirions qu'à la vérité, le nanisme entra dans notre existence, puis la dépravation, puis le crime, et enfin la mort. Il est bien possible qu'il en soit allé de même pour la plupart des nazis. »
*
Ce roman excelle pour décortiquer les émotions et les sentiments humains, analysant sans complaisance, la manière dont un homme ordinaire est devenu un homme méprisable, un salaud, un meurtrier. Koja pose un regard lucide sur sa vie, avec toujours, cette pointe de cynisme et d'ironie.
Alors qu'il est un individu haïssable, sans aucun remord, il est aussi un être sensible, qui sait aimer et qui peut se mettre en danger pour protéger les personnes qu'il aime.
L'auteur, sans jamais cautionner les actes de Koja, il est impossible de les justifier, ni de les absoudre, nous montre comment un homme ordinaire a appris à survivre, en « s'adaptant » à un monde en plein chaos. Une vie de mensonges, de manipulations, de secrets, de trahisons, de dangers, d'assassinats.
« J'ai toujours eu conscience de ce que j'étais devenu. Mais justement : c'est arrivé malgré moi. Par hasard. Par accident. À mon propre insu. J'ai réagi au déclin du monde, et non l'inverse. J'étais profondément sincère. Et aussi profondément hypocrite. »
*
L'écriture est fluide, agréable à lire. le ton employé par Chris Kraus est très particulier pour un sujet aussi sensible et douloureux. Par ce procédé littéraire, entre sarcasme, insouciance et cruauté, l'auteur fait ressortir toute l'horreur, toute l'abjection d'une époque tourmentée.
Le lecteur navigue en eaux troubles, et ses émotions sont mises à rude épreuve, à la fois fortes et contradictoires. Illusions, désillusions. Humour, horreur. Sourires, soupirs. Amour, cruauté.
*
Un roman ambitieux qui fait réfléchir, une intrigue captivante, dense, riche, dynamique sur un pan de l'histoire du XXème siècle. « La fabrique des salauds » entraîne avec force le lecteur dans est un récit criant de vérités.
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Il était une fois en Germanie, de dix-neuf cinq à dix-neuf soixante-quatorze (pour reprendre la phraséologie du narrateur).
Sur près de 70 ans, Koja Solm nous raconte son histoire et l'histoire de l'Allemagne. Ca commence en Baltikum (provinces baltes de l'Empire russe) et se termine à Munich. Entre temps, dans un tourbillon de 1100 pages, Solm nous aura fait traverser une Europe à feu et à sang, emporté par L Histoire et guidé par l'amour et la haine. Car c'est avant tout une histoire de famille qui nous est contée : deux frères nobliaux vivaient en paix, une soeur adoptive survint, et voilà la guerre déclarée : mensonges, trahisons, dissimulations -et amour fou. Là-dessus, la vraie guerre éclate, les deux frères exécutent scrupuleusement leurs missions d'officiers SS, jusqu'à devenir les perdants de l'Histoire. Mais les histoires (la petite et la grande) rebondissent et s'engouffrent dans celle des services secrets. Et là, on va de découverte en découverte.
Car ce qui est prodigieux dans ce roman phénoménal, c'est qu'une grande partie des faits et personnages ont réellement existé. On pense halluciner ; jamais on ne le croirait au cinéma, on accuserait le scénariste de nous prendre pour des abrutis. Et pourtant... on nous a pris pour des abrutis.
Ce roman interroge et apporte beaucoup de réponses : comment devient-on nazi ? pourquoi devient-on espion ? jusqu'où peut-on s'avilir pour garder celle que l'on aime ? comment devient-on un salaud ? qui sont les salauds de l'Histoire ? Et Chris Kraus lui-même de s'interroger, dans sa post-face : "comment la société de la RFA a-t'elle réussi à trouver le chemin de la démocratie en dépit de l'intégration des anciens nazis ?" (bon, la société française aussi a su recycler ses collabos les plus zélés).
C'est donc une oeuvre impressionnante, dont on ne ressort pas indemne. Il y a des passages inévitablement éprouvants, mais l'ensemble est incroyablement passionnant -et parfois très drôle, aussi. Comme une grosse farce absurde à laquelle le narrateur lui-même aurait du mal à croire.
Quant au style, il est éblouissant : un mélange de Nabokov, Hilsenrath et Grass, qui fait que ce roman nous dévore tout autant qu'on le dévore.
Wunderbar.
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Titre : La fabrique des salauds
Auteur : Chris Kraus
Editeur : Belfond
Année : 2019
Résumé : D'origine Allemande, la famille Solm vit à Riga en Lituanie. Les deux fils, Hub et Koja, sont séduits par la doctrine nazie et s'engagent alors activement dans les services secrets pro-allemands. Koja est un artiste qui se laisse guider par son frère Hub, qui devient rapidement un rouage essentiel de la machine de destruction allemande. Tandis que le conflit fait rage et que la Russie entre en guerre, les deux frères prennent des chemins différents et une haine farouche s'installe entre Koja et Hub. La déroute Allemande les réunira à nouveau dans une organisation secrète réunissant les anciens nazis allemands. Koja deviendra alors un agent double au service la Tcheka puis un agent triple au moment où le Mossad israélien voit le jour.
Mon humble avis : Deux mois. Deux mois sans avoir le plaisir de lire un bouquin assez motivant pour en faire une chronique. Deux mois où nombre de textes me sont passés dans les mains, où invariablement l'ennui s'est installé. Et puis La fabrique des salauds, dont on disait le plus grand bien. Un pavé, un roman ample censé revisiter l'histoire tumultueuse de la moitié du 20eme siècle. Et puis la lecture, laborieuse au début, très laborieuse même, au moins pour les cent premières pages. Et puis, petit à petit, la petite musique de Kraus s'installe. Une écriture élégante, pleine d'ironie, en décalage avec les atrocités décrites. La fabrique des salauds est un roman ambitieux, c'est le moins que l'on puisse dire, un roman dont le personnage principal est un homme ambivalent, capable du pire lorsqu'il est poussé dans ses retranchements, mais aussi capable d'aimer sincèrement. Koja est un être sans envergure, un effacé qui subit son destin et trahit à tour de bras, ses proches comme ses principes. Roman du siècle et de ses soubresauts, roman d'un menteur, d'un homme perdu entre ses multiples identités, roman d'une rédemption impossible, La fabrique des salauds est un excellent livre, une fresque parfois confuse mais un vrai plaisir de lecture. Impossible de parler de personnages attachants dans un tel cas et pourtant, au détour d'une réaction, d'une phrase, on se prend à éprouver de l'empathie pour Koja, ce sont aussi les limites et les risques d'une telle entreprise. Kraus nous livre ici le roman d'un salopard, d'un lâche qui épouse la doctrine nazie par facilité, par paresse et puis le temps passe et, au grès des circonstances, le principal protagoniste devient agent des russes communistes, puis se lie avec la CIA puis vient le Mossad et le voici presque juif… Peut-être est-ce un peu tiré par les cheveux, je ne me prononcerais pas sur la crédibilité de cette histoire mais qu'importe, ce roman est parcouru d'un souffle rare et l'écriture de Kraus est d'une élégance et d'une ironie rare. Un excellent roman, encore une fois.
J'achète ? : Difficile de ne pas conseiller ce roman. Baroque par moment, d'une cruauté rare, la fabrique des salauds donne la parole au monstre, décrit l'indicible. On pense aux Bienveillantes de Jonathan Litell, on pense également au génial La mort est mon métier de Robert Merle et on se dit que la vie, en ce début du 21eme siècle, n'est décidément pas si terrible.
Lien : https://francksbooks.wordpre..
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Lecture éprouvante, pas seulement par la longueur de l'histoire mais aussi par sa teneur ! le narrateur raconte sa vie d'adulte, embarqué chez les nazis par son frère, décision contre laquelle il ne s'est jamais battu.

Il raconte tout cela à son voisin de chambre quand il se trouve dans un hôpital avec une balle dans la tête ! Un vrai salaud, pas vraiment touché par les atrocités dont il a été témoin ou auxquelles il a pris part !

Agent double ou triple après la guerre, uniquement préoccupé de sa personne, il nous assène une dose d'auto apitoiement qui m'a souvent donné envie de le frapper !

Un roman fleuve où la dérision et parfois l'humour ont leur place, l'auteur ne cherche en rien des excuses aux actes et aux hommes ! A lire à petites doses.

Challenge Multi-Défis 2023
Challenge Pavés volumétrique 2023
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La confession des agissements d'un ancien nazi ne peut qu'être pénible. Dans La fabrique des salauds, c'est un hippie reposant dans une unité de traumatologie d'un hôpital allemand qui subira ce pensum. Alité auprès d'un certain Konstantin (Koja) Solm atteint d'une balle à la tête, le hippie bienveillant, encourageant au début la discussion avec son colocataire, constate au fil de la narration des événements existentiels de son colocataire, que ce dernier est vraisemblablement la pire canaille qu'il se dit lui-même être.
Gradé au sein des SS, après la défaite du IIIe Reich, Koja se met au service des plus grandes agences du renseignement (BND, Stasi, CIA, Mossad, KGB), et « en simulant la pitié, feignant la loyauté et contrefaisant l'amitié » Koja, au nom de la stabilité familiale et de l'amour filial, se commettra irrémédiablement et profondément dans les trahisons et les exactions terroristes.
Contrairement au narrateur du roman Les Bienveillantes de Jonathan Littell, celui de la fabrique des salauds tente constamment de justifier ses actes à l'aide d'une grille d'analyse passablement tordue. Mais le malaise ressenti à la lecture des mémoires du nazi fictif de Littell n'a pas été aussi fort avec ce roman-ci.
Le propos reste toujours difficile à entendre et à ce titre, Chris Kraus ne ménage pas ses effets et ses efforts : une écriture évocatrice mise au service d'une documentation approfondie, ça donne un roman historique puissant.
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Je savais en ouvrant ce roman que j'allais découvrir la vie de Koja Solm, la soixantaine, et que sa vie allait être passionnante. En effet il la raconte à son camarde de chambre, un hippie heureux de vivre, optimiste, malgré la vis qui est fixée dans son crâne.
Quant à Koja lui, il est là car il a une balle de revolver logée dans sa tête ... inopérable. Qu'est-il arrivé à cet allemand, né en 1909 en Lettonie?
On va le découvrir peu à peu et plus les années passent, plus c'est effarant! On passe d'un enfant passionné par la peinture à un nazi participant à un massacre de juifs, puis à un espion pour l'URSS puis pour la CIA puis pour le Mossad ... Bref une vie passée à marcher sur un fil, un équilibre instable tant pour lui que pour ses proches : son frère Hub, sa soeur adoptive Ev ou les autres personnages nazis/espions/civils qu'ils côtoient.
C'est un véritable coup de coeur : sans vouloir trouver des excuses à cet homme, l'auteur nous présente son parcours chaotique et nous offre en prime un rappel des 70 ans d'histoire.
1100 pages qui se dévorent.
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Quel roman mes amis !

Je viens de passer mon week-end (littéralement) en compagnie de cette petite brique de près de mille pages, vraiment, je ne l'ai pas lâchée, cela faisait très longtemps que je ne m'étais pas fait un tel marathon lecture.

Ce roman est celui d'une époque, celui de la 2ème guerre mondiale et des profonds changements qui en ont découlé.
Ce roman est également celui de l'Europe qui n'est plus la puissance de jadis et qui doit se réinventer dans un nouvel ordre mondial ou les forces sont en constant changement.
Ce roman est enfin celui d'une famille, ou plutôt de 2 frères, Koja et Hub, et de leur soeur adoptive, Ev, dont les destins vont être violemment percutés par l'Histoire.

Et c'est ce point que je trouve toujours passionnant dans les (bons) romans historiques, tels que celui-ci, quand les histoires particulières, personnelles viennent être sublimées par le flot imprévisible de l'Histoire.

Koja, le narrateur est presque un anti-héro au départ. Issu de la grande bourgeoisie germano-balte, il est attiré par l'art et la peinture et son caractère plus effacé que celui de son frère aîné Hub le pousse à l'admirer. Et c'est sous l'impulsion de ce dernier, qu'il intégrera progressivement, presque à son insu, en tout cas sans conviction, les rouages du parti nazi.

A partir de ce moment-là, Koja surfera sur les opportunités, sans zèle mais sans courage excessif non plus et c'est ce qui l'amènera au gré des remous de l'Histoire à trahir et tromper son pays, sa famille, ses amours… en devenant espion et agent double auprès de quasiment tous les services de renseignement de l'époque.

Et pourtant, Koja n'est pas qu'un traitre sans colonne vertébrale. C'est aussi un homme qui sait prendre des risques pour protéger ceux qu'il aime (et qui le fera d'ailleurs au péril de sa vie) et qui s'il trahit, le fera toujours avec une certaine conscience, parfois par amour, souvent par nécessité.

Voilà, tel est ce roman : on y aime, on y déteste, on se trahit, on se déchire et surtout, on fait comme on peut dans un pays et à une époque où le bien et le mal sont deux choses si proches que parfois on les confond.
Que l'on ne s'y trompe pas, Koja est parfois un sale type capable du pire, il est influençable, lâche et fourbe. On a du mal à lui pardonner (d'ailleurs on ne lui pardonne pas) ses faiblesses qui l'ont fait participer à des crimes pendant la guerre. Mais il est aussi lumineux, artiste de talent, sensible, fidèle et amoureux, Bref, il est profondément humain.

C'est une magnifique fresque historique, un roman fleuve que je recommande pour les amateurs d'histoire (j'y ai appris beaucoup de choses), d'espionnage (passionnant sans être assommant) et de sagas familiales.
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