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Dejan Babic (Traducteur)
EAN : 9782882507365
560 pages
Noir sur blanc (10/03/2022)
3.7/5   15 notes
Résumé :
À travers la vie d'une famille juive séfarade de Bosnie, nous entrons dans un univers magique, Sarajevo de l'entre-deux-guerres. Les cinq filles Salom grandissent dans une atmosphère tutélaire et étouffante, parlant entre elles le ladino. Enveloppées par la chaleur communautaire, entremêlée des joies et des peines familiales, elles apprennent les règles de la vie tout en bousculant les lois de la société patriarcale.

Gordana Kuic, fille d'une des cinq... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
AVANT-PROPOS: Je viens de relire ce billet avant de le poster et je me rends compte que c'est autant une critique du livre qu'une critique du lecteur. Ceux de mes amis qui ne pourront pardonner ce narcissisme peuvent donc arreter ici. Ils auront droit a mes excuses.


La lecture de ce livre a dure des mois et je l'ai alternee avec beaucoup d'autres. C'est que j'en attendais beaucoup. Beaucoup trop. Je savais d'avance que c'etait la saga d'une famille juive de Sarajevo. Sarajevo, Saray la juive! Qui ne s'est extasie devant les enluminures de la celebre Haggadah de Pessah (de Paque) de Sarajevo! Je savais aussi d'avance que l'auteure brodait sur l'histoire de sa propre famille, mettant en scene entre autres sa tante, Laura Papo. Laura Papo “Bohoreta"! La premiere femme de lettres de Bosnie! Qui ecrivit nombre de pieces de theatre, saynetes, nouvelles, contes, et de nombreux articles! En ladino, en judeo-espagnol! Qui traduisit en cette langue des oeuvres De Maupassant, entre autres! Qui se revela resolument moderne, feministe, dans ses articles et dans son essai “La muzer sefardi de Bosna" (La femme sepharade de Bosnie)! J'avais hate de decouvrir le portrait qu'en ferait l'auteure!

Bon, apres tous ces points d'exclamation, je dois dire, pour etre honnete, que Parfum de pluie sur les Balkans est une saga interessante. Mais moi je manquais de patience. Les petites affaires et les amours des soeurs Salom ne m'interessaient pas beaucoup. Quoi, beaucoup plus de pages sur un magasin de chapeaux que sur Bohoreta! Et tellement s'etendre sur la petite de la famille, toute danseuse etoile qu'elle fut! Et toutes ces amourettes! Tout m'avait l'air ecrit a l'eau de rose, pas pour mon gout. Alors j'ai lache, et j'ai repris, et j'ai lache, et j'ai repris. Et ce n'est qu'apres un bon tiers du bouquin que je me suis fait prendre par ma lecture. Que j'ai vu ce que represente cette famille. Une famille juive de Sarajevo en route vers la modernite et vers l'assimilation. Qui vers l'assimilation, qui vers une modernite juive. Cinq soeurs et deux freres. Une qui devient ecrivaine, luttant autant pour l'emancipation de la femme que pour la sauvegarde de la langue judeo-espagnole. Une qui ouvre la premiere boutique de mode de Sarajevo et se marie avec un serbe. Une autre qui se marie avec un catholique et le suit a Paris. Une qui apres de longues annees de concubinage se marie elle aussi avec un serbe et se convertit au christianisme orthodoxe. Une petite derniere qui devient danseuse etoile a Belgrade et triomphe en tournee dans des capitales europeennes. Un garcon qui, chasse de la maison, s'installe a Zagreb. Et le dernier, qui s'installera en Palestine. Une generation qui personnifie l'explosion de la judeite traditionnelle des Balkans. Une generation qui change tout, qui part dans tous les sens, dans des directions inimaginables jusque la. Et de facon naturelle ou fortuite, sans besoin de grands manifestes insurrectionnels. Et ce, avant que la deuxieme guerre mondiale ne chamboule tout.

La deuxieme guerre mondiale, justement, occupe la deuxieme partie du livre, que j'ai parcourue en apnee. Bien sur j'ai suivi la persecution des juifs, les rafles, les tueries. J'ai accompagne ceux qui jusqu'a la fin n'ont pu imaginer leur destin, ceux qui ont essaye de se cacher, de fuir, ceux qui ont rejoint des maquis. Et j'ai surtout assiste a l'embrasement des hostilites interbalkaniques, les oustachis croates envahissant Sarajevo et la Bosnie, persecutant serbes et musulmans et s'appropriant leurs biens, l'armee bulgare detruisant des villages entiers et violant leurs femmes dans leur passage en terres serbes. Tout cela en sus de la froide cruaute, de la ferocite de l'occupation allemande.

Et miracle, la famille protagoniste de ce livre arrive a passer a travers les mailles de cet horrible filet. Seule Laura, l'ecrivaine, la Bohoreta, mourra de maladie dans un hopital en1942. Tous les autres seront vivants a la fin de la guerre. J'ai dit miracle? C'en est peut-etre un, mais il est du aussi, il est du surtout au sang-froid, a la debrouillardise, aux initiaves tenaces des differents heros et heroines.

Je conclus donc que c'est un livre pittoresque, captivant a plus d'un titre, meme si son debut a failli me decourager.


Il y a quand meme un detail, pour moi d'importance, qui m'a gene, tout le long. L'auteure essaie de faire folklorique et multiplie les petites phrases en judeo-espagnol. Et cela m'a semble deplace beaucoup de fois. Quand deux soeurs parlent entre elles, c'est naturel; mais quand une des soeurs est seule avec son mari serbe, pourquoi lui assener du ladino? Un serbe est cense le comprendre?

Et surtout, l'orthographe utilisee, donc la prononciation du judeo-espagnol que l'auteure nous inculque, m'a indispose (bon…disons que j'ai quelques notions de cette matiere...). Des exemples: “Pur luke?” (= pourquoi?); ou “Tantu ki lu kieru ki no mi lu kreyu!” (= je le voudrais mais je ne le crois pas); Ou “Tristi di mi! Dizgrasiadus! Pokus turin!” (= Pauvre de moi! Les maudits! Puissent-ils crever!) [Ca c'est la traduction donnee dans le livre, qui en donne le sens, alors que la traduction litterale de pokus turin serait plutot: que peu les regardent, que peu les suivent].

Qu'est-ce que c'est que ca? Tous ces “I”s et ces “U”s? Au debut je me suis dit que c'est peut-etre la prononciation bosniaque, influencee par les musulmans du lieu, vu que l'arabe, du moins l'arabe classique, ne connait ni le “E" ni le “O". Mais, gene de plus en plus, je me suis mis a verifier chez des ecrivains bosniaques judeo-espagnols. J'ai feuillete des ecrits de la propre Laura Papo Bohoreta, de Kalmi Baruh, d'Avram Romano, tous du debut du XXe siecle. Je me suis penche sur la prose de Eliezer Papo, un des derniers sarajeviens qui ecrit encore de nos jours. Tous utilisent beacoup plus de e et de o a la place des i et des u que l'auteure place a mauvais escient. Ils auraient tous ecrit: “Tanto ke lu kiero ke no me lu kreyo”, ou: “Triste de mi, dezgrasiados”, a la place des enormites (mal prononcees) citees plus haut. Et jamais ils n'auraient ecrit “pur luke”, mais utilisent a chaque fois un simple “porke", pourquoi, ou parce que. Alors, n'ayant pas compris le choix de l'orthographe et de la prononciation, je suis reste sceptique face a l'eventail folklorisant de l'auteure, le trouvant aberrant, ou carrement faux. Ca m'a un peu gate ma lecture.

Mais bon, ce sont mes tics personnels de lecture, des marottes. Cela ne genera surement aucun autre lecteur. Je peux donc conseiller le livre. Il plaira surement, il a ete un best seller dans les balkans.
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Parmi les romans dont je regrette qu'ils sont peu connus et qui mériteraient plus d'attention pour leur qualité se trouve ce bel ouvrage qu'est le Parfum de la pluie dans les Balkans (The Scent of Rains in the Balkans en anglais ou Miris kise na balkanu en serbo-croate original) de Gordana Kuic . C'est le premier tome d'une saga familial qui a fait un tonnerre dans ce qu'était alors la Yougoslavie lors de sa parution en 1986 et qui a acquiert un renommée qui perdure encore même aujourd'hui dans les pays ex-yougoslaves, tellement célèbre qu'il a eu droit à une adaptation télévisée en 2010. Récit épique et émouvant autour d'une famille séfarade de Sarajevo, les Salom, la capitale de Bosnie qui vivote dans la première guerre mondiale et l'entre-deux guerre avant d'affronter les épreuves dans la seconde guerre mondiale et la persécution des juifs, les parcours de vies extraordinaires que vivent les membres de la maisonnée sont d'autant plus poignants qu'elles ne sont pas fictives, étant la mémoire familiale de l'autrice dont la mère n'est d'autre qu'une des héroïnes de ce bel roman bien touffu et qui leur rend hommage.
Il était une fois dans une ville entourée de montagne au point d'être surnommée la cuvette, ou cohabitent dans une paix tranquille mais parfois précaire chrétiens (catholique et orthodoxe), juifs (séfarades et rarement ashkénaze) et musulmans, ou que les chants des minarets résonnent jour et nuit les chants des minarets prés des églises et synagogues, que les tilleuls parfument chaque coin de rue et que tout le monde se connaît et sait tout sur ses voisins, habitent les Salom. Autour de papa Léon le doux patriarche et maman Esther garante des traditions et des coutumes des séfarades, s'animent leur sept enfants, dont les cinq filles qui iront noircir les pages du livre par leurs aventures aussi bienheureuses que malheureuses et leurs caractères colorées : Laura dite Buka la lettrée littéraire qui joue comme une seconde mère pour la fratrie, Klara l'élégante qui rêve d'explorer l'Europe et de quitter le patelin bosniaque, Nina la pragmatique et sérieuse qui avec Klara tient une boutique de chapeau ' La Parisienne' prospère, Blanki la saga et sereine cadette et l'impétueuse et incontrôlable Riki rêvant de danse et de tutu. S'ajoute leurs frères : Elias qui est l'élément mineur du clan et le grand Isaac surnommée l'Athlête pour sa carrure colossale mais à l'esprit lent et peu propice à l'action au point de ne rien faire constamment dans ses journées. Lorsque nous les découvrons, c'est pour assister aux crises de nerfs de la petite Riki qui fulmine de ne point avoir une belle robe pour les festivités d'aujourd'hui : la venue de l'empereur austro-hongrois en ce jour fatidique de 28 juin 1914... Se perdant dans la foule après l'assassinat, elle est portée disparue pendant quelques temps avant d'être trouvée perchée sur un arbre et ne rentrant qu'à la maison à condition de recevoir sa robe et une moelle d'os bien savoureuse en diner !
La première guerre mondiale suivie de l'entre-deux guerre mondiale nous permet de suivre avec saveur un ersatz épicé d'Orgueil et Préjugé qu'on aurait mâtiné du Violoniste sur le toit : car à l'instar des filles de Teyve le débonnaire laitier qui souhaite d'être riche et cite hasardeusement la Torah, la progéniture féminine ébranle et taraude les vielles conventions de l'ordre social en menant des carrières indépendantes loin du simple statut de femme au foyer qui leur ait demandé et surtout, elles batifolent avec des non-juifs qu'elles iront jusqu'à convoler au grand dam de maman Esther et de leurs semblables séfarades. Buka se marie honorablement à un séfarade, Daniel, mais ce dernier devient fou et doit abandonner son épouse et leurs fils pour disparaître dans un asile, donnant à celle-ci le titre de chef de famille et lui permettant de faire un nom dans la littérature à travers ses poésies et romances séfarades: Nina est la première à transgresser en se mariant à un serbe orthodoxe, Ignjo et bien qu'il soit un buveur et noceur, il la respecte et rentre toujours à la maison, la rendant heureuse. Klara emprunte la voie en épousant le catholique Ivo qui l'emmena certes hors de Sarajevo mais finira par la décevoir cruellement. Blanki tombe amoureuse d'un journaliste talentueux Marko atteint de diabète mais doivent vivre leur union caché car interdite et qui sera tumultueuse, entre séparations et réconciliations multiples. Riki est la plus éclatante de tous : grâce au sacrifice financier de la famille, elle réalise bel et bien son songe de danseuse en devenant une émérite ballerine à Viennes et menant une carrière élogieuse dans l'Europe Centrale en passant par Belgrade qu'elle va y résider souvent et flirte avec un dramaturge serbe Milos qui est marié. Malgré quelques petites tragédies, la vie suit son cours languissant tel la rivière Miljacka qui coule dans la ville avec ses joies et fêtes... et pourtant, lorsque la tempête brune du nazisme se lève et frappe les Salom, plus jamais ne sera rien comme avant. La peur y dominera dans une atmosphère délétère ou la délation est prégnante, chaque recoin de l'aimable et sécuritaire Jérusalem occidentale deviendra menaçante et périlleuse avec la présence des oustachies les versions croates des nazis, et les juifs feront face aux rafles et aux camps. Les Salom doivent alors opter plusieurs voies : s'enfuir, résister voire les deux en même temps et de sauver leurs vies et leurs souvenirs dans une époque ou leur croyance seule suffit à les condamner...
Comme sont riches les lignes de vies de nos personnages ! Chacun et chacune spécialement peut se reconnaître dans ces enfants séfarades qui à leur manière défient les anciennes lois pour y trouver leur espérance. Sans jamais vraiment constater le patriarcat et veillant (pour certaines) aux traditions, les soeurs Salom font preuve d'un féminisme audacieux qui leur attirent souvent des déboires mais qu'elles surmontent avec courage, et qui se teinte d'héroisme quand elles doivent faire front à l'oppression oustachie et à la haine. Je pense notamment à Klara, Blanki et RIki qui sont des trois les plus frappantes : à Klara à Blanki et sa romance troublée avec Marko et Riki l'énérgitique ballerine . Que d'épreuves elles traversent, reflétant leur condition de femmes et de juives ! On ne peut qu'être empathiques envers elles . Elles forcent l'admiration les filles Salom ! Prés d'elles, les hommes ne sont pas en reste. Certains sont généreux et braves comme Marko qui ne renonce jamais aussi bien dans ses sentiments que dans ses convictions ou de façon plus étonnante , d'autre sont ignobles et mesquins comme .
C'est la description minutieuse d'un monde qui paraît magique avant les heures sombres, celui des séfarades et de leurs célébrations, du ladino parlé dans son charme héréroclite d'espagnol et de yiddish (Adio Querido qui est la chanson la plus connue du ladino et qui se retrouve dans la série télévisé adapté du dit roman), mais aussi de la ville sarajévienne toute entière, une ville marquée par le multiculturalisme qui éprouve avec dureté les marches de l'Histoire : ainsi lors de la seconde guerre mondiale ou outre les jufis, des pans entiers de sa population seront à leur tour victime des exactions, comme les serbes. A la lumière des terribles conflits des années 1990 qui l'ont agité, on voit que les tensions ne datent pas d'hier, exacerbé par la politique et la rumeur populaire. Gordana nous rappelle que malgré les tristes périodes que traverse la ville, ses habitants y survivent avec peine certes mais surtout honneur. En allant plus loin c'est aussi le portrait authentiquement historique d'une partie de l'Europe peu connue par les occidentaux, dont la vie fut foisonnante dans les quarante première année du XXeme siécle, une vie plus chamarrée qu'on ne se l'imagine. C'est aussi un roman ou on passe de pays en pays car le récit ne reste pas toujours à Sarajevo et on suit leurs héroines au delà des frontières de Sarajevo : on serpente les sublimes cités italiennes de Venise ou de Milan, on séjourne à Paris mais point des beaux arrondissements mais plutôt des bas-fond, on visite avec grâce le charme de Vienne, on y entreprend la si croate et en même temps si austro-hongroise Zagreb avant de souvent venir à la bigarrée Belgrade. Point d'accalmie ni de molle ataraxie dedans, on bouge souvent !
Enfin surtout c'est un roman sur l'amour et les relations familiales qui soudent les communautés, sur l'importance de la fraternité (et surtout de la sororité), sur la tolérance si malmenée en ces temps-ci (et même encore aujourd'hui...) sur la religion qui n'est pas toujours l'opium du peuple mais aussi son seul allié quand il n'y a plus rien qui brille, sur l'importance des traditions familiales à conserver, et surtout hymne au courage et à la vie quand la mort et l'entropie y dominent. Les soeurs Salom incarnent aussi toutes les facettes de la femme et sa force cachée que la gente masculine soupçonne rarement, puisqu'elles y mènent la danse dans le coeur de la ville. le tout conté par la plume incroyablement fluide et musicale de l'autrice qui donne vie à un passé enchanteur quelque peu mélancolique parfois.
Bien dommage que ce roman n'est peu connue en Occident autre que dans les Balkans : il existe bien une traduction française mais peu facile à se procurer et j'ai ouie dire que la traduction anglaise est plus accessible. Quoi qu'il en soit, c'est un très beau roman à découvrir tant il est délicat et riche et de découvrir la puissance des liens de sororité et de famille.
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C'est vrai que ce type de roman, souvent inspiré par la vie de l'autrice, me plait énormément. Ces sagas familiales, par un langage universel qui raconte des romances, souvent par le prisme de l'histoire de la libération des femmes, permettent de mieux comprendre les enjeux dans un pays qui m'est inconnu - qui compose mon monde et dont pourtant je ne sais rien. Plutôt que les livres d'histoires - qui même à mon grand âge - me paraissent indigestes, utiliser le statut des femmes dans une société pour parler de son évolution, de ses transformations et de ses guerres, permet de mieux comprendre les us et les coutumes, celles qui restent et celles qui disparaissent ; cela est une porte facile à ouvrir vers la compréhension d'une société dans son ensemble, son évolution politique et historique.

Ainsi, les sagas familiales fatiguent peut-être par leur abondance, peuvent paraître mainstream, peuvent sembler être la solution de facilité pour toutes les jeunes romancières qui souhaitent parler de leur pays. N'empêche que la formule fonctionne - sur moi, et en général sinon ce type de bouquin ne se vendrait pas autant - et en plus n'empêche en rien une grande qualité littéraire.

C'est ici le cas pour la Serbe Gordana Kuić qui raconte l'histoire de sa famille. En effet, elle est la fille d'une des cinq protagonistes principales, la fille de l'une des cinq soeurs de cette famille juive qui a vécu les deux Guerres Mondiales à travers l'Europe. La qualité littéraire est très certaine, ou du moins du grande qualité de traduction grâce à une langue fluide et un style simple mais agréable, qui nous permet de suivre ces tranches de vies. Sont donc dévoilés quantités de drames, mettant en scène ces jeunes femmes qui réclament leur indépendance, ces jeunes femmes dont on suit l'existence semée de surprises : qui pour les premières fois de leurs vies voyagent, qui sont portées par la passion de l'art, de l'amour, ou de l'émancipation.
C'est donc un format très classique mais extrêmement réussi qui réussi à nous attacher aux personnages, à en faire détester d'autres, et à nous faire adorer virevolter au grès des drames et des joies vécus par cette famille romancée, durant la première moitié du XXe siècle, entre la Croatie, la Bosnie et la Serbie.
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Vu l'ampleur de l'oeuvre, je n'étais pas certain d'aller au bout. Je me suis fait prendre, même s'il y a ici ou là quelques longueurs. Les atouts, une écriture agréable, une histoire déjà visitée avec ici un autre décor, l'ambiance si particulière des Balkans et ces portraits de femmes si différentes malgré leurs liens familiaux qui en font le ciment. Bref, cela s'apprécie.
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critiques presse (1)
LaLibreBelgique
22 avril 2022
Dans "Parfum de pluie sur les Balkans", Gordana Kuic raconte une famille juive de Sarajevo.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Ici, on est conscient de la succession des saisons, des changements de temps et des intempéries. En ville, tout cela est atténué par les pavés et le confort. Les gens ne dépendent pas directement de la terre et de ses fruits capricieux. À la campagne, ces pauvres gens pouilleux prient Dieu sans cesse, maudissant tour à tour la pluie, la neige, la sécheresse, le vent, le soleil, ou les nuages. En vain ! Presque toujours, la nature leur donne ce qu’il ne faut pas : la pluie pendant les semailles, le vent et la grêle au moment de la floraison des fruitiers… Il en va toujours ainsi, toute la vie. Ils scrutent l’horizon avec inquiétude, hochent la tête et marmonnent, sans doute des paroles d’imploration, ou bien des jurons, selon qu’ils quémandent ou menacent. Quant à la nature, cette truie gloutonne et féconde, elle n’en fait qu’à sa tête. Comment dans ces conditions – je commence seulement à les comprendre – pourraient-ils consacrer du temps à apprendre l’alphabet, ou n’importe quel art excepté celui de la survie ? Ils y consacrent toutes leurs forces. Leurs pensées sont souvent mauvaises, leur humeur brusque et susceptible, leurs paroles méchantes. Comment pourrait-il en être autrement puisque ces caractères sont liés à la rudesse de la sécheresse, au vent d’orage, aux bourbiers après les inondations, aux champs gelés et aux pénibles levers matinaux, au piochage et au bêchage, au gavage des bêtes, à toutes sortes de maladies et d’épidémies ? Où trouveraient-ils cette hauteur d’âme alors qu’ils sont liés à cette terre bosselée d’où il faut arracher sa substance ? Ici, nulle trace d’opulence. Nulle trace de ces puissants seigneurs chevauchant des moreaux sauvages, comme dans nos romans, de bellâtres courant après les jeunes paysannes aux joues rouges et organisant des beuveries où ils dépenseraient leurs pièces d’or sans compter. Ici, les paysans sont rabougris et voûtés. Ils s’assoient sur des tabourets, le dos fatigué et les paumes calleuses, et boivent bruyamment l’eau-de-vie. Je commence à les comprendre.
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C’était la débâcle. Aussi longtemps que la guerre n’avait pas éclaté, il existait un certain ordre dans cet assemblage insolite et compliqué de quatre peuples confinés dans une petite cuvette, qu’on appelait les Bosniaques. Ils célébraient des fêtes différentes, mangeaient une nourriture différente, festoyaient et jeûnaient à des dates différentes et dépendaient des autres sans jamais l’avouer. Ils vivaient dans une haine latente, mais aussi dans un amour mutuel. Les musulmans avec le Ramadan, les juifs avec Pessah, les catholiques avec Noël et les orthodoxes avec leurs fêtes patronales – tous supportaient en silence et acceptaient les coutumes et l’existence des autres. Tandis que les cochons de lait tournaient sur les broches dans les maisons serbes, répandant une odeur qui faisait venir l’eau à la bouche, dans les maisons juives on mangeait de la nourriture casher, et chez les musulmans on faisait tout cuire dans du suif. Il existait une harmonie dans tout cela, bien qu’il n’y eût pas de mélange. Depuis des siècles, les odeurs se fondaient et donnaient une saveur extraordinaire à la ville. Tout était « selon les commandements de Dieu ». Cependant, il suffisait d’enlever une seule tesselle de cette mosaïque soigneusement construite pour que toute l’image se désagrège, se réduise aux morceaux dont elle était composée, et que ceux-ci s’unissent en des entités incompatibles et ennemies. Comme un marteau, la guerre avait fait sauter ce fragment et faussé l’équilibre. La guerre avait transformé les différences en haine.
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C'est par une averse et une décharge de foudre sur la croix de l'église orthodoxe que prit fin ce 28 juin 1924 pour Riki, Sarajevo et l'humanité. Riki obtient sa robe et sa moelle, Sarajevo, une croix tordue et un attentat, et l'humanité une guerre mondiale
Cette nuit-là, Buka nota : -Aujourd'hui on a eu l'impression qu'en ville, sous le mont Trebevic, une foule d'apparence insouciante et souriante, unique par sa diversité de religions, de coutumes et de langues, rafraichie par une agréable brise, flottait, insouciante, vers le temps de la mort. Cependant, sous cette apparente innocence vit un peuple différent : divisé, en général triste et désespéré, aspirant à la liberté et à l'indépendance. Il constitue un mélange à la fois de ceux qui participent à l'historie par leurs idées et leurs actes, et de ceux qui se limitent au quotidien et ne songent qu'à survivre au milieu des soubresauts de l'histoire.
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En s'enfonçant dans le sommeil au rythme du roulement du train elle voyait devant elle les yeux bleus de sa mère Esther. Ils signifiaient le foyer, la chaleur et le soutien dans les difficultés. Quand, dans le froid et l'étroitesse du monde extérieur on cherchait un refuge, quand la peur et les pleurs serraient le cœur, et que les genoux se mettaient à trembler, venait l'étreinte rassurante de maman Esther qui vous réchauffait, vous guérissait, vous attendait, vous écoutait, vous soutenait, avant de vous laisser tendrement repartir sur votre chemin.
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Nous devenons les témoins d'une époque (...) ou la vie humaine constitue le produit le moins cher sur le marché.
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