Habitué à fréquenter une librairie spécialisée jeunesse dont le travail de défrichage et de recherche de qualité lui permet d'offrir des rayonnages prouvant que la bonne littérature ne connaît aucune frontière y compris sexuelle, j'ai eu un coup de chaud l'autre jour en passant dans le rayon jeunesse d'une librairie ayant pignon sur rue dans ma ville. Toute une table couverte d'une littérature colorée allant du rose fushia au mauve/ rose, gamme chromatique variée rehaussée par endroits avec une légère touche de vert tendre pour les titres arborant en couverture quelques poneys aux crinières brushés façon L'oréal, prouvait que j'étais dans
le rayon fille. Sur cette débauche de couleurs tendres accompagnées bien souvent de paillettes, on lit des titres accrocheurs du genre :"Premier baiser" ou "Un coeur à prendre" (!!! oui, proposés à partir de 8 ans) et on s'arrache la cornée avec des couvertures aux chatons et aux chiots implorants que même le défunt calendrier des postes aurait eu honte de proposer. Je ne saurai exprimer mon état entre dégoût et colère ! C'est donc ces daubes stéréotypées à l'extrême que les libraires ont le culot de mettre en avant ? Des récits d'amourettes, de chanteuses ou de victimes de la mode pour mieux ancrer nos futures femmes dans un rôle de potiches idiotes ? Et pourquoi sexuer cette littérature à l'extrême ? Parce que la petite fille est censée lire plus que son copain garçon ?
On pourrait être en droit d'attendre de la part des libraires, gérant ce que l'on peut espérer être un des derniers endroits de culture, un peu plus de discernements, d'élagage plutôt que cette présentation mercantile et avilissante.
Du coup, je suis reparti chez mon libraire spécialisé jeunesse où j'ai voulu tester un titre ciblé fille d'un éditeur de bon aloi. le hasard m'a fait tomber sur cette nouveauté de la collection "Premier roman" de
Denis Lachaud chez
Actes Sud. Regardez la couverture, tout y est bien ciblé : les couleurs pastels, une fillette déjà fashion-victime, une boule disco, un titre sans équivoque et même le bandeau japonais qui peut attirer les amatrices de mangas ou autres japoniaiseries sucrées. Ah ! Ah! me disais-je, je sens que je vais me régaler ! Ce
Denis Lachaud va passer un mauvais quart d'heure, même si publié par un grand éditeur !
Et... heureuse surprise, ce petit roman n'est pas du tout à l'image de sa couverture. Il commence finement, sûrement pour mieux attraper la lectrice venant de la série "Violetta" , par une analyse des comportements d'une maman lors de séances de shopping avec sa fille et de l'importance de son humeur quant à l'achat d'une mini jupe. C'est suivi par quelques considérations humoristiques sur les chanteuses et leurs clips dansés. Une fois joliment évacués ces poncifs de la littérature 'fille" (que je n'aime pas cette classification !), l'histoire peut vraiment débuter. Tina, par amour d'un garçon (là aussi un classique de ces romans roses), va s'inscrire à un cours de karaté. Elle va y prendre goût, obtenir au fil des ans les diverses ceintures colorées, alors que son amour lui, a filé jouer les gymnastes. Très vite le roman, sort sérieusement des sentiers rebattus du genre, pour mieux s'inscrire dans un formidable portrait en profondeur d'une petite fille qui observe la vie et se pose des questions, des plus saugrenues et enfantines (Mes parents sont-ils agents secrets ? ) aux plus profondes ( Qu'elle est la face cachée de chacun ? ).
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