Ce roman policier nous entraîne dans une enquête « actuelle » (il se déroule à la fin des années 70, entre Tokyo et Kyoto) sur une série de meurtres non élucidés : l'assassinat, en 1936, du peintre Umezawa Heikichi et de ses six filles. le peintre n'était certes pas un brave homme : son journal, retrouvé dans la pièce close où il a été mystérieusement tué, décrivait comment il comptait assassiner ses six filles puis découper leur corps afin de reconstituer une « femme parfaite »… Il a été tué avant de pouvoir accomplir ses sinistres projets, mais ses six filles n'en ont pas moins été assassinées, et retrouvées, découpées, telles qu'il l'avait prévu dans son journal.
C'est à ce mystère, jamais résolu, que va s'attaquer le détective amateur et astrologue Kiyoshi Mitarai, accompagné par son acolyte « Watsonesque », Ishioka Kazumi, un illustrateur qui nous raconte toute l'histoire.
C'est là un livre un peu particulier. L'enquête est certes intéressante, tout comme ses protagonistes et ses rebondissements, mais sommes-nous dans un roman ou dans un texte visant ouvertement à impliquer le lecteur, une sorte de « livre dont vous êtes le héros » ?
L'auteur est loin d'être un débutant : il a écrit soixante-dix ouvrages, dont trente-deux (vingt-cinq romans et sept recueils de nouvelles) mettent en scène le détective amateur et astrologue Kiyoshi Mitarai, et quinze un policier de Tokyo, Takeshi Yoshiki. Tokyo zodiac murder (dont le titre original serait plutôt « meurtres astrologiques », ce qui fait moins vendeur, sans doute) est le seul a avoir été traduit en français, par
Daniel Hadida, qui certes maîtrise le japonais (il est interprète, travaille pour de grands groupes) mais n'est pas un spécialiste de la littérature.
Je reste dubitatif devant les multiples rappels et résumés égrenés tout le long des 420 pages, et le choix de polices de caractère parfois peu lisibles. À la fin du roman, deux « appels à la sagacité du lecteur » brisent notre capacité à entrer dans l'histoire.
C'est bien le reproche que je ferai à ce roman policier : il se présente davantage comme un livre d'énigme que comme une enquête. Pourtant, le texte est accompagné d'illustrations et de schémas bienvenus, mais une lecture attentive révèle d'étonnantes maladresses dont l'origine reste trouble : s'agit-il d'e difficultés de traduction (tant la traduction du japonais au français est une affaire d'interprétation extrêmement délicate) ou bien un effet de la rédaction particulière de ce roman, l'auteur avouant qu'il l'a complété et, en quelque sorte « ré-écrit » avant qu'il ne soit traduit à l'étranger ?
J'en donnerai deux exemples : alors que l'on nous fait remarquer avec force que le peintre Umezawa Heikichi a été assassiné dans une pièce close (son atelier), on précise l'existence d'une énigmatique « porte de derrière » qui ne serait jamais fermée, mais qui est étrangement absente du schéma de ce même atelier, p.74. Il sera plus tard encore fait référence à cette étrange porte qui, si l'on s'en tient à la description donnée dans le texte, ôte tout mystère à cet assassinat… À un moment, on apprend (p. 360) que la tête de la première victime (le peintre) a été parsemée par l'assassin de gravier et de poussière. Or, non seulement cette particularité n'est pas signalée dans la description détaillée de la scène de crime, mais elle s'oppose en fait au plan de l'assassin… On cherche en vain une logique à ce détail mentionné alors qu'il n'était non seulement en rien nécessaire, mais qu'il s'oppose à la méticulosité mainte fois louée de l'assassin…
On retrouve toutefois une atmosphère particulière propre aux polars nippons : ici point de course poursuite contre de redoutables yakusas armés jusqu'aux dents, mais une calme recherche, à la Hercule Poiroot, des coupables, lesquels se rendent sans difficulté lorsqu'ils sont démasqués…
Toutefois, malgré la préface de sept pages de
Roland Lacourbe, spécialiste du genre policier, qui nous présente l'auteur, et l'entretien d'une dizaine de pages avec ce dernier, admirateur de
Conan Doyle, on peine à décrire ce roman comme un excellent, ou même un bon policier : c'est un livre très moyen, accumulant les redites, et dont la rédaction peut laisser sur sa faim.