Mal: Est-on seul coupable de ses crimes ?

Alexandre. Voilà notre antihéros. Alexandre, qui lors d'une partie de pêche accompagné d'un camarade, va voir une incroyable force destructrice le mener à étrangler son ami.
L'étranglé en réchappe in extremis, mais que faire de ce jeune Alexandre, n'étant encore qu'un enfant aux yeux de la loi ? Les spécialistes s'en emparent à grand renfort d'expériences et d'analyses. le verdict tombe . Alexandre serait pourvu du gène du Mal. Il serait donc né mauvais, avec cette mauvaise graine assimilée à son organisme.

Alors sous traitement, suivi scrupuleusement au sein d'un centre hospitalier, les médecins et les psychiatres sont ébahis par les progrès d'Alexandre. Son écoute, son empathie, son rapport aux autres, tout semble rentrer dans l'ordre. Son traitement est clairement efficace. Les spécialistes sont alors formels, Alexandre est prêt à retrouver une vie normale et à réintégrer la société.

Travail, vie amoureuse, paternité, Alexandre accède enfin à tout ce que le commun des mortels expérimente depuis la nuit des temps.

Désormais bien établi dans la société, Alexandre va-t-il réussir à déjouer tous les pièges du quotidien et de la vie en communauté ? Carrière, habitudes, collègues de travail, vie de famille, train-train quotidien, ses pulsions de violence vont-elles tenter de se créer un chemin dans cette nouvelle existence paisible ? Son enfant peut-il hériter de ce gène du mal ?

La construction du livre est très intelligente et extrêmement addictive. On oscille d'un chapitre à l'autre, passant du récit de l'expérience de vie d'Alexandre, à un récit très particulier, décrivant la vie propre menée par les « cellules du Mal » coexistant dans le corps d'Alexandre. Leur organisation est décrite telle une armée mettant tout en oeuvre pour mener leur hôte à la violence.

Plongés dans une dystopie extrêmement effrayante et indécente où le pouvoir a été donné à l'extrême-droite, ce futur qui semble si proche est vraiment terrifiant. La société ne comporte plus qu'une immense majorité de moutons imbéciles ayant cru à des promesses fumeuses et inhumaines.

Denis Lafay signe un ouvrage d'une intelligence rare. le vocabulaire est tout simplement exquis. La forme autant que le fond sont savamment orchestrés pour nous accompagner à travers le destin de cet antihéros en qui certains croiront, d'autres pas, mais qui ne pourra laisser personne indifférent.

Philosophie, psychologie, médecine, politique, sociologie, rien n'est laissé au hasard. Toutes les strates de notre société sont passées au crible pour mieux comprendre et appréhender ce fameux gène du Mal qui possède absolument tout pour nous terroriser. Car cela signifie que nous pouvons tous l'avoir en nous et qu'il suffirait peut-être d'un détail infime, d'une stimulation de trop pour nous transformer en assassin…