Le sentiment d'être coupé est très particulier : il n'a rien à voir avec se sentir fermé ; ni, non plus, avec se sentir isolé, ou ressentir de la nostalgie pour un amour perdu ou absent. Quand quelqu'un nous dit qu'il lui faut tenir les gens à distance, on sait qu'il n'est pas "coupé". L'individu "coupé" n'a pas besoin de garder ses distances. Il n'a aucune possibilité d'intimité, pas plus qu'il ne craint de se perdre dans l'autre. Il n'y a pas, là, de spire où se prendre.. On n'est jamais plus tranquille que seul. Tous les autres sont de l'autre côté. on ne sent aucun courant, aucun échange, rien qui franchisse l'irrémédiable, l'irrévocable frontière.
... Freud affirme que notre mystérieuse vie d'avant la naissance est le fondement le plus profond de la croyance en une vie après la mort. Ceci semblerait impliquer qu'une mystérieuse mais bien réelle vie prénatale soi le fondement du fantasme d'une mystérieuse vie avant la naissance, ainsi que des fantasmes et croyances projetées sur la vie après la mort. Mais peut-être a-t-il supposé que tout personne raisonnable tiendrait pour acquis qu'il tenait pour absolument non prouvée, très invraisemblable et tout fait incroyable toute théorie selon laquelle telle ou telle expérience survenue au cours de la vie avant la naissance pourrait par la suite nous marquer, ou être le fondement de nos croyances en une vie après la mort.
La quatrième de couverture dépeint plutôt correctement le contenu du livre. Je n'en ferai donc pas un résumé peu utile.
Cet essai se présente sous forme d'une sorte de dialogue. Laing propose des expériences qu'il a lui-même expérimentées ou recensées, des expériences limites ou hors limites, qui font vaciller les scientifiques, les rendent perplexes, font briser des théories, remettent les concepts en question, voire l'être humain et l'univers... Je parle d'un dialogue car à chaque fois Laing réfléchit ces expériences, à l'aide d'une série choisie (qui n'est pas exhaustive, dit-il) de pensées, idées, théories, cultures, religions, spiritualités, et n'arrive au final à... rien. Si ce n'est à un paradoxe définitivement impossible à résoudre. S'il faut le résoudre. J'oublie de dire que Laing tentant de définir le terme même d'"expérience" s'embarque déjà dans ce paradoxe insoluble.
Ce livre énervera les scientistes, matérialiste pur jus, réjouira les tenants de plus de mysticismes ainsi que ceux pour qui les étiquettes diagnostiques ont tendance à rendre malade par leur côté réducteur et cloisonnant.
Aucune séparation n'existe entre tout, une illusion qui nous y fait croire et croire en notre existence est là, nécessité sans doute. L'expliquer est cette belle affaire dont les chercheurs ont à coeur, les autres, ils vivent, ils vivent l'expérience, la leur.
Ce livre est d'une lecture ardue. Bibliographie épaisse en fin d'ouvrage.
A la naissance, un bébé a autant de neurones que nous, peut-être plus ; il peut, dans le processus, en perdre quelques-uns. Qui sait de quoi le cerveau d'un bébé est capable ? Si on le considère avec nos préjugés d'adultes, non ne verra qu'un cerveau qui, d'il était celui d'un adulte ou même d'un enfant, serait le cerveau d'un idiot ataxique. Et c'est ainsi que bien des gens voient encore les bébés, comme des espèces d'idiots ataxiques.
Son premier analyste s'était demandé si elle n'était pas hystérique. Son second analyste l'avait déclarée atteinte d'une névrose obsessionnelle grave avec oscillations maniaco-dépressive. Kraepelin lui-même s'était borné à diagnostiquer une mélancolie. L'autre psychiatre ne put découvrir qu'une psychasthénie. Seuls Binswanger et Bleuler, dans leur vision supérieure, purent voir la vérité que révélait sa Gestalt : la schizophrénie.
Pour Bleuler, dernière autorité en matière d'un diagnostic qu'il avait lui-même inventé, le diagnostic ne faisait aucun doute. L'affaire était réglée.