Lire le livre de
Hans-Joachim Lang, c'est aller à la rencontre de 86 personnes dont la vie a tourné au drame à cause d'une idéologie fanatique et scientifiquement totalement erronée.
Lire ce livre, c'est aussi réaliser les horreurs dont sont capables les hommes sous l'influence de cette même idéologie extrême.
Mais lire ce livre, c'est surtout découvrir la vie de ces 86 personnes, qui grâce à
Hans-Joachim Lang ont retrouvé leur identité plus de 70 ans après avoir disparues!
En effet, l'auteur, homme persévérant, a mené une incroyable enquête pour identifier les corps des victimes retrouvées à l'institut d'anatomie de Strasbourg en 1944, refusant de les abandonner à l'oubli éternel voulu par les nazis.
Pour y parvenir, il a réalisé un vrai travail de fourmi, exigeant et minutieux en recoupant de nombreuses archives (Washington (USA), Auschwitz (Pologne), Yad Vashem (Jérusalem). Cela lui a permit -après une dizaine d'années de recherches- d'identifier ces personnes, de retrouver leur pays d'origine, et de leur redonner un souffle de vie -avec l'aide des familles- en écrivant leur vie dans : "Des noms derrière des numéros".
Car, oui, le premier objectif de ce livre, c'est bien cela : découvrir la vie de ces personnes, restées dans l'oubli bien trop longtemps et considérées comme "disparues à Auschwitz" par leurs familles.
D'ailleurs, quand l'auteur est allé à la rencontre des familles pour leur révéler ce qui était advenu de leur proche, il craignait un peu leurs réactions, il avait peur de rouvrit des blessures du passé. En réalité, il a été très bien accueilli. En effet, comment rouvrir une blessure qui n'a jamais été fermée?
Plus j'avance dans mes lectures et le visionnage de documentaires sur cette période noire de l'Histoire, plus je ne crois plus en RIEN - sauf en l'existence du Mal absolu! Heureusement
Hans-Joachim Lang a mené ce travail d'identification, ce qui me laisse entrevoir une lueur d'humanité bienveillante. le focus n'est pas mit sur les bourreaux mais sur la vie de ces existences brisées. Alors, 86 fois MERCI à lui, et 86 fois MERCI à Babelio ainsi qu'aux Presses Universitaires de Strasbourg de m'avoir fait l'honneur de lire ce livre d'enquête exceptionnel, indispensable pour permettre aux (sur)vivants de panser leurs plaies,de mettre en lumière la vie de ces existences brisées et enfin de faire connaître cet "épisode" encore peu connu de notre histoire.
Pour connaître plus de détail de cette incroyable enquête, vous pouvez lire ce qui suit :
A la base de cette enquête : l'Ahnenerbe , centre de recherche scientifique créé par la SS en 1935 dont le but à l'origine était de découvrir et diffuser des preuves archéologiques des ancêtres Allemands. Pour eux, la race aryenne est la race supérieure, dont tous les autres peuples descendent par métissage et sont donc inférieurs.
Puis, une fois la guerre déclenchée, l'Ahnenerbe va mener des expériences scientifiques sur des humains pour de prétendues «études raciales». Car en effet, les nazis croient en l'existence de races qu'il serait possible de reconnaître grâce à des spécificités physiques.
Les camps de concentration constituent alors un vivier humain pour les chercheurs allemands qui y voient une occasion unique de mener des expériences et de créer une collection d'anatomie complète des races (coupes, cranes, squelettes), dont celle des juifs, considérée comme inférieure, et destinée à disparaître avec la mise en oeuvre de la solution finale. Pour créer un musée de la race disparue, la science nazie va alors cautionner la mort en laboratoire.
Après nous avoir présenté ces 86 personnes, l'auteur raconte ce qui s'est passé pour elles en 1943.
Ils ont été déportés puis sélectionnés par des anthropologues à Auschwitz, qui leur ont fait subir tout un tas de mesures physiques, ainsi que des prises de sang... Puis, pour ne pas "abîmer" les corps, les "scientifiques" décident de les transférer (le 30 juillet 1943) au camp de Natzweiler-Struthof (en France occupée) où ils seront gazés (en août 1943).
Enfin, les corps des victimes ainsi assassinées, rejoindront les sous-sols de l'Université de Strasbourg où oeuvre le "fameux" professeur Hirt chargé de constituer la collection du futur musée.
Novembre 44, c'est la libération de Strasbourg et c'est avec horreur que les américains découvrent dans les réserves de l'institution d'anatomie de Strasbourg les corps encore -pour partie- conservés dans des cuves. Si en 1946/47,des médecins allemands sont jugés et condamnés pour les expériences qu'ils ont mené pendant la guerre, beaucoup manquent à l'appel (fuites, suicides...). Les victimes, elles, uniquement identifiées par leur matricule restent sans nom, sans identités, pendant plus de 70 ans, les allemands ayant bien pris soin de détruire un maximum de documents permettant de les identifier.
Commence alors en 1995 (!!!)le long (et formidable) travail de
Hans-Joachim Lang pour finalement leur restituer noms et vie. L'enquête est très intéressante et les recoupements de tous les documents qu'il a consulé et dont les sources viennent d'Amérique, Pologne et Jérusalem mettent en évidence l'immense détermination de
Hans-Joachim Lang à sortir ces 86 personnes de l'oubli.
Merci pour eux, et pour ma part, sachez que j'ai été heureuse de les rencontrer (dans de bien tristes circonstances!).