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EAN : 9782251454351
336 pages
Les Belles Lettres (05/05/2023)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Une guerre ignorée fait rage au Yémen depuis 2015. Dévastant le pays, elle a poussé à l'exil des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants qui ont fui dans la cité-Etat de Djibouti, longtemps pré carré de la France en mer Rouge. Alexandre Lauret a recueilli les témoignages d'une centaine de ces réfugiés au camp Markazi d'Obock, au nord de Djibouti, entre 2018 et 2020. Mémoires de la guerre, ils forment le premier récit sur ce conflit qui oppose les puissances en dev... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
La guerre et l'exil met en lumière un conflit oublié. Il ne s'agit pas de géopolitique, d'un retour sur l'échec de l'armée saoudienne. Au contraire, la guerre est vue uniquement à travers les yeux des yéménites, et pas n'importe lesquels, les réfugiés. Ils ne font pas de propagande pour un camp ou un autre, mais témoignent du gâchis humain, de la violence, des conditions d'accueil à Djibouti, de la société yéménite et ses limites.

Les récits sont nombreux et courts, entre une et quatre pages chacun. Cela donne une certaine dynamique même si on aimerait parfois se plonger davantage dans les histoires individuelles.

Ensemble, ils mettent en lumière la culture yéménite : son adoration des armes (poignards), sa faible instruction, sa consommation complètement banalisée de khat (des plantes à mâcher ayant des effets proches des amphétamines), la corruption des élites ou encore son patriarcat extrêmement pesant. Les critiques que font certains réfugiés de cette culture sont en accord avec notre vision occidentale. On peut retenir cet ancien avocat qui dénonce le goût pour la vengeance au détriment de l'état de droit, ce père de famille qui est abasourdi par le fait qu'aucun médecin n'accepte de certifier que sa fille de 9 ans a été violée (le viol n'existe pas selon eux...), cette femme qui dénonce des violences conjugales et s'inquiète que ses fils finissent par trouver cela normal...

Facile d'accès et rapide à lire, on retient de cet ouvrage des histoires de guerre glaçantes, de l'empathie pour des réfugiés à la recherche d'un travail, d'une meilleure vie, qui attendent dans un camp désertique et stérile, frappé inlassablement par le vent et le sable, et un sentiment d'impuissance et de gâchis. Nous avons vraiment de la chance d'être né et d'avoir grandi dans un pays en paix.
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Ce livre n'est pas un livre d'histoire, ni de géopolitique.
Il regroupe des témoignages de réfugiés yemenites ayant fui la guerre de leur pays, se rendant à Djibouti, où des milliers d'entre eux vont se retrouver au camp de Markazi, en plein désert.

Alexandre Lauret est anthropologue. Apres cette lecture, je me dis que j'ai appris énormément de choses sur la vie de réfugiés, du point de vue humain, et non pas avec un livre retraçant "froidement" ce qui se passe au Yemen. Je pense réitérer la lecture de témoignages, qui apporte beaucoup d'emotions et d'humanité.

Car en effet, je ressors très émue de ma lecture.

Déjà je vais etre honnête, avant ce livre, je ne savais pas placer le Yemen sur une carte. Je savais que ce pays vivait une guerre, mais je ne savais pas les forces en jeu.

Bravo à l'auteur qui a su donner la parole aux réfugiés durant 5 années, sans jugement et avec bienveillance.

Le Yemen avant la guerre est depeint par les réfugiés, avec nostalgie souvent. le pays connaissait déjà des tensions nord /sud depuis sa réunification. Et ce chiffre: le Yemen est le second pays apres les US concernant le nombre d'armes par habitant...

Des images qui me reviennent: des familles séparées lors de l'embarquement sur un bateau pour tenter de fuir le pays. Des enfants recrutés pour combattre et se tuant entre eux. Des mères partant chercher leur enfant à l'école et au retour retrouvent leur maison bombardée...

La vie au camp à Obock, en pleine chaleur et dans le sable du désert. Les ONG et diverses associations humanitaires qui semblent profiter de la situation. Une ecole au camp avec des professeurs non qualifiés.
Les distributions mensuelles de riz, sucre, huile... autants de produits revendus par les réfugiés aux commerces de djibouti pour un peu de monnaie.
Les 2,5 euros mensuels (!) donnes par les ONG à chaque réfugié.
Les mariages dans le camps avec des jeunes filles...

Et après le camp, quelle vie espérer ? Certains préfèrent retourner au Yemen que de vivre comme des animaux dans un camp. D'autres tentent une nouvelle vie...

Je conseille cette lecture, bien entendu.

Merci à la masse critique de Babelio et aux éditions "Les belles lettres" pour ce livre si émouvant. Merci à Alexandre Lauret pour son travail. La guerre du Yemen est une guerre ignorée, ce livre sert de mémoire pour ne jamais oublier.
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Alexandre Lauret nous propose avec cet ouvrage un riche recueil de témoignages de réfugiés yéménites à Djibouti, dans le camp Markazi d'Obock. Loin des clichés d'une population affamée et prise entre les feux des Houthis et des Saoudiens, on découvre les différents profils de ceux qui fuirent la guerre.

Ce qui frappe tout d'abord, ce sont les énormes inégalités qui touchaient la population yéménite avant la guerre : très riches contre très pauvres, urbains contre ruraux, Yéménites aux ancêtres prophètes contre enfants de mariage mixte, Yéménites à la peau brune contre Yéménites à la peau noire...L'auteur nous fait rencontrer anciens avocats, anciens soldats de l'armée régulière, mais aussi épiciers ou encore pêcheurs, qui finissent tous au camp de Markazi, presqu'égaux. Tous ont en commun une nostalgie immense du Yémen, et tous redoutent que la guerre ne s'arrête jamais, la société yéménite étant ancrée dans la tradition de vengeance et d'honneur. Les récits de combat de rue et d'armement d'enfants qui "jouent" à la guerre à balles réelles sont attristants, tout comme le drôle de ballet entre ONG : les rations du programme alimentaire mondial conviennent si peu aux réfugiés que ces derniers les revendent, jusqu'à pour certains monter un vrai business, tandis que les Saoudiens alternent entre construction de bungalow et primes au retour.

Une lecture des plus déprimantes donc, mais qui donne une vision plus humaine des réfugiés yéménites que l'on perçoit trop comme une masse indifférenciée, et qui a le mérite de présenter une société multiple, aux mêmes problèmes que dans tous les pays : racisme, violence envers les femmes, injustices, corruption...
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critiques presse (1)
LeMonde
26 juin 2023
De 2015, année du début de l’invasion du Yémen par l’Arabie saoudite et ses alliés, à 2020, qui voit le conflit s’enliser et la crise humanitaire qu’il a provoquée continuer ses ravages – l’ONU, l’année suivante, dénombrera un total de 250 000 morts –, le géographe et anthropologue Alexandre Lauret a recueilli de très nombreux témoignages dans le camp de réfugiés de Markazi, au nord de Djibouti.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Quand on voyage, même en tant que réfugié, on découvre d'autres pays et on se rend compte surtout de beaucoup de choses sur notre société d'origine. Il y a même certaines choses qui nous sautent aux yeux, on ne les voyait pas forcément ou on les trouvait normales et maintenant, cela nous choque. Au Yémen, ce qui intéresse les gens, ce sont les armes. Tous les hommes ont leur poignard, c'est notre honneur ! On a aussi des sabres, des pistolets, des fusils d'assaut, des AK-47. La société en était remplie, nous avions tous des armes ! [...]
Quel pays fait ça ? Quel pays est fier d'avoir des gens armés partout dans les rues ? Cette guerre, fallait qu'elle éclate, on avait trop d'armes et on voulait s'en servir.
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Je vais te dire ce qu'il se passe: les Saoudiens veulent qu'on rentre tous au Yémen. Ils veulent effacer le camp de réfugiés car c'est une tache pour eux, une tache dans leur guerre. Ils veulent que la guerre soit propre, mais comment une guerre peut-elle être propre ? Ils ont tout fait pour bloquer les actualités sur la guerre au Yémen, mais les camps de réfugiés restent. Cela les gêne. C'est comme une marque que l'on ne peut pas effacer, qu'ils ne peuvent pas effacer, même avec leur argent. Il y aura toujours des journalistes qui viendront pour dire ce qu'il se passe, pour qu'on raconte.

Nous, on restera. On continuera de vivre ici. C'est devenu un combat politique de rester ici, de faire voir aux gens qui viennent que le camp existe toujours, qu'on nous a bombardés, qu'on nous a envoyés ici, mourir dans le désert. Il faut que les gens sachent que la guerre au Yémen existe toujours et qu'elle laisse des traces en dehors du Yémen.
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En six mois, les Saoudiens ont détruit toute la côte ouest du Yémen. Ils cherchaient les Houthis, mais je pense qu'ils ne les ont pas vraiment cherchés. Ils s'amusaient tout simplement à tout détruire, nos villes et nos vies. Un jour, on a entendu à la télévision qu'un général saoudien disait qu'ils allaient tout détruire, qu'il allait détruire le Yémen pour tuer tous les Houthis. C'était un fou! On le voyait à ses yeux quand il parlait! On le voyait à ses paroles. Mais le problème, c'est que ce fou, il était général et commandait les avions! Il était vraiment capable de tout détruire, pour quelques malheureux rebelles dans les montagnes.
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Je me demande toujours quelle est la définition d'un réfugié. C'est normalement celui qui quitte son pays, qui s'est enfui et qui n'y retourne plus. Mais ici, les réfugiés partent, ils rentrent au Yémen quand ils veulent, ils reviennent quand cela leur plaît. Durant l'été, il n'y a plus personne au camp. Beaucoup retournent au Yémen ou vont à Djibouti pour se retrouver au frais. Ils ne sont là que le reste de l'année car ils n'ont pas besoin de payer un loyer pour leur tente et on leur donne des rations qu'ils revendent.
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Mais j'étais forte, plus forte que lui. Je suis allée voir le cadi pour le divorce. Le cadi, quel lâche, m'a dit: «C'est bon, il faut que tu rentres avec ton mari, car ton mari t'aime». Il m'a dit ça ! Je suis retournée voir le cadi, je me suis aspergée d'essence, un demi-litre avec des allumettes dans la main. J'ai dit: « Vous voulez que je rentre chez moi avec lui? Je me brûle ici ! Dans ton bureau! Je me tue et je tue l'enfant, le feu brûlera ce qu'il y a dans la pièce, tes Corans. Et tous les problèmes, cadi, seront à cause de toi ! et tu devras le justifier devant Allah!». Il a tout de suite paniqué! Oh tu aurais vu son visage, avec l'essence et les allumettes, « non, non, non, je ne vais pas accepter ça ! La femme ne veut pas de toi ! » qu'il a dit à mon mari. Il lui a demandé: « Pourquoi tu ne divorces pas en premier comme ça tu gardes ton honneur?». Mon mari a accepté mais il voulait que je lui rembourse la dot et tout l'argent du mariage, les cadeaux, et l'or qu'il a donné à ma famille. Je lui ai dit que je l'emmerdais: «D'accord et tu me rends vierge comme j'étais, jeune comme j'étais et je te rembourse la dot!».
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Video de Alexandre Lauret (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Alexandre Lauret
En librairie le 5 mai 2023.
Alexandre Lauret a interrogé une centaine de réfugiés yéménites au camp Markazi d'Obock, au nord de Djibouti, face au Yémen. Ces hommes et ces femmes ont été chassés par la guerre qui a débuté dans leur pays en 2015, conflit largement oublié qui oppose les puissances en devenir de la région, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l'Iran. Ce livre est leur histoire racontée par eux-mêmes.
Pour en savoir plus : https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251454351/la-guerre-et-l-exil
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