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EAN : 9782918823025
191 pages
Turquoise Editions (16/04/2014)
3.33/5   3 notes
Résumé :
Des guerres oubliées… Les guerres des Balkans…

Pourtant, juste à la veille du premier conflit mondial, elles ont été une épreuve redoutable et ont eu un impact certain dans le déclin de l’Empire ottoman. Les guerres des Balkans sonnent le glas à l’emprise d’un Empire déjà confronté à une véritable poudrière dans la région.

En octobre 1912, les peuples des Balkans se soulevèrent contre la domination ottomane. La Grèce, la Bulgarie, la Se... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Paru la première fois en 1913 ce livre dont l'auteur était journaliste et rédacteur en chef du Matin, un quotidien qui parut de 1883 à 1944, bruisse des murmures de toutes les mémoires de l'Empire ottoman et de ses vassaux européens des Balkans. Ses sources journalistiques documentées et sa forme littéraire qui rend la lecture attrayante renvoient l'écho du début de la première guerre balkanique, il y en aura deux, qui opposa d'octobre 1912 à mai 1913 une ligue constituée par le Montenegro, la Bulgarie, la Serbie et la Grèce à l'Empire ottoman et fit perdre à ce dernier tous ses territoires européens (traité de Londres du 30 mai 1913). L'introduction du sujet par l'historienne Odile Moreau n'est pas négligeable. Elle éclaire très utilement le lecteur – sur le contexte politique et militaire de ce moment d'histoire turque et européenne si particulier –, avant son immersion dans la « chronique d'une mort annoncée » (de l'Empire ottoman) au moyen d'un témoignage sur une guerre que le souvenir plus prégnant de la « Grande » a sans doute contribué à occulter, comme il est justement souligné. Chronologie, glossaire et courtes biographies des principaux acteurs en présence ainsi que plusieurs cartes et de nombreuses reproductions tirées de la revue "L'illustration" (1912) complètent avantageusement la lecture. La forme d'un livre m'importe celle-ci est parfaite, à la vue et au toucher.

C'est à bord de l'Orient-express le 15 octobre 1912 que Lauzanne fait débuter son écrit d'une plume déliée. Comme lui et le collaborateur qui l'accompagne une cohorte de fonctionnaires, diplomates et correspondants de guerre embarquent à destination de Constantinople, via Constantza, où ils seront trois jours plus tard, pour atteindre le théâtre des opérations et couvrir les événements. La Bulgarie a adressé un ultimatum au gouvernement des Jeunes-Turcs en place depuis 1908 et tandis qu'on mobilise dans les Balkans le fameux train s'ébranle sur fond de spéculations à propos d'une autre guerre à peine achevée entre les Turcs et l'Italie qui avait envahi la Tripolitaine (Afrique du nord) en 1911. le journaliste installé dans un hôtel de Pera prend contact dès l'arrivée avec les autorités locales (il est reçu à l'ambassade de France mais aussi par le ministre des Affaires étrangères turc et celui de la guerre ; plus tard il rencontre le futur chef du gouvernement provisoire d'Albanie) et s'accorde même le temps d'une visite à Sainte Sophie avant de dresser le tableau des stratégies politico-militaires turques et d'évoquer les premiers mouvements de troupes, le passage de quinze mille hommes d'Asie en Europe, ainsi que les premiers engagements militaires, fin octobre, à Kirklisi. Informations soumises à la censure, désinformations s'enchaînent ou se succèdent dans l'ambiance cosmopolite et de presque indifférence de Constantinople notée par l'auteur.

Mais au contact de l'armée bulgare, l'armée ottomane soumise à réorganisation par les Jeunes-Turcs est vite, et contre toute attente, en difficulté. Kirklisi est une sévère déroute. Lauzanne visite alors des camps militaires, se rend aussi en voiture avec un officier en direction d'un second terrain d'opérations qui fera date dans le déroulé de l'Histoire, à Lüleburgaz. Nouvelle débâcle pour les Turcs. La « Turquie d'Europe se vide » : villages désertés, Lauzanne croise des colonnes de réfugiés affamées fuyant la Thrace orientale ou de soldats refluant pour franchir le Bosphore. Civils et blessés échouent à Constantinople dont il visite l'hôpital français. C'est la débandade, certains des membres du gouvernement quittent la ville. Des navires internationaux chargés de troupes prêtes à l'occuper sont au large.

Le commentaire très présent permet de se retremper à certains points de vue de l'époque. Donneur de leçons Lauzanne se fait acide envers l'Allemagne mise en cause dans ces deux debâcles puisque censée avoir conseillé le gouvernement turc et appuyé stratégie et logistique militaire ; ironique sur la Grèce férocement égratignée pour le comportement de ses soldats et sur la libération de Salonique (lieu d'exil du sultan Abdülhamit II déposé en 1909), critiquée par l'allié bulgare - la ville s'est rendue sans combat. Préfigurant le deuxième conflit balkanique les dissensions qui se font jour entre les alliés de la ligue (sur le sort de la Macédoine notamment), sont pointées. Glorification des canons (Le Creusot contre Krupp) et Cocoricos divers sur la langue et la culture française émaillent des lignes aux accents cocardiers datés un tantinet « troisième république ». Après deux déroutes, quarante kilomètres de montagnes et leur résistance retrouvée, les Turcs juguleront l'avance bulgare à Tchataldja aux portes de Constantinople. Lorsque Lauzanne, après quarante jours passés au chevet de « L'homme malade » (métaphore préférée des chancelleries) songe déjà à son retour, mi-novembre, les troupes internationales de neuf pays viennent de poser le pied dans Constantinople étonnée.

Intérêt historique et documentaire indéniable, en ces temps de commémoration de Première guerre mondiale, d'une publication concernant un conflit « aux marges » et cependant puissant revélateur de l'héritage historique commun aux peuples d'Europe et d'Orient, dont je remercie personnellement les éditions Turquoise et Babelio bien sûr.

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Pour mieux comprendre l'histoire des nations du XXIè siècle, il faut savoir se tourner en arrière. Comme les conflits du Moyen-Orient, ceux qui se sont déroulés dans les Balkans lors du démantèlement de la Yougoslavie et même ceux qui ensanglantent aujourd'hui l'Irak, la Syrie, le Yémen, l'Afghanistan, sont à déchiffrer à la lueur de traités et de guerres menées il y a un siècle.
Nous voici donc en 1912. La Révolution industrielle et le colonialisme ont enrichi l'Europe de l'Ouest. Anglais, Français et Allemands dirigent l'économie et la politique internationales. Ils guettent attentivement ce qui se passe à l'Est: les signes de l'effondrement prochain de l'Empire Ottoman, qui sera bientôt suivi, en 1917, de celui de l'Empire de la Sainte Russie. Pour l'instant, les Turcs, qui ont fait trembler l'Europe pendant des siècles, sont encore maitres d'un grand territoire conquis autour de la Méditerranée. Ils sont alliés avec les Allemands, qui leur fournissent des armes et forment officiers et stratèges. Mais leur gouvernement s'est affaibli, et un vent de revanche attise le nationalisme des Grecs, des Bulgares, des Serbes et des Monténégrins. le soulèvement populaire devient une alliance, la Ligue Balkanique, qui va précipiter la chute de "l'Homme malade" et déstabiliser durablement les forces en présence.
Stéphane Lauzanne, correspondant de guerre, témoigne de la situation, analyse et commente depuis son observatoire à Constantinople, les soubresauts d'un Empire cosmopolite, aux soldats mal préparés et aux dirigeants dépassés par la débâcle.
Il ne se prive pas de tacler copieusement au passage le baron de Wangenheim, ambassadeur d'Allemagne à Istanbul, qui refuse de reconnaitre la responsabilité de l'Allemagne dans cette défaite; il ne s'imagine pas que deux ans plus tard, les troupes allemandes infligeront de lourdes pertes à la France.
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Lors du Congrès de Berlin (1878) des « diplomates » européens ont imposé de nouvelles frontières aux pays balkaniques. Ces décisions n'ayant guère plu aux principaux pays concernés, la péninsule sera le théâtre de deux guerres successives qui seront suivies par la première guerre mondiale. Ainsi, en octobre 1912, la Bulgarie, la Serbie, la Grèce et le Montenegro sont entrés en guerre contre un Empire Ottoman affaiblit.
Dans ce livre, Stéphane Lauzanne décrit son voyage en tant que correspondant de guerre français au sein de la capitale de l'Empire Ottoman : Constantinople (connue plus tard sous le nom d'Istanbul). Il nous rapporte ses entretiens avec plusieurs ministres ottomans, avec les soldats où il s'est préoccupé de leur moral, de leur santé…
Ce livre n'est pas un cours d'histoire, c'est un témoignage, un reportage qui nous éclaire sur le vécu de cette guerre par les principaux protagonistes qu'ils soient ministres, soldats ou habitants de Constantinople.
Odile Moreau, Maître de conférences à l'université de Montpellier III, spécialiste de l'empire Ottoman nous rappelle en préambule le contexte des guerres balkaniques et évoque la révolution jeune-turque. Elle nous indique aussi que l'auteur en tant qu'européen porte à certains moments un regard assez condescendant sur l'Empire Ottoman.
Je trouve que cet exemple où il s'adresse à des soldats de l'empire ottoman est saisissant :
« Est-ce que ces femmes vous soignent bien ? »
Les figures crispées se détendirent et un murmure de remerciement courut le long des lits.
« Oh oui ! Elles nous soignent bien ! »
L'un d'eux, qui devait être le chef des autres, ajouta :
« Ni notre père, ni notre mère ne nous soigneraient mieux.
-Eh bien, leur dis-je, quand vous retournerez là-bas, dans vos montagnes, dites que ces femmes qui vous ont soignés, comme l'aurait pas fait votre mère, venaient de France. Répétez tous maintenant le mot France. »
Mis à part ce regard condescendant qui m'a quelques fois gêné, ça reste un témoignage très instructif et plaisant à lire.
Le livre en lui-même est très joli. Il y a des illustrations sur les pages de couverture : un camp de prisonniers turcs (l'illustration, 2 novembre 2012) et des paysans turcs fuyant vers Constantinople (Petit Journal, 24 novembre 1912).
Comme toujours avec les éditions turquoise, on retrouve à la fin plusieurs documents nous permettant de compléter notre lecture : un glossaire, des biographies, une chronologie, des cartes et de nombreuses photos.
Un grand merci à la maison d'édition turquoise pour l'envoi du livre et la jolie dédicace ainsi qu'à Babelio pour l'organisation de la masse critique.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
"C'est bizarre, ces guerres modernes. On a perfectionné à un point invraisemblable les engins de destruction, et malgré tout, certains de ces engins détruisent moins qu'autrefois.
"Les balles font des progrès même au point de vue de l'hygiène. Elles sont échauffées par la déflagration de la poudre qu'elles deviennent aseptiques. Quand elles entrent dans le corps, elles n'entraînent plus avec elles aucun microbe. Et puis, elles sont aujourd'hui en acier, et l'acier est infiniment préférable au plomb. Il ne se déforme pas et n'entraîne pas avec lui des fragments d'étoffe ou des corps étrangers.
"En conséquence, mon cher monsieur, vous pouvez être traversé par une balle ; si elle n'atteint aucun organe essentiel et si vous n'êtes pas mort dans trois heures, vous avez quatre-vingt-quinze chances sur cent d'être guéri dans huit jours. Tenez, venez plutôt voir !"
[...]
"Ah ! oui, avoue le jeune chirurgien, celui-là infirme ma théorie. C'est que la balle l'a atteint en plein dans l'humérus, et alors, c'est un éclatement de toute l'ossature, c'est une bouillie de tout le membre.
Une ombre passe sur la figure du docteur Lacombe, et tout bas il murmure :
"On a beau faire, c'est une sacrée chose tout de même que la guerre !"
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Un après-midi, tandis qu'il se trouvait dans le salon, le baron von Wangenheim, ambassadeur d'Allemagne à Constantinople, élevant la voix, déclara tout net:
"si les soldats turcs avaient eu du pain, ils seraient à cette heure à Sofia."
Le baron von Wangenheim oubliait évidemment que si les soldats turcs n'avaient pas eu de pain, la faute en incombait à l'intendance défectueuse, et que si l'intendance était défectueuse, la faute en incombait à ceux qui avaient mission de réorganiser l'armée ottomane, c'est à dire l'Allemagne.
......L'Allemagne, depuis vingt ans, a instruit l'armée turque. Or , l'Allemagne n'a pas compris que la méthode d'instruction doit être appropriée à la tradition d'un peuple, comme la semence doit être appropriée à la terre qu'on veut fertiliser. Le soldat turc est brave, mais lourd.
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L'ambassade de France occupe à Constantinople un emplacement qui est comme le reflet exact de la diplomatie française en Turquie : c'est un palais aimable, souriant, d'accès difficile et embrouillé, d'allure générale modeste et timide, avec d'un côté, la plus magnifique échappée de vue possible sur l'horizon, avec de l'autre, de hautes bâtisses tristes et sales qui l'enserrent et l'étouffent. Pour arriver à ses jardins clairs et gracieux, il faut ou bien descendre par une grimpette étroite et obscure, où on manque de se casser le cou, ou bien parcourir une rue qui est peut-être fort galante, mais dont l'excès de galanterie nous oblige en passant à fermer les yeux. Il paraît qu'il aurait suffi d'un très petit effort - deux cent mille francs, une bagatelle! - pour rendre la grimpette carrossable et digne de la France ; mais le Quai d'Orsay s'est déclaré incapable d'un pareil effort, comme, hélas! de beaucoup d'autres. Et il faudra, pendant de longues années encore, deviner où réside notre ambassade, comme il faut deviner où se fait sentir notre diplomatie en Orient.
Chapitre II, L'après-midi d'un journaliste, p. 39
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1 700 ! Le chiffre nous donnait à penser, et nous faisions, dans le wagon, des règles de trois. Si 1 700 Turcs ont tenu en échec 100 000 Italiens, combien faudra-t-il de Turcs pour battre 200 000 Bulgares ?... Hélas ! La guerre est bien de toutes choses celle qui est la plus éloignée de l'arithmétique !...
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Les populations civiles étaient centrales dans cette guerre des Balkans. Elles furent l'un des enjeux et parfois les otages de ce conflit. On peut parler de véritable catastrophe humanitaire, au vu du nombre de morts et de blessés s'élevant à près de 380 000, auxquels s'ajoute le considérable effectif d'exilés. Les populations civiles furent en effet contraintes à de multiples migrations provoquant des mouvements de populations complexes qui furent relatés notamment par les correspondants de guerre.
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