Plus qu'un vieil album aux photographies fanées et jaunies par le temps, c'est à un véritable témoignage d'une autre époque sur lequel l'espace d'une centaine de pages je me suis retrouvé confronté. « Mon père était berger », par
Robert Laxalt. Son père, donc, c'était Dominique Laxalt. Mais avant de parcourir les traces de l'ancien, petit détour sur le fiston, écrivain et journaliste. Plusieurs fois nominé au prix Pulitzer,
Robert Laxalt (1923 – 2001) est entré dans le monde de la littérature avec justement ce court essai (qui à l'origine aurait dû être encore plus court, style nouvelle, si sa maison d'édition n'avait pas insisté sur le fait qu'une telle histoire méritait amplement plus de chapitres) publié en 1957 sous le titre original « Sweet Promised Land ». Il fut notamment le fondateur du département des études basques à l'université de Reno (Nevada).
« Sweet Promised Land ». Une terre promise pour de nombreux bergers basques qui au siècle dernier ont été nombreux à émigrer vers ces lointaines contrées, attirés par ces grands espaces, par la reconnaissance de leur métier, par l'argent et la richesse qui leur paraissaient si accessibles. D'ailleurs, beaucoup sont devenus riches, propriétaires d'un cheptel impressionnant, mais beaucoup sont redevenus très pauvres suite à une grave crise. Son père Dominique a vécu les deux aspects de cette nouvelle vie, post Pays Basque. Maintenant, il commence (certains diront à peine) à se faire vieux. Il apprend qu'une de ses soeurs est gravement malade. La question se pose donc : doit-il retourner au pays, un pays qu'il n'a pas revu depuis 47 ans. L'envie est belle, mais la peur aussi. Après presqu'un demi-siècle, les États-Unis, et le Nevada en particulier, est après tout, tout aussi bien son pays que la France et sa région natale, le Pays Basque. Ainsi, chaque année, son retour est mis en balance sur la table, une réflexion est menée mais de façon totalement prévisible, le départ est remis à l'année suivante. Il y a toujours trop de travail à faire ici, avec ses brebis, son troupeau à gérer et sa famille à s'occuper… Justement, sa famille va réussir à le pousser littéralement dans l'avion pour retourner au pays. Et c'est justement le rôle de Robert Laxalt d'accompagner son père dans ce qui ressemble à un retour aux sources.
Mais c'est surtout, pour lui, l'occasion d'écouter son père se remémorer les grandes phases de sa vie, ou les tranches anecdotiques d'un berger basque dans l'Ouest américain. Jamais aussi loquace que lors de ce périple, Dominique se laissera aller aux confidences sur son métier, sur sa passion, sur cette nature qu'il a découvert, une nature immense dans le Nevada mais aussi terriblement aride qui ne facilita guère son métier. Être berger dans l'Ouest n'est pas tout à fais le même métier que berger dans le Pays Basque, car la nature n'y est pas aussi luxuriante, et il faut continuellement marcher à travers le désert gris à la recherche de quelques touffes d'herbes et points d'eau.
Comme souvent avec les témoignages, pour se sentir concerner il faut que le lecteur se passionne pour le témoin. Et ce roman ne déroge pas à la règle. Si tu n'aimes pas les moutons, si tu ne te sens aucune racine ou attirance pour le Pays Basque, si tu n'espères pas un jour quitter la grisaille de ton monde citadin, tu n'auras que faire de découvrir la vie d'un berger basque dans l'Ouest américain. Par contre, si tu n'as pas peur de sentir le mouton dans le métro, si tu as du sang basque (même par procuration) qui coule dans tes veines, ou si tu rêves d'installer ton poste de travail en pleine nature, alors tu risques d'être comblé par ce témoignage, vibrant d'humanité et de passion. Si comme moi, te retrouver seul dans les montagnes ne te fait pas peur, il est donc peut-être temps de franchir le cap vers la Terre promise, The Sweet Promised Land.
« Mon père était berger », le Pays Basque dans le Nevada.
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