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sur 387 notes
Une leçon de géopolitique comme on les aime, dans son dernier roman, John le Carré met son talent, sa connaissance des relations internationales au service d'une idée : La Défense des valeurs de la démocratie, de l'Europe et de l'éthique dans les relations entre pays.
Pour cela, il crée des personnages hautement symboliques, Nat, l'agent britannique, Anatoly de son vrai nom, né à Paris d'un père écossais d'une mère fille de Russes blancs.
Prudence, son épouse "avocate associée dans un cabinet londonien établi de longue date, spécialiste des affaires à forte composante humaine et surtout des dossiers pro Bono."
Proche de la cinquantaine, Nat est rappelé par le bureau à Londres et hérite d'un placard qui ne satisfait pas son sens du service et le respect des valeurs qu'il a toujours recherché dans son travail. Il n'est pas un salaud.
Mais voilà, depuis l'époque ou avec Prudence ils étaient en poste à Moscou les choses ont changées.
Trump, Poutine, le Brexit perturbent le jeu des forces en présence et Nat n'y retrouve plus ses petits.
Sa rencontre avec Ed Shannon, un jeune anglais germanophile et europhile va le conduire dans un imbroglio relationnel dont il ne sortira pas indemne.
Il est assez rare que des romans de John le Carré flirte aussi impudiquement avec l'actualité et ça ne peut que réjouir le lecteur (je dis cela pour éviter de dire ça ne peut que me réjouir).
Les propos qu'il met dans la bouche d'Arkady, un ex agent double que Nat a retourné dans le passé, à propos du Brexit sont éloquents :
"Et le grand président Donald Trump qui aime tant la liberté va sauver votre économie, à ce qu'il parait. Tu sais ce que c'est, Trump ?
- Dis-moi ?
- C'est le nettoyeur des chiottes de Poutine. Il fait tout ce que le petit Vald ne peut pas faire lui-même : il pisse sur l'unité européenne, il pisse sur les droits de l'homme, il pisse sur l'OTAN. Il nous assure que la Crimée et l'Ukraine appartiennent au Saint-Empire russe, que le Moyen-Orient appartient aux Juifs et aux Saoudiens, et merde à l'ordre mondial ! Et vous, les Brioches, vous faites quoi ? Vous lui taillez une pipe et vous l'invitez à boire le thé avec votre reine. Vous prenez notre argent et vous le lavez pour nous. Vous nous accueillez uniquement si on a assez d'envergure en tant qu'escrocs. Vous nous vendez la moitié de Londres. Vous vous lamentez quand on empoisonne nos traîtres et vous dites s'il vous plaît, s'il vous plaît, chers amis russes, faites du commerce avec nous."
Nat est partagé entre la vision de son ami Arkady, celle du jeune Ed qui n'en est pas loin et celle du bureau qui en tout temps a toujours adopté le principe "réal politic" qui le conduit à ménager la chèvre et le chou.
A sa manière, et dans le cadre des limites qui lui sont imposées par le bureau, Nat (n'oublions pas qu'il est un joueur de badminton affuté) va jouer de sa connaissance des langues, des cultures européennes pour retourner la situation à son avantage et éviter les dégâts humains dont le bureau se soucie peu.
Du grand, du très grand John le Carré. Un livre noir et pessimiste sur l'état actuel du monde qui laisse filtrer une lueur d'optimisme en démontrant que seule la rébellion des individus pourra éviter de subir l'ordre que les nouveaux dictateurs cherchent à imposer au détriment de la morale et de l'éthique !
A lire...
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Qu'il est bon et quel plaisir de retrouver cet auteur. Il a mis la barre très haute dans le monde du roman d'espionnage. Premièrement la tension, il arrive à créer des moments intenses avec les mots, l'ambiance pesante est tangible. Bien loin de cliché d'un James Bond, ses personnages sont intelligents, profonds et quand même lambda. Un espion c'est un monsieur tout-le-monde avec un entraînement spécial, ils ont leurs failles et l'auteur sait les exploiter.

Ce nouveau roman est réussi de la première à la dernière phrase, je n'ai pas pu le lâcher. A peine mis le pied dans l'intrigue, que je fais parti du livre, j'ai été pris dans un tourbillon passionnant et inédit. John le Carré sait raconter des histoires crédibles et fortes, un oligarque ukrainien, une vieille planque d'espions anglais en Russie, ça à une impression de déjà-vu dans la réalité mais l'avantage de la fiction son les conséquences bien moins tragiques. Il se passe toujours quelques choses, des petites choses plus ou moins anodines qui, le moment venu fera l'effet d'une bombe, une façon de parler, une attitude, Nat notre espion aguerri sait repérer ça et l'auteur nous apprend à le remarquer au fil du roman. J'adore car j'en apprends plus sur le métier d'espion en lisant un tel roman qu'avec un témoignage d'un ancien espion qui garde ses réserves.

Rien n'est inutile, les descriptions ne sont pas envahissantes, les personnages sont éclectiques et savent se compléter, pas de super héros ici, une histoire originale, de la tension à vous faire battre un record d'apnée, bref de la qualité.
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+++++++ AGENT COURANT À TRAVERS CHAMP +++++++

Le grand maître a probablement voulu se faire un petit cadeau en publiant son 25e roman 2 jours avant son 88e anniversaire, le 19 octobre dernier.

Je dois admettre que j'ai la même fascination pour ce bonhomme que le légendaire Bernard Pivot qui l'avait invité à une de ses émissions "Apostrophes". Émission pour laquelle l'auteur avait demandé un petit délai, question de se rafraîchir son Français ! Voire mon billet du livre de Pivot "La mémoire n'en fait qu'à sa tête" (du 13-4-2017) et des mémoires de John le Carré "Le tunnel aux pigeons" (du 18-4-2017).

Je ne vais donc pas résumer un curriculum, qui je crois est de toute façon généralement fort connu et passer tout de suite à l'action.

Tout au début du récit le personnage principal se présente : Nat, 47 ans, marié à "Prue" (de Prudence) et champion local de badminton. En fait, la réalité est un brin plus compliqué. Il est né à Paris, où son père travaillait pour l'OTAN à Fontainebleau, comme Anatoly, plus tard anglicisé en Nathaniel. Sa mère, une Biélorusse de petite nobilité y fréquentait le cercle des Russes blancs exilés jusqu'à son affaire avec un riche Belge, trafiquant d'armes. Môme, il avait une gouvernante russe, Galina qui lui a apprenait les langues en lui racontant pendant quelques soirs le même conte de fées mais chaque fois dans une langue différente. À la mort de son père d'un cancer, lorsqu'il avait 12 ans, il fut expédié par sa mère en Écosse, où il fit des études de philologie slave. Depuis un quart de siècle maintenant, Nat a travaillé pour le "Secret Intelligence Service", SIS, surnommé par ses employés le Bureau ("The Office").

Pendant toutes ces années, il a été l'agent du Bureau à Moscou, Prague, Bucarest, Budapest, Tbilissi, Trieste, Helsinki et Tallinn à recruter et diriger des agents secrets de tout acabit sous couverture diplomatique ou consulaire. Et maintenant que sera sa vie ? Qui voudra d'un diplomate demeuré dans les grades subalternes ?

Un job lui est finalement offert comme responsable d'un sous-service de l'agence de Londres du Bureau, où l'on case les agents avec qui l'on ne sait pas très bien quoi faire et qu'en haut lieu l'on souhaite "dynamiser". "Haven" - refuge ou sanctuaire - comme cette unité, non sans ironie, s'appelle, permet à Nat de vivre avec sa femme Prue et sa fille de 19 ans, Stephanie, (Steff pour les amis), à Londres, tout en recevant un salaire et, sans enthousiasme, notre homme accepte le poste.

Dans ce dépôt des cas paumés, la jeune, brillante et dynamique Florence tranche avec ses collègues et elle a le dénommé Orson dans le collimateur. Ce soi-disant oligarque ukrainien, qui s'est acheté dans les quartiers chics de Londres un duplex de 75 millions de livres sterling (88 millions d'euros ), a ses entrées au Kremlin et fait partie du gang ukrainien à Kiev favorable à Poutine. Apparemment cette riche demeure dans l'exclusive Park Lane constitue la plaque tournante d'éléments non désirables appartenant au FSB - le successeur du KGB - ou à des groupes de businessmen mafieux, qui bénéficient de la confiance de l'entourage immédiat du Président russe. Quoi qu'il en soit, ce serait intéressant de savoir ce qui s'y trame au juste et l'opération Rosebud (bouton de rose), soit l'installation d'un système ultrasophistiqué électronique de surveillance, est décidée.

Peu d'écrivains savent aussi bien ce que ce genre d'opération de grande envergure et délicate dans une démocratie implique que John le Carré. La préparation de Rosebud se lit presque comme un article du journal le Monde mais en plus littéraire et avec beaucoup plus d'ironie britannique, bien entendu.

Puis, il y a l'apparition d'un jeune homme étrange, Ed Shannon, à peu près 25 ans et mesurant presque 2 mètres, qui défie Nat de jouer un match de badminton. Comme Ed est un excellent joueur, plusieurs matches ont lieu, suivis de discussions à bâtons rompus à la cafétéria, où le jeune homme vilipende les folies de Trump et du Brexit. Nat est impressionné par ses connaissances, mais se montre réservé. Ed, qui a une soeur handicapée mentale et physique, Laura, pour lui faire plaisir, demande à Nat de faire une partie de badminton à 4. Nat se déclare d'accord et mobilise Florence.

C'est le lendemain de ce 2 x 2 que la bombe éclate : Opération Rosebud a été annulé en haut lieu, pour des raisons de "risques" disproportionnés et Nat apprend que Florence à été renvoyée du service. Les chefs estiment qu'elle est trop émotionnelle pour ce travail.

L'histoire ne s'arrête pas là bien sûr, car à Moscou on n'a pas du tout abandonné les intrigues contre l'Occident et nos héros, Florence, Ed, Prue et Nat ne sont pas au bout de leurs aventures.

Ce roman est une histoire à suspense digne du grand spécialiste qu'est John le Carré depuis 1964 et son inoubliable "L'espion qui venait du froid" . le maître incontesté des intrigues, du double jeu et des fluctuations de loyauté.

Le contexte est très contemporain, puisqu'a un moment donné, un haut placé du Bureau, regrette que les alliés et voisins ne prennent plus l'Angleterre au sérieux, qui est gouverné par une poignée de nostalgiques de feu l'empire, mais incapables de même gérer une simple stalle de fruit. Mais que voulez-vous "nous sommes spéciaux. Nous sommes British. Nous n'avons pas besoin de l'Europe...Nous sommes des supermen".
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