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4,1

sur 570 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Il vente et pleut glacial sur le Bordeaux de l'après-guerre.

La "belle endormie" est grise de haines recuites et de stigmates de ruines.
Plus de dix ans après la fin de la guerre, des bouts d'existences s'entremêlent, des vies aigries, trahies, amputées, difficilement reconstruites. On a soldé les comptes officiels de la Libération mais dans les têtes, dans les tripes et dans les coeurs, il reste suffisamment de regrets pour alimenter un chaudron de rancoeurs et vengeance. Une sorte d'épuration à retardement flotte dans l'air pour les bons et mauvais salauds de la collaboration.

Dans le chaudron macèrent Darlac, commissaire ripou, rageur et cynique et aux méthodes musclées de truanderie, Jean, homme brisé revenu de nuit et brouillard, son fils perdu Daniel, jeune conscrit pour le bled algérien, et des petites gens de petits métiers pour de petites vies, des trafics dans le fond des bars à vins et des quidams en cavale dans les hôtels louches.
Le tout assaisonné de quelques ingrédients : prostitution, alcoolisme, spoliation de biens juifs, délation, camps d'extermination, meurtres en tous genres.

Dormez tranquilles, citoyens!
Après la guerre, c'est encore la guerre et la police veille au grain! Pendant que l'Etat travaille ferme pour un nouveau conflit, dans la chaleur et la poussière du djebel, regrettant tant le précédent.

Plus de 500 pages pour une magistrale histoire de vengeance, chargée d'émotions, dans laquelle la ville de Bordeaux joue le premier rôle, accompagnant le dernier acte des trahisons du passé. Et en filigrane, une plongée poignante dans les combats de la guerre d'Algérie, au plus près des soldats.

Un livre passionnant, addictif, à la construction brillante, qui aurait pu être plus concis mais sauvé par une plume brillante. L'écriture m'a vraiment ravie. Elle est puissante et poétique. Elle joue l'équilibre, virevoltant de formules choisies en dialogues fleuris. Les phrases sont longues, généreuses en vocabulaire imagé et en gouaille prolétaire. On dirait du Audiard littéraire. Elles inventent des scènes en noir et blanc de la télévision de papa. Et parallèlement le ton peut se faire lyrique, sensible, dans les introspections plus dramatiques.

Un auteur que je découvre et que je vais lire encore, assurément...


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Je ne connaissais pas cet auteur de romans noirs, primé plusieurs fois.Voilà une découverte intéressante et un univers particulier, prenant, un climat comme on les aime, sombre et oppressant.

J'ai eu l'impression d'osciller entre " Les Tontons Flingueurs" pour ce qui est des dialogues , verts et gouailleurs,et un récit d'une poésie poignante.Le style est beau et dépouillé à la fois.Les descriptions de Bordeaux ( bien pluvieuse !) notamment.

Sur la ville règne un être répugnant, fasciste, arriviste et violent, le commissaire Albert Darlac.

Et il y a ce désir de vengeance, qui envahit tout, détruit tout, traque les coupables dans les rues ténébreuses de la ville, en quête de crimes, pour punir ceux qui ont trahi pendant la guerre ( d'où le titre). Noir, c'est très noir, et les morts , sous la main vengeresse implacable, s'accumulent.Et la guerre d'Algérie qui commence, entraîne des jeunes, comme Daniel Delbos, vers la désolation.

Le journal d'André, revenu des camps, m'a beaucoup touchée, en particulier et cette désespérance, qui tue, en sachant pourtant que ce geste est vain.

L'atmosphère urbaine des années cinquante est bien rendue, et comme dans un film de l'époque ( on en revient aux " Tontons flingueurs" !), on s'imagine très bien les hommes en imperméable gris, au volant d'une D.S ...Mais la faux de la Mort s'abat et obscurcit l'horizon.

Un ton original,un style personnel, une histoire bouleversante , un suspens bien maintenu: les ingrédients d'un bon policier sont ici réunis. Un auteur que je retrouverai avec plaisir.
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J'ai tout à fait apprécié ce roman puissant qui prend pour cadre le Bordeaux des années 1950 et dont l'intrigue se confronte avec ce qu'il y a de plus glauque dans notre histoire, collaboration, complicité des policiers (en plus à Bordeaux, cela nous rappelle quelque chose ...), guerre coloniale sordide (il y a quelques scènes d'anthologie en Algérie, vraiment remarquable, on n'est pas chez Mauvigner mais c'est tout aussi bien). Les personnages sont puissamment campés, notamment Darlac, le policier ripoux et Daniel le jeune appelé en Algérie, un très beau personnage..
Comme dans plusieurs autres romans de le Corre que j'ai lus, on est frappé par le fait que, comme d'autres avant lui, il arrive à faire à l'Histoire de bien beaux enfants.... Enfin beaux enfants, il faut le dire vite car c'est bien bien glauque, et le roman commence avec une terrifiante scène de torture. Si un film sort de ce roman, ne vous précipitez pas avec vos jeunes enfants !
Le Corre c'est par ailleurs le roman policier version haut de gamme, très "littéraire", avec des références à plein d'auteurs en loucedé (du genre, ici, Aragon, Cendrars...). le style oscille entre du Audiard littéraire et une version bien plus travaillée encore sur le plan stylistique. C'est peut-être là, que la bas blesse un peu pour moi. Car incontestablement, le Corre c'est un vrai écrivain, pas du tout un faiseur, et en plus il a plein de choses à dire (qui oscillent entre un humanisme de gauche, un cynisme désabusé...), mais parfois, son style est peut-être un peu ampoulé et je décroche un peu...
Mais franchement cela me paraît un reproche mineur car je suis certain de garder un souvenir durable de ce beau livre, de certaines scènes en particulier, et à coup sur de son climat général particulièrement bien rendu, et on ne va tout de même pas reprocher à quelqu'un de manquer d'ambition.
Toutefois, ce qui est certain c'est que les fans d'Harlan Coben doivent s'attendre ici à passer du National 3 à la Ligue 1 ! (une comparaison qui vaut ce qu'elle vaut et qui sera me pardonnée, je n'y connais rien).
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Après la guerre, on pourrait croire que la vie redémarre, que la liesse générale relève la nation et cicatrise les plaies. On s'imagine que le bonheur retrouvé triomphe, que les villes libérées sont en fête.
Ce serait trop beau...

Après la guerre, on ne vit plus.
On ne sait plus faire, on a oublié.
On titube, on plie sous le poids d'une conscience trop lourde ou de fantômes trop nombreux. Après la guerre, on "règle de vieux comptes, on vide de vieilles querelles comme des abcès pourris, d'infâmes poubelles où croupissent des morts sans sépultures". Et puis bien sûr, après la guerre, on fonce tête baissée dans un nouveau conflit, parce que - peut-être - on ne sait plus faire que ça...

A Bordeaux, comme partout en France, la fin de la deuxième guerre mondiale et l'éclatement du conflit algérien marquent le début d'une nouvelle ère trouble, faite d'animosités et de rancoeurs à peine voilées. Anciens collabos, vrais maquisards et faux héros, gaullistes convaincus et pétainistes convertis, miraculés des camps et résistants de la dernière heure se côtoient dans un "remugle des temps maudits, comme si un type se mettait à remuer le fond du marigot avec une grande perche pour tout faire remonter".
Jean (le rescapé d'Auschwitz), son fils Daniel (bientôt appelé sous les drapeaux), et le commissaire Darlac (l'archétype même du flic ripou, violent et machiste), pataugent comme tant d'autres dans cette boue nauséabonde. Sombre histoire de vengeance, partie de cache-cache sanglante dans une ville incapable de tourner la page de l'Occupation, livrée aux proxénètes et aux truands. Même la police est gangrenée par les traîtres d'hier, drapés d'une virginité nouvelle, achetée in extremis et qui ne trompe personne.
Transformée en jungle interlope, Bordeaux et ses notables corrompus apparaissent donc ici sous leur jour le plus sombre... On serait tenté, bien sûr, de refermer précipitamment les yeux sur cette fresque affreusement sordide, coincée entre deux génocides, si elle n'était peinte (tout en noir) avec tant de brio ! Hervé le Corre excelle en effet dans l'art de décrire l'innommable, le glauque, l'abject.
Exactions, spoliations, délations : bienvenue en enfer !

Alors oui, c'est vrai, l'intrigue reste assez classique, le roman traîne parfois longueur, et les deux aventures parallèles tardent un peu à se rejoindre (le mano a mano bordelais entre Darlac et Jean d'un côté, et le calvaire algérien de Daniel de l'autre, auraient presque mérité un livre chacun). Cependant le style très imagé de l'auteur, ses descriptions fouillées et hyper-réalistes, l'argot savoureux des années 50, et le mélange crasseux de lâcheté, de cupidité, de sang, d'impunité, de racisme et d'antisémitisme qui nous saisit d'effroi sont autant d'éléments qui font de ce polar historique un roman à part.
Seuls quelques personnages féminins trouvent heureusement grâce aux yeux de l'auteur, et colorent un peu ce "crépuscule permanent dont la saloperie ordinaire des hommes s'est rendue maîtresse".

Réjouissant, n'est-il pas ?
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D'une écriture contrastée, insisive et voire poétique selon les circonstances, Hervé le Corre nous plonge dans un ouvrage extrêmement noir sur fond de guerres de 40 et d'Algérie avec des personnages en grande souffrance.
Le commissaire Darlac, pourri et abject, est au centre de cette histoire qui reflète ces époques troubles et glauques où l'être humain pouvait se révéler monstrueux et sans limite.
Impossible de se détacher de cet ouvrage une fois la dernière page tournée.
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Comme toujours avec Hervé le Corre, c'est sa capacité à faire revivre une époque dans tous ses détails qui est remarquable. Peut-être un peu trop car je me serais bien passée de bien imaginer certaines scènes en particulier pour la guerre d'Algérie. Et si je n'avais pas su le talent de l'auteur, je crois que j'aurais abandonné dès la scène de torture du premier chapitre. D'autant qu'à aucun moment ça ne s'éclaire. Et pourtant cette lecture en vaut la peine.

En fait, tout est sordide dans ce roman. Dans cette ville de Bordeaux comme dans toute la France, la plupart des flics et des gens compromis pendant la guerre sont restés en place. le commissaire Darlac est un de ceux-là. Flic corrompu pendant et après la guerre, s'étant enrichi par des spoliations, méprisant tout le monde, violent par intérêt et par plaisir, fréquentant la pègre par goût. Il y a rencontré Jean Delbos, un petit flambeur, qui passe sa semaine entre tripots et filles et revient le dimanche avec sa femme Olga qui lui pardonne tout et son fils Daniel. Lorsqu'ils sont arrêtés parce qu'Olga est Juive et de plus communiste,, ils ont le temps de cacher le petit garçon. La paix revenue, on les croit morts tous les deux. Mais Delbos revient à Paris puis à Bordeaux, bien décidé à se venger.

Je suppose que pour ceux qui connaissent cette ville, l'évocation des lieux précis est un plus.


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Fin des années 50 début des années 60. « Après la guerre, parfois la guerre continue » : la France se relève de la guerre et tombe dans une autre. A Bordeaux, les vieilles haines se réveillent, ex-résistants et déportés contre les collabos de toutes sortes, qui, ayant échappé à l'épuration, ont retrouvé une position dans l'administration, la police, ou la truanderie.
C'est dans ce cadre que l'auteur développe une intrigue, celle d'une vengeance, d'un petit Monte-Christo paumé des temps modernes
L'auteur nous dresse une galerie de portraits saisissante et peu ragoûtante de flics pourris, de poivrots, de maquereaux et heureusement de quelques belles figures de militants, et de réfractaires.
La pression ne baisse pas tout au long du livre.
Le non-amateur de polars que je suis a été séduit.
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J'ai fait le connaissance d'Hervé le Corre il y a 3 ans, avec Prendre les loups pour des chiens.
Je l'avais trouvé (je viens de relire ma critique:)) bien glauque et poisseux, long à démarrer, avec une fin déconcertante, mais bien écrit
Même ressenti pour Après la guerre, un polar dans le Bordeaux des années 50, avec en parallèle. la guerre d'Algérie où l'on envoie les enfants de ceux qui auront vécu la Seconde Guerre Mondiale.
J'ai lu les 3/4 du livre en 24 heures, malgré une grosse crève et des yeux larmoyants, et je suis admirative du talent de Mr le Corre, deuxième livre, deuxième coup de coeur.
J'ai furieusement envie de continuer, quelqu'un a une suggestion parmi ses livres?
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Tout de suite dans l'ambiance : la première scène démarre sur des chapeaux de roues, âmes sensibles s'abstenir.
On tournicote entre seconde guerre mondiale et guerre d'Algérie avec des personnages bien singuliers : des ripoux aux méthodes de truands, de belles ordures mais aussi quelques belles rencontres. M'enfin le personnage central est comme même une véritable ordure qui règne sans partage sur son p'tit monde.
J'ai eu du mal au début du livre à comprendre le cheminement de ce polar. Noir extrêmement noir. L'écriture alterne entre argot et lyrisme, comme si deux personnages la racontaient. Parfois il faut se concentrer pour ne pas s'y disperser. Une simple description peut durer de longues phrases. Un peu comme un peintre impressionniste qui, avec des touches de noirceur par-ci par-là, nous dévoile son tableau progressivement. J'ai faillit arrêter au bout d'un tiers, le style me déroutait un peu, puis tout doucement la brume s'est dissipée et le plaisir de lire ce bouquin est venue.
Gaffe les p'tits loups : il y a des passages extrêmement violents, à la limite du soutenable. C'est la guerre, pas le monde des bisounours !
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Roman splendide mais.
Roman d'atmosphère, à la Simenon. Mais trop long, sur-écrit, et qui rend mal à l'aise de se délecter d'une prose magnifiant l'ordure et l'abjection.
Roman sur la condition humaine à la Céline , roman des zones grises, sur des fumiers parfois capables d'amour, sur des braves gens souvent lâches et veules, sur des victimes toujours promptes à se métamorphoser en tortionnaires. A l'exception d'une poignée d'individus altruistes et solaires. Ah, mais... Comme c'est curieux ! Une caractéristique commune les relie : ce sont tous des communistes.
Je sais parfaitement que de nombreux communistes ont été exemplaires, que ce soit pendant la Résistance ou la guerre d'Algérie. Mais le sort particulier que leur réserve le Corre, au milieu d'une humanité (Im)pitoyable, fait tache.
Sinon, pour ceux qui en douteraient encore, ce livre n'a pas grand chose à voir avec un quelconque polar.
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