Un sens de l'intrigue unique. En fermant ce livre, j'ai cru qu'il était sorti il y a seulement quelques années. J'en ai pris pour mon grade. La seule question que je me pose c'est: qui reprendra le flambeau? Parvenir à construire un personnage pareil, dans toute sa complexité mais aussi en montrant son évolution relève d'une sobriété chez l'auteur qu'on n'a pas vu depuis longtemps, à part peut-être chez Rowling. Et encore.
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Les milliards d'Arsène Lupin
Et, tout en la maintenant, l’homme chuchotait à son
oreille :
– Ne résiste pas, Patricia, à quoi bon ? N’appelle pas !… Le
vieux Mac Allermy pourrait t’entendre, et que penserait-il de te
voir entre mes bras ? Il croirait à notre accord. Et il aurait raison.
Nous sommes faits, toi et moi, pour nous accorder. Tous les
deux nous voulons satisfaire nos ambitions, gagner de l’argent,
gagner le pouvoir, et le plus vite possible. Mais tu perds ton
temps, Patricia. Ce n’est pas parce que tu es la maîtresse du fils
Allermy que tu arriveras à quelque chose. Allermy junior n’est
qu’un crétin, un incapable. Quant au vieux, il se range plus ou
moins dans la même catégorie. En outre, il est en train d’organiser
avec son ami Fildes, qui lui ressemble, une affaire énorme…
oui… où il se cassera les reins. Patricia, si nous savons manoeuvrer,
toi et moi, avant six mois, le journal Allô-Police nous
tombe dans les mains, et tous les deux nous saurons en tirer des
dollars et des dollars, des dollars par centaines de mille ! Abonnements,
annonces, scandales, chantages, il y a tout là-dedans.
Seulement, faut savoir s’en servir. Et moi je saurai ! Mais voilà,
je t’aime, Patricia. C’est une force et une faiblesse. Aide-moi à
devenir le maître, le maître capable de tout, de tous les crimes et
de tous les triomphes que tu partageras avec moi ! À nous deux,
nous dominerons le monde. Tu comprends, n’est-ce pas ? Tu
acceptes ?
Elle balbutia, éperdue :
– Laissez-moi… laissez-moi maintenant. Nous parlerons de
tout cela plus tard… À un autre moment. Quand nous ne pourrons
pas être entendus, surpris…
Ce ne fut pas sans plaisir qu’il se changea et se frictionna. Car, malgré son tempérament robuste, il était transi. Comme chaque soir en se couchant, il vida sur la cheminée le contenu de ses poches. Alors seulement il remarqua, près de son portefeuille et de ses clefs, l’objet que Gilbert, à la dernière minute, lui avait glissé dans les mains.
Et il fut très surpris. C’était un bouchon de carafe, un petit bouchon en cristal, comme on en met aux flacons destinés aux liqueurs. Et ce bouchon de cristal n’avait rien de particulier. Tout au plus Lupin observa-t-il que la tête aux multiples facettes était dorée jusqu’à la gorge centrale.
Mais, en vérité, aucun détail ne lui sembla de nature à frapper l’attention.
« Et c’est ce morceau de verre auquel Gilbert et Vaucheray tenaient si opiniâtrement ? Et voilà pourquoi ils ont tué le domestique, pourquoi ils se sont battus, pourquoi ils ont perdu leur temps, pourquoi ils ont risqué la prison... les assises... l’échafaud ?... Bigre, c’est tout de même cocasse !... »
Trop las pour s’attarder davantage à l’examen de cette affaire, si passionnante qu’elle lui parût, il reposa le bouchon sur la cheminée et se mit au lit.
Il eut de mauvais rêves. À genoux sur les dalles de leurs cellules, Gilbert et Vaucheray tendaient vers lui des mains éperdues et poussaient des hurlements d’épouvante.
« Au secours !... Au secours ! » criaient-ils.
La jeunesse d'Arsène Lupin Cagliostro