Les choses qui se donnent

Il y a dans ce livre, tous les cadeaux de le vie, ceux dont on voudrait qu'elle nous dote et puis tous les autres, ceux que l'on accepte malgré tout, et qui au fil des ans s'accumulent pour former ce qu'il convient bien d'appeler les souvenirs.
Il y a aussi ces réminiscences d'odeurs et de sensations, ces petites choses simples, qui reviennent au hasard de la mémoire, que l'on croyait perdues à jamais et qui surgissent, compagnes insoupçonnées mais toujours fidèles.
Tout commence par le "délogement" de Julie, l'arrière grand-mère maternelle de Louis, qui s'établit dans l'inconnu à Préverelles, dans la Sarthe, pas très loin de son lieu de naissance, mais à mille lieux quand-même de l'univers qu'elle a perdu.
Déjà des repères nouveaux sont présents, au gré du chemin vers la nouvelle maison, ce passage devant la bimbeloteire Lapoutoire, dont on apprendra plus tard que la propriétaire est accorte...ou les regard inquiet sur la maison dont la porte se ferme sur les bruits d'une nuit étrangère.
Très tôt, le jeune Louis cherche à comprendre cette grand-mère et cette mémé qui se vouvoient mais qui lui transmettent l'amour des choses vues, celles que l'on observe soi-même.
Une succession de souvenirs d'enfance assaillent le lecteur presque jusqu'à l'envahir et lui faire sentir l'intensité et l'authenticité des sentiments que le jeune Louis a conservé des années durant, pour nous les restituer avec une force rare, quatre-vingt-trois années plus tard.
La traditionnelle promenade de l'après-midi avec grand-mère Blin dont l'allure ralentie est l'occasion d'un inventaire minutieux (des lieux, des plantes, de la nature ou de l'homme),tel que l'observation de l'espace est un moyen d'égrener le temps et de vivre en harmonie avec cet univers clos aux dimensions infinies tant il offre à l'esprit, d'occasions de vagabonder.
"...à pareille école, rien qu'à l'écorce, à la feuille, à l'odeur, à mille détails, bine avant de savoir lire, je pouvais nommer tout ce qui croît dans la nature, autour de nous..."
On y retrouve les chantiers de battage avec Marcle, le chauffeur, et la mécanique, qui font irruption une fois par an dans la quiétude de la nuit :
"Ah ! Bon sang ! Déjà !"..."Gars Gêne, ça suble !"
le bargeux et l'engreneur chacun dans leur rôle, personnages fascinants, car uniques, soucieux de travail bine fait, celui dont on reconnaîtra la signature longtemps après.
Ces activités de groupe sont l'occasion de célébrer les nourritures e la terre, la fromagée bouine, la millée, la soupe à la chiaie.
La fête passée, les occasions de ravissement ne manquent pas, la silhouette menue de Tatan Bique apparaissant sur le rote, avec l'été, en est une.
Il serait vain de vouloir retracer avec le même attachement que Louis lebourdais, l'immensité des observations qu'il a accumulées au travers de son regard attentif ou de celui des autres;
Je vous invite à ce voyage inoubliable de trois-cent pages, au cours duquel vous verrez vivre une galerie de personnages, de lieux, d'odeurs, de sensations, qui vous ramèneront à votre propre enfance.
C'est aussi le trou de force de Louis, d'avoir su dépasser la simple description pour nous emmener dans des univers connus de lui seul, mais qu'il tient à nous faire partager comme des choses qui se donnent.
Louis Lebourdais sera parmi nous à l'issue de la séance du Conseil d'Administration le dix-huit novembre mille neuf cent-quatre-vingt-dix-sept.
Il viendra avec ses souvenirs, et si vous voulez en conserver la trace, avec l'amitié qui le carcatérise, il rajoutera des mots uniques sur la page de garde de l'ouvrage que vous aurez acquis, afin qu'avec les choses qui se donnent, vous emportiez aussi un fragment manuscrit de cette écriture sans pareil...

Texte écrit à l'occasion de la présentation des "Choses qui se donnent" au CA de la MSA d'Indre et Loire à Tours le 18/11/1997.