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Plonger le lecteur dans le monde de l'industrie du tabac en mettant en fiction les stratégies de manipulation organisées par une armée de lobbyistes tout en décortiquant un système totalement métastasée par la corruption et des liens mafieux ... Une gageure car cet univers repose entièrement sur la maitrise de l'opacité , met en branle des enjeux très complexes dépassant l'univers industriel pour embrasser le politique, bref du « pas très romanesque » pour un auteur de thriller.

Marin Ledun a bien fait de se montrer téméraire et ambitieux. Il nous offre un roman-fleuve très convaincant qui démarre en 1986. Pas un hasard, les permissives années 1980 marquent une bascule avec la montée en puissance de préoccupations sanitaires ( la loi Evin se prépare dans les esprits ) obligeant les cigarettiers à renouveler leur discours pour continuer à vendre grâce un marketing cyniquement adaptable. La scène inaugurale, pied au plancher, est celle d'un braquage au Havre de deux camions citernes remplis d'ammoniac ( intrant indispensable à la fabrication des cigarettes, favorisant l'absorption de la nicotine et augmentant ainsi les risques de dépendance ). Bilan : sept cadavres, une jeune femme disparue ( la petite amie d'un des chauffeurs abattus ).

L'intrigue, tentaculaire, se déploie sur une vingtaine d'années, de la France à la Serbie sur la route du tabac clandestin. J'ai été totalement embarquée dans cette fiction qui colle de très près à la réalité grâce à un travail documentaire sous-jacent incroyablement précis. La lecture, très dense et exigeante, demande un effort de concentration pour suivre le fil de l'enquête policière sur une vingtaine d'années. Rien
n'est mâché. Marin Ledun ne donne jamais toutes les clefs d'explication. Il maitrise avec brio des ellipses temporelles qui enjambent le récit ( ici les années 1990 ) tout en pointant des événements historiques fondateurs comme marqueurs contextuels, sans pour autant que n'apparaissent un lien intuitif avec l'enquête. En fait deux enquêtes qui se rejoignent dans le dernier tiers.

Forcément, pour incarner un tel récit il fallait le bon casting. Chaque personnage incarne un stéréotype mais la longueur du récit leur permet de s'en échapper. Tous solidement charpentés sans que pour autant l'auteur ne donne accès à leur parcours psychologique. Tous sont des êtres agissants ; c'est dans leurs actions et leurs paroles que le lecteur se forgent son opinion sur eux.

Face à l'impunité des cigarettiers et de leurs sbires, les deux flics incarnent notre bonne conscience et notamment l'officier de la brigade financière Nora : l'incorruptible méticuleux qui épluche obsessionnellement tous les comptes pour remonter les pistes. de l'autre côté, il y a entre autres le salaud, le criminel en col blanc, cocaïnomane et violent : le lobbyiste Bartels. Les plus intéressants sont à mon sens Valentina et Muller. Valentina, la maquerelle qui utilise son agence d'umbrella girls pour corrompre milieux sportifs et politiques ; celle qui a décidé de croire au mythe de la femme forte pour se faire une place de lionne mais qui est tout aussi victime que ses filles. Et surtout Muller, le tueur mercenaire au service de Bartels, celui qui au tout début du roman prend une décision qui semble anodine et qui va accélérer le dénouement.

Un thriller politique palpitant qui m'a fait penser à La Griffe du chien de Don Winslow ( sur le trafic de cocaïne et les cartels ). D'autant plus intéressant que la déconstruction du récit imaginaire, vieux de plus d'un siècle par les cigarettiers, se fait sans manichéisme tout en faisant réfléchir puissamment sur les mécanismes d'influence de l'industrie du tabac. Très sombre au final et glaçant.
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" Dieu fumeur de Havane , L'amour c'est comme une cigarette , Je fume pour oublier que tu bois " , autant de titres célèbres qui nous rappellent combien " l'herbe à Nicot "a pu occuper le devant de la scène il n'y a pas si longtemps avant de connaître le déshonneur. Et si le monde de la variété véhiculait partout les paroles , il n'était pas le seul . le cinéma, les héros de BD , l'environnement sportif , les émissions télévisées portaient sans équivoque " LE message , " fumer " fait " de vous un homme " .Et même les femmes , peu à peu , se laissaient convaincre . Souvenez - vous , Gainsbourg , Lucky LuKe, Maigret , Gabin , Brel , Brassens , Piccoli , etc....La liste serait trop longue et non exhaustive. Les discussions passionnées subissaient , où qu'elles aient lieu ,l'assaut de volutes de fumée auxquelles on trouvait alors plus de vertus que d'inconvénients . Pénétrer dans un bar ou certains lieux public s'avérait aussi périlleux que de pénétrer dans la jungle et pourtant...
On distribuait des cigarettes aux troufions désoeuvrés, on disait que " fumer donnait de l'assurance , " faisait bien " et ne coûtait pas ( très ) cher ...Ouais ...Ça, c'était avant , avant des lois hypocrites de gouvernements préférant " toucher le jackpot " de taxes démesurées plutôt que de songer à la santé d'une population bien naïve et " prise dans les filets " ...Même un célèbre président, " le pote Jacques " a porté " la bonne parole " , c'est dire....et Pompidou avant lui...
C'est cette addiction poussée dont parle ce roman de Martin Ledun et c'est passionnant . On fumait en ignorant qu'une organisation rigoureuse et sans pitié permettait aux cigaretiers , aux buralistes ,et " à certains " politiques de s'en " mettre plein les poches " , pensez - donc ,même le trafic clandestin etait régulé par des gens " bien placés " et jamais rassasiés.
Que faire contre un rouleau - compresseur qui écrase tout sur son passage ? C'est l'objet de la longue enquête des OPJ Nora et Brun. Et mettre le doigt dans cet engrenage va faire ressortir de sous les tapis , des poussières nauséabondes et ennuyeuses .
Les six cents pages de ce passionnant roman relatent ce combat a priori disproportionné. La première partie est emballante , la seconde un peu moins spectaculaire , un peu moins " concrète " pour le lecteur . J'avoue avoir éprouvé parfois un peu de lassitude tant " l'affaire " me semblait " tourner en rond " mais force m'est de reconnaitre que l'envie d'arrêter ne m'a jamais effleuré.
Les personnages , quels qu'ils soient ,vont vous happer.Pas forcément par leur charisme , mais , parfois , pour certains , au contraire, pour leur hypocrisie , leur cynisme , leur ravageuse détermination...Étant donné que l'on va passer un long moment avec eux , on va forcément s'interroger sur leur devenir et vouloir savoir.
De nombreux et savoureux dialogues parsèment le récit et lui donnent un rythme soutenu .
le sujet abordé , le tabac , présente un intérêt qui semble universel ( fumeurs , anciens fumeurs , non fumeurs ) Il ne faut pas craindre de trouver des " leçons de morale " , non , pas du tout , il faut plutôt s'attendre à mieux comprendre comment et pourquoi cette " plante" intéresse autant " certains puissants " qui n'hésitent pas à sacrifier ....
Un roman noir contemporain bien mené , d'autant plus intéressant qu'il " nous touche " de près et nous donne une image bien crue et désespérante de notre époque et de ceux qui ....la dévoient.
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Marin Ledun revient avec un roman noir, un roman dense qui dépiaute la machinerie capitaliste et le lobbying du tabac, le tout étalé sur une vingtaine d'années.
Lorsqu'on plonge dans ces 600 pages, la longueur n'existe plus, il se créé une forme d'addiction et on ne lâche plus le bouquin. C'est foutrement bien documenté, et d'un réalisme cynique. La fiction, qui court de 1987 à 2007, est émaillée d'évènements historiques, politiques.
Les cigarettiers et leur pouvoir immense s'immiscent partout et font la loi. Même la loi Evin de 1991 n'aura pas raison d'eux, ils s'adapteront pour poursuivre leur commerce juteux même si fumer provoque 7 millions de morts chaque année. Ils gouvernent le monde grâce au lobbying en direction des hommes politiques, des sportifs et des artistes. Fumer, c'est cool, c'est la liberté, c'est tendance et tout est fait pour faire oublier les effets nocifs et mortifères de cette cigarette qui ne contient pas que du tabac.
Menaces, chantage et manipulation des politiques, crimes commandités, prostitution, contrebande … tout est bon pour vendre toujours plus et faire de l'argent et tout cela fait froid dans le dos.

Deux flics vont enquêter sur les évènements pas nets : Patrick brun tente de remonter la piste des sept cadavres et des camions d'ammoniaque subtilisés tandis que Simon Nora, de la brigade financière, traque les manipulateurs et épluche tous les comptes des sociétés écran de l'European G. Tobacco.
Ils vont s'intéresser à David Bartels, ce lobbyiste ambitieux et sans scrupules aux méthodes discutables. Il les mènera à Valentina, escort-girl qui dirige un réseau de prostitution de luxe sous couvert d'une société qui gère l'évènementiel sportif. Elle travaille pour les gros clients de Bartels.
On croise de nombreux personnages, complices où rivaux, mais tous dévorés par la même ambition et dénués de scrupules.

Malgré quelques longueurs, l'intrigue est rythmée. le style sobre, alerte de l'auteur qui mêle intimement documentation et fiction, nous entraîne tambour battant jusqu'à l'ultime page de ce roman haletant et ô combien terrifiant. On en redemande, à quand le prochain, M Marin Ledun ?

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Polar très documenté, « Leur âme au diable » propulse ses lecteurs atterrés loin des volutes romantiques d'un Dieu fumeur de gitanes : non seulement la cigarette tue, mais elle engraisse des psychopathes qui n'ont rien à envier au Parrain scorcesien.
Par exemple, et ça paraît évident dès qu'on y réfléchit, les firmes cigarettières auraient aussi la main sur le tabac de contrebande, engrangeant profits légaux et illégaux.
Mais bon, évidemment, il ne suffit pas de s'être documenté, encore faut-il construire une intrigue qui tienne la route, servie par des personnages crédibles. Et c'est là que le bât blesse, en tout cas qu'il blesse la lectrice que je suis -ce bouquin étant par ailleurs très bien noté. Si je me suis si souvent endormie dessus, c'est qu'il redondance (du verbe « redondancer » qui n'existe peut-être pas mais qui manque à la langue française, comme chacun l'aura noté).
Ainsi, le gars qui gagne (très bien) sa vie à vendre par tous les moyens nicotine et additifs en s'asseyant sur toute morale est-il un affreux pas beau, je crois que c'est assez clair. Et bien, le jour où, incidemment, il se retrouve avec une arme en main, il tire et découvre qu'il adore ça. Bien sûr. Des fois que ça nous aurait échappé qu'il était méchant. Il me semble pourtant que la banalité du mal de l'employé modèle qui agit pour la plus grande gloire de son entreprise et de son propre portefeuille d'actions est autrement plus glaçante que la figure de l'énième psychopathe qui se délecte de ses déviances.
Quant à Patrick, flic obstiné, intègre, et solitaire (oeuf corse), il a des intuitions qui me laissent pantoise: « L'autre scénario possible est qu'Hélène a juste décidé de couper les ponts avec ses parents parce qu'ils la faisaient chier, de reprendre sa vie en main et de bâtir elle-même son propre conte de fées. Ça arrive tous les jours, Patrick pourrait s'en contenter. Sauf que ça ne colle pas avec un détail, griffonné dans son petit carnet pendant l'interrogatoire des parents. Le jour où elle a quitté son studio de Bagnolet en compagnie d'un grand costaud, elle avait l'air bien et surtout, elle riait. » Ah, d'accord. On ne peut pas à la fois quitter ses parents au bras d'un grand costaud et rire. C'est suspect. Moi, ce sont les ficelles narratives de Marin Ledun que je suspecte.
Ou bien: « Un homme plutôt mince, la trentaine, planté au milieu d'un flot continu de passagers qui s'écartent pour ne pas le percuter. Cheveux courts plaqués en arrière, barbe de trois jours, costume bon marché. Ni valise ni attaché-case. Il n'est pas là par hasard. Ses yeux sont braqués sur elles, comme si le reste n'existait pas. Une aura de malveillance se dégage de lui. » « elles » en italiques et « aura de malveillance »(hyper pratique, le méchant facile à identifier) : c'est tout ce que je déteste, tous ces pseudo-effets qui ne servent à rien sinon à rallonger le nombre de pages et à rassurer le lecteur sur le fait qu'il peut très bien tourner les pages tout en réfléchissant aux chemisettes en promotion qu'il a repérées en rentrant du bureau parce que tout est fait pour qu'il parvienne quand même à suivre.
Ou bien « Brun est pris de vertiges. Son carnet lui tombe des mains et glisse sous le siège. Il suffoque. Il baisse la vitre à bloc pour laisser entrer un peu d'air. » Là, c'est pour que le lecteur comprenne bien que c'est important. Au millénaire dernier, on avait l'inspecteur Bourel qui s'exclamait « Bon sang, c'est bien sûr » quand il finissait par résoudre l'énigme, désormais les flics doivent frôler l'AVC pour que le lecteur distrait comprenne qu'il se passe un truc important. C'est vous dire si on a progressé quant au temps de cerveau disponible.
Après, on peut préférer la musique poussée au maximum, les rires enregistrés dans les sitcoms et la littérature fléchée (Attention! Là! Ici! Indice!). Y'a pas de mal à ça.
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Ma dernière cigarette se consume dans le cendrier : il est temps pour moi d'écraser mon paquet et de commencer ce commentaire.
La cigarette "nuit" gravement à la santé !
70000 morts dû au tabac pour l'année 2020 soit 30000 de plus que l'alcool. Ces chiffres sont désormais peu contestables.
Mais en 1986, au début de ce roman, la clope est encore un symbole de fraternité et de virilité même si quelques scientifiques commencent à s'inquiéter de l'augmentation du nombre de cancers du poumon, de pneumopathies en tous genre et se mettent à alerter l'opinion publique ainsi que les politiques.
L'industrie du tabac, florissante, redouble d'effort pour vendre toujours plus : Lobbying, corruption, intimidation des concurrents, prostitution, contrebande, et j'en passe...
Le récit commence par un vol meurtrier de camions remplis d'ammoniac. Savez-vous quelle est la différence entre une brune et une blonde ? C'est justement son taux d'ammoniac qui adoucit l'âpreté du tabac et permet donc de toucher un public plus jeune et plus féminin.
Nous suivrons dans ce roman l'enquête du capitaine Nora de 1986 à 2007 qui n'aura de cesse de lutter contre ces "big tabacco".
Marin Ledun nous propose ici un roman noir et sociétal qui met en lumière les procédés immondes que sont prêts à employer beaucoup de grandes sociétés pour protéger leur prospérité. Je crois qu'on pourrait écrire le même genre de livre sur l'industrie pharmaceutique mais moi j'dis ça, j'dis rien ! La démonstration de l'auteur est documentée, implacable et détaillée. Malheureusement, cette dénonciation est un peu aux détriments du suspens et plus généralement des codes du roman noir.
Je me suis parfois ennuyé mais cela reste un très bon polar engagé comme sait si bien le faire cet auteur.
Je vais peut être attendre une heure avant d'acheter un nouveau paquet ...
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« Dans le monde de la publicité, il existe un vieux dicton : il n'y a pas plus de rapport entre le tabac et une cigarette qu'entre un sapin et un numéro du New York Times. » (p. 185)
Comme pas mal de trucs qu'on avale (cf. les AUT, aliments ultra-transformés), la clope contient des additifs dangereux*, auxquels s'ajoutent les substances toxiques qui se libèrent au moment de la combustion.
.
Du milieu des années 1980 au milieu des années 2000, c'est l'âge d'or de la cigarette en France. La loi Evin et celles qui ont suivi, avec la croissance vertigineuse des taxes, y ont mis fin.
Dans cet ouvrage très documenté, Marin Ledun raconte « vingt ans d'un travail de lobbying acharné. » (p. 582)
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La filière du tabac dans les 80's, ce sont des agriculteurs français, des scientifiques dans les centres de recherche, des ouvriers dans les usines de production, des camionneurs pour les livraisons, des commerciaux, des buralistes. Et aussi des avocats d'affaires pour les procès.
Ainsi qu'un « imposant service publicité et marketing pour diffuser la bonne parole dans les médias et sur les dizaines de milliers de panneaux d'affichage [en] Europe. »
Au coeur de cette mécanique parfaitement huilée Marin Ledun place le lobbyiste David Bartels (nom fictif), de European G. Tobacco. Comme l'homme pressé de Noir Désir, il contrôle tout, bosse sans relâche, 24/24, 7/7, soutenu par des sbires à surveiller, et quelques remontants - sexe & clope & coke.
.
De leur côté, depuis la disparition de camions transportant de l'ammoniac, et quelques meurtres directement liés, les OPJ Nora et Brun sont sur les dents. Ils disposent d'éléments épars, la tâche s'avère ardue & longue pour les rassembler et relier les ramifications du réseau.
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Le lecteur, quant à lui, voit les liens entre politiciens, chercheurs, sport, pub, cinéma, prostitution, opérations caritatives. Un levier commun : la corruption. La filière est juteuse, il y a de quoi faire des cadeaux en espèces, en natures, soutenir des candidatures électorales, etc.
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Tout ça pour un produit 'inutile' (et meurtrier), que la publicité et le cinéma s'emploient à présenter comme essentiel, associé
- au plaisir et à la liberté pour tous
- au glamour pour les femmes
- à la virilité et à l'aventure sportive pour les hommes.
Tennis, golf, poker, paris hippiques, courses automobiles & moto... Autant de fabuleux domaines à sponsoriser, où de petites hôtesses - alias 'umbrella girls' - affichent des corps de rêve aux côtés des vainqueurs ou dans les tribunes, T-shirts au logo de la marque... ou avec messages/couleurs subliminaux lorsque les lois se durcissent.
Le rôle de ces femmes-objets ne s'arrête pas là, elles font partie des cadeaux offerts aux partenaires de ces opérations promotionnelles. Là aussi, Bartels veille...
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C'est donc l'histoire d'un lobby...
... qui ressemble à celle d'autres lobbys (automobile, nucléaire...)...
C'est l'histoire de gouvernements et de ministres de la Santé, de l'Intérieur, de la Culture... qui privilégient le bizness, le fric...
... qui ressemble à celle d'autres scandales, plus ou moins actuels...
.
J'ai été captivée pendant plus de 200 pages (sur 600), j'ai adoré retrouver les années 80 et quelques personnages phares de la vie publique (politique, médias...). Puis je me suis sentie larguée et agacée quand l'espionnage, la traque, les affaires de contrebande l'ont emporté. Les parties autour de A.M. m'ont paru longues, lourdes, chiantes, et les piétinements des enquêteurs sont pénibles à suivre, a fortiori lorsqu'on a une longueur d'avance sur eux.
Ce n'est pas la première fois que je peine à lire cet auteur (dont j'aime beaucoup les idées, pourtant) : trop fouillé, ardu, aventure-'couillue' avec des protagonistes aux comportements excessifs - truands en col blanc, ceux qui y mettent les poings ; picole & défonce chez gendarmes & voleurs...
.
J'espère néanmoins donner envie de lire cet ouvrage, cette bible sur le lobbying et la cigarette. Je vais faire circuler autour de moi.
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PS : Mauves-en-Noir, JB Pouy, Frédéric Paulin, Marin Ledun... cette année comme en avril 2020, vous allez nous manquer... 😕
Et sinon, la question qui me brûle les lèvres : M. Ledun, fumez-vous toujours ?
.
• Je remercie Babelio, les éditions Gallimard, et l'article du Canard enchaîné qui m'a donné envie de découvrir l'ouvrage.
Je ne regrette rien, même si j'en ai bavé pendant 10 jours... 😉

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* les additifs :
- des ingrédients sapides (mélanges d'arômes, épices, sucre, miel, extraits végétaux)
- des agents humectants (glycérine, propylèneglycol, acide phosphorique),
- des produits de blanchiment des cendres (alun, hydroxyde et sels d'aluminium, oxyde d'aluminium et de magnésium, talc, acide silicique, acides, sels d'ammonium),
- des agents conservateurs (acide benzoïque, acide formique, acide propionique), des adhésifs et des liants (collodion, cellulose, gomme laque).
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Dans les années 80 le monde du tabac tremble, car les associations anti tabac s'organisent pour freiner la consommation de nicotine qui explose un peu partout.
Mais à ce mouvement contestataire l'oppostion est prêt à tous les coups bas : des lobbyistes s'attaquent sans vergogne à notre santé et des industriels peu scrupuleux, tels que l'ancien énarque David Bartels, ne sont pas en manque d'idées pour vous persuader que fumer est un acte de liberté et de résistance.
Cest parti pour 600 pages sur la nicotine et ses pratiques douteuses d'un polar très ambitieux qui fait pas mal penser à l'excellent long métrage "Révélations" de Michael Mann avec les monstres sacrés Al Pacino et Russel Crowe .
"Leur âme au diable " ou l'industrie du tabac passée au crible par une plume particulièrement documentée proche parfois de l'enquête journalistique et aiguisée.
Marin Ledun nous embarque dans l'histoire du business de la nicotine sur 20 années ; depuis les années 80 jusqu'aux dernières lois limitant la liberté des fumeurs.

Un thriller glaçant certes, mais aussi palpitant et addictif, bien construit, sans temps morts, qui donnerait à coup sur une excellente série

Roman dense, réaliste et complexe "Leur âme au diable "confirme largement tout le bien que l'on pense de Marin Ledun à coup sur, un de nos meilleurs auteurs de polars français, qui n'hésite pas à aller gratter du coté des travers de notre société et des dérives de l'entreprise, un auteur, qui assurément, mériterait une reconnaissance critique et publique encore plus forte.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Après un passage par deux romans gais et plein de fantaisie « à la Pennac », Marin Ledun revient au style roman noir qui m'avait beaucoup plu chez lui.

Ici il s'attaque à gros puisqu'il s'agit ni plus ni moins du lobbying du tabac en France, et même en Europe.
Suite à un banal braquage de poids lourd, quand même suivi du meurtre de plusieurs personnes, un policier essaie de mener l'enquête mais sans succès.
Il faudra attendre vingt ans avant qu'une véritable enquête soit menée avec, comme objectif, le passage devant l'office européen de lutte anti-fraude.
En effet, davantage que la mainmise de l'industrie du tabac sur les politiques afin d'influencer les textes de loi (ça on le savait déjà), c'est bien la contrebande du tabac qui occupe la police à cause des milliards d'euros qu'elle soustrait au fisc.
Mais l'Etat n'est pas étranger à ce développement puisque sur les ventes légales de tabac il prélève des sommes énormes : « Les taxes sur la cigarette, c'est la moitié de celle du carburant et le cinquième de l'impôt sur le revenu » ! « Après la loi Evin, on diminue les ventes d'un côté, on augmente les taxes et les prix de l'autre », « tout le monde y gagne ».
Les deux inspecteurs découvrent peu à peu l'ampleur de la corruption, des ambitions personnelles, et des milliards détournés, mais feront-ils le poids face aux puissants réseaux politiques et mafieux qui composent cette nébuleuse ?

Comme on le voit, c'est du lourd, du noir, du violent !
Marin Ledun a fait un fantastique travail de recherche pour bâtir ce roman noir de 600 pages d'où on ressort lessivés !
Je mettrais juste un bémol sur quelques longueurs, inévitables dans un roman de cette densité, mais globalement je lui tire mon chapeau pour avoir mis des personnages et des faits sur cet univers impitoyable !

Merci à Babelio/Masse Critique et à Gallimard pour cet excellente Série noire !
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Leur âme au diable, gros roman très noir de 602 pages, est divisé en deux parties : la première, « Braquage », couvre de 1986 à 1989 ; la deuxième, « L'Empire », s'étend de 2000 à 2007. Pour les cigarettiers, l'ammoniaque est une denrée précieuse utilisée, avec beaucoup d'autres cochonneries, pour obtenir du tabac blond. Or plusieurs camions-citernes remplis d'ammoniaque se font braquer depuis quelque temps. Et puis un jour, un braquage tourne mal : 7 morts ! Dans les tout premiers chapitres, Marin Ledun nous présentera les personnages principaux mis en scène dans son histoire. Anton Müller, sorte de géant pas débonnaire du tout, homme de main éprouvant parfois un soupçon de scrupules, apparaît comme l'organisateur des vols et des meurtres. Cependant, on comprend vite qu'il n'est pas le donneur d'ordres. le rôle revient à David Bartels, directeur d'un cabinet-conseil travaillant pour un unique client, European G. Tobacco, au deuxième rang des cigarettiers européens. Bartels est un personnage ambitieux, amoral, égoïste, vénal, bref, un lobbyiste sans états d'âme. S'ajoute à ceux-ci Sophie Calder (elle préfère qu'on dise Valentina) qui dirige une petite agence de cinq filles. Celles-ci se produisent dans divers événements pour mettre en valeur certaines marques, par exemple pendant de prestigieuses courses automobile. Elles se mettent aussi fréquemment à la disposition d'amateurs de jeunes femmes. Ce service est inclus dans les prestations : le consommateur ne paye rien, bien sûr. Autrement dit, Sophie Calder est proxénète. Pour sa part, Simon Nora, jeune OPJ de la brigade financière, mène l'enquête sur le massacre. Et puis, il y a le grain de sable : Hélène Thomas, la petite amie d'un des morts du braquage. Muller la confiera à Valentina. de son côté, Patrick Brun, flic modeste, représentant syndical pas trop zélé, dépressif, à mille lieues des braquages, enquêtera sur sa disparition…
***
Marin Ledun donne l'impression de tout savoir sur ce milieu gangréné par la corruption et pratiquant le chantage comme un art majeur. Il nous explique en détail les très gros moyens mis en oeuvre pour tenter le gogo, nous raconte comment la cigarette est associée à la modernité et à la liberté grâce, par exemple, au cow-boy du paquet rouge et blanc. J'ai été passionnée par le passage dans lequel est décortiquée la manière dont les industriels du tabac réussiront à imposer la cigarette aux femmes en y attachant une image d'indépendance et d'affirmation de soi… On suivra les lobbyistes déstabilisant les politiques français et européens, et avec eux les scientifiques, les médecins, les journalistes, afin d'obtenir leur soutien par le chantage et la peur, avec un total cynisme et d'énormes moyens financiers. On verra l'industrie du tabac organiser elle-même la contrebande de ses propres produits avec les maffias locales, entre autres, au Monténégro et chez certains de nos voisins de l'Est, tout ça pour retarder autant que faire se peut les lois anti-tabac et continuer à gagner beaucoup d'argent.
***
Ce polar très documenté m'a bien plu, et j'en suis sortie en colère, en colère face à l'impuissance de la lutte contre ces lobbys, face à leur pouvoir énorme et aux moyens financiers qu'ils savent déployer, face aux moyens qu'ils emploient… J'en ai aimé le style et la construction aussi. On trouve dans la première partie des rapports d'enquête que lira Simon Nora en 2002, nous annonçant ainsi que l'enquête n'est pas près d'aboutir ! Dans les deux parties, j'ai été sensible aux fréquentes allusions à des événements d'alors : en vrac, terrorisme, Malik Oussekine, privatisation de TF1, suicide de Dalida, condamnation de Klaus Barbie, chute du mur de Berlin, comme une série de petites piqûres de rappel. Un bémol pourtant : je me suis parfois perdue dans ce que j'ai considéré comme un luxe de détails et, brièvement, dans les noms de personnages secondaires. Mais un bon roman, j'insiste…
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Ça pourrait n'être que l'histoire d'un lobby, mais c'est plus que cela.
Le polar m'a rappelé des reportages sur Arte et lors desquels j'avais déjà été douchée, bouche et oreilles grandes ouvertes. Mais en version thriller c'est tout de même plus chouette.
On pense être au fait d'une bonne part de la fourberie des hommes, de leur soif d'argent et de notoriété, mais Marin Leduc, de par sa documentation poussée, dévoile quelques trucs intéressants. En tout cas, ils l'auront été pour moi.
Le thème de fond : le tabac tel qu'il a « vécu » fin XXe siècle.
Un nombre impressionnant de domaines sont impactés, infiltrés, foutus HS face au lobby du tabac et de ses additifs (auxquels je n'avais pas pensé). Plusieurs domaines sont concernés, de la pub à de la culture, de la santé au ministère de l'intérieur, des chercheurs au monde sportif, du cinéma à la prostitution, jusque tout en haut de l'échelle politique. Je mêle volontairement les thèmes car tout est enchevêtré.
Plusieurs de nos hommes politiques français sont cités, aussi bien négativement que positivement.
Les industriels, bien sous tout rapport, exploitent les addictions des humains et en arrivent, eux aussi, eux surtout, aux pires extrémités. Ils se fichent bien de la santé des hommes et des femmes auxquels ils font croire, à cette époque, que le tabac il est tout beau, tout mignon, voire même un plus pour leur image dans nombre de circonstances.
C'est souvent violent et sans concession.
Ah! j'oubliais deux secteurs : les sociétés écran telle que l'Européan G. Tobacco ainsi que les sociétés caritatives qui en prennent, toutes les deux, pour leur grade.
Vive les sponsors ! Vive le lobbying !
Les personnages sont attachants, pas forcément au sens premier du terme, mais plutôt par leur cynisme, leur hypocrisie, leur facette infantile (je pense à ce méchant qui découvre son plaisir lorsqu'il tient une arme dans sa main).
Les deux flics, Patrick l'enquêteur de terrain et Simon de la brigade des finances, sont plaisants.
En deux mots l'histoire.
On est en 1986 lorsque deux camions citernes d'ammoniac sont braqués et disparaissent sans laisser de traces ; dans le sillage de cette énigme, sept cadavres et la disparition d'une jeune femme Hélène. L'enquête s'étalera sur vingt années. Vingt ans c'est long mais c'est légitime et réaliste, et surtout c'est à hauteur de la masse des données glanées.
Quelques longueurs sur les 600 pages : le premier tiers est palpitant, puis quelques longueurs qui pourraient décourager mais comme on se balade un peu partout sur la planète, disons que ça peut se défendre.
Si « Free Queens » est aussi bien documenté et un chouïa plus court, je lirai le prochain Marin Ledun.
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