Diplomate de carrière, formé dans les meilleurs écoles (HEC, Sciences Po Paris, ENA), passé par le cabinet d'
Hubert Védrine, l'IFRI et la représentation de la France auprès de l'Union européenne,
Maxime Lefebvre a marqué une génération d'étudiants à
Sciences Po par son enseignement de Prep'ENA de relations internationales et par son manuel « le jeu du droit et de la puissance » (Dalloz, 1ère édition 1997). Dans le format très contraint de la classique collection « Que sais-je ? », il réussit une gageure.
D'une part, il brosse un tableau très complet de la « politique étrangère européenne ». Il retrace son histoire, depuis la coopération politique européenne des années 70 en passant par la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) mise en place à Maastricht et la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) du traité de Lisbonne. Il en présente les principaux acteurs et parvient à rendre clair ce qui ne l'est pas en expliquant les compétences respectives du président de la Commission (José Manuel Barroso), du président du Conseil européen (Herman von Rompuy) et du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (Catherine Ashton). Il en brosse enfin à grands traits les principaux axes qui, s'ils peuvent parfois donner l'impression d'un « cosmopolitisme tous azimuts » (p. 121), s'organisent autour de quelques priorités manifestes : la centralité de la relation transatlantique, l'intensité de la politique de voisinage, la relation dite stratégique avec quelques grands partenaires (Russie, Chine, Inde …).
D'autre part,
Maxime Lefebvre écrit un essai très subtil sur cet objet politique non identifié qu'est l'Europe et les difficultés de cet « étage intermédiaire entre le monde et les États » (p. 5) à trouver sa place dans un monde encore dominé par les rapports étatiques. Toute évaluation du caractère « inabouti, mixte, ambivalent » (p. 3) de
la politique étrangère européenne doit prendre en compte ce point essentiel : l'Europe n'est pas – et il n'est pas sûr qu'elle le devienne jamais – une grande puissance westphalienne. Cela ne signifie pas pour autant qu'elle doive se cantonner au rôle de Vénus, laissant à Mars le soin de régler les affaires du monde, ou encore, selon une autre expression de
Robert Kagan, se borner à faire la vaisselle tandis que les Américains font la cuisine (p. 85). Qu'elle soit « post nationale » (J.
Habermas) ou « postmoderne » (R. Cooper), l'Europe incarne des valeurs communes et un espace de solidarité. « Puissance tranquille » selon l'expression de
Tzvetan Todorov (p. 80), elle peut contribuer à civiliser la mondialisation. Ce n'est peut-être pas assez ; mais c'est déjà beaucoup.