Sous le bonnet rouge

"Sous le bonnet rouge", il n'y avait pas le commandant Cousteau, certes non.
Mais il y avait un remarquable livre d'Histoire écrit par G. Lenotre de l'Académie Française.
"Sous le bonnet rouge", on trouve d'abord les vainqueurs de la Bastille.
Ils étaient 600, le soir du 14 juillet, qui forment une intéressante galerie de portraits ...
"Sous le bonnet rouge", Paris est la proie d'une bande de braillards et de gens mal mis.
Rien de plus ...
Ce livre est le huitième opus de la fameuse série de "La Petite Histoire".
C'est une compilation de courtes chroniques qui entremêlent, avec intelligence, figures célèbres ou inconnues, grands événements et péripéties insignifiantes.
Ici, l'Histoire rebondit, devient plus tangible, plus vivante.
Elle sort du grand tableau solennel où d'aucuns aiment à l'accrocher pour venir se glisser dans la vie quotidienne, dans l'existence de nos ancêtres.
"Sous le bonnet rouge" est une suite de croquis, une galerie de portraits.
Elle esquisse quelques silhouettes de l'époque troublée de la révolution française.
La plume de G. Lenotre est raffinée, élégante et littéraire.
L'ensemble n'est pas dénué d'un certain humour.
L'auteur affirme par exemple que "depuis qu'il y a des actrices et des banquiers, ces deux classes de la société éprouvent, l'une pour l'autre, un penchant manifeste et réciproque !"
De plus, de splendides expressions émaillent la phrase.
"L'Histoire est décidément incompétente à garantir la beauté des femmes" nous dit, par exemple, l'auteur.
Ce dernier attache beaucoup d'importances aux "seconds rôle", aux "gens de l'ombre" qui, parfois fugitivement éclairés par L'histoire, livrent la clef, donnent un sens à l'événement.
G. Lenotre évoque également son métier d'historien qu'il qualifie de "fureteur".
Il parle de l'angoisse particulière que connaît le chercheur en présence d'une "trouvaille" inespérée.
Car le propos de G. Lenotre n'est pas issu d'une compilation bibliographique.
Il puise son impressionnante érudition dans les "Archives Nationales" et dans les vieilles pierres.
L'Histoire est malicieuse car à Carhaix, jadis chef-lieu de la Haute-Cornouailles en Bretagne,"Sous le bonnet rouge", un certain Blanchard, fonctionnaire peu estimé prend soudain de l'importance.
Lui et son acolyte, un coquin dénommé Valette, prennent leurs ordres d'un frère, nommé du Couëdic et dit "Tête à poux" qui, de son côté, révolutionne Landerneau.
Les gens sensés, croyant à une fable, haussent les épaules !
Mais "Sous le bonnet rouge", ce petit comité va disposer de la fortune et de la vie des citoyens.
Les gens sensés ne rient plus ! ...

Un livre délicieux, écrit en 1935 par l'historien érudit de "l'histoire des gens" pour se replonger dans la grande histoire de la Révolution à travers les lunettes de la petite histoire des femmes et des hommes qui l'ont faite et, surtout, subie. Cette période cruelle a vu s'écharper les révolutionnaires qui réglaient leurs comptes personnels à travers une frénésie d'intrigues et de violences, dont les plus habiles arrivaient à échapper au pire en fuyant ou négociant. Ce livre méticuleux, plein d'humour malgré la gravité du propos, est un excellent moyen de se replonger dans la grande histoire pour réviser cette période de funestes passions mais aussi d'idéaux à la fois utopistes et pervers. La Révolution n'a pas été le moment épique dont on nous a inculqué le souvenir, voire le culte, mais une époque trouble qui a laissé beaucoup de cicatrices.