L'homme appartient à la catégorie des mammifères qui passent une partie de leur existence dans un abri artificiel. Il est différent en cela des singes dont les plus évolués ne font qu'aménager sommairement le lieu où ils passent une nuit, mais il se rapproche de nombreux rongeurs qui possèdent un terrier souvent très élaboré, terrier qui est le centre de leur territoire et souvent le lieu de réserve alimentaire.
Le rythme des cadences et des intervalles régularisés se substitue à la rythmicité chaotique du monde naturel et devient l'élément principal de la socialisation humaine, l'image même de l'insertion sociale, au point que la société triomphante n'a plus pour cadre qu'un carroyage de cités et de routes sur lequel l'heure commande le mouvement des individus.
Le fait humain par excellence est peut-être moins la création de l'outil que la domestication du temps et de l'espace, c'est à dire la création d'un temps et d'un espace humain.
Le nomade chasseur-cueilleur saisit la surface de son territoire à travers ses trajets ; l'agriculteur sédentaire construit le monde en cercles concentriques autour de son grenier.
La Genèse de l'écriture, de Denise Schmandt-Besserat, traduit par Nathalie Ferron, postfacé par Grégory Chambon
Pour en savoir plus : https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251452937/la-genese-de-l-ecriture
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Pour les civilisations antiques, l'écriture était un don divin. Les philosophes et les linguistes ont spéculé sur ses origines. À la fin du XXe siècle, des objets archéologiques ont permis de retracer l'évolution de pratiques aboutissant aux premières traces d'écriture en Mésopotamie. Bousculant le mythe et les certitudes savantes, leur étude a montré que les fonctions primordiales de l'écriture ne relèvent ni de la transmission, ni de la conservation du langage, mais de la gestion de biens.
La conception scientifique de la genèse de l'écriture découle des découvertes de Denise Schmandt-Besserat. Ce livre présente les preuves matérielles que sont les « jetons », examine leur évolution jusqu'à la transmission de leurs fonctions aux tablettes d'argile, puis analyse les implications socioéconomiques de ce processus multimillénaire, avant de restituer la classification des artefacts.
Cette démarche est comparable à celle d'André Leroi-Gourhan : elle introduit une problématique fondamentale dans le champ des études paléo-historiques en même temps qu'une méthode éclairant la relation entre une classe d'artefacts et l'évolution de l'humanité. Dans une postface inédite, Grégory Chambon fait le point sur les enjeux toujours actuels de cette oeuvre fondatrice.
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