Pierre Dhainaut
Ici, c’est-à-dire aux Andelys
Un buisson d’épines, un sentier boueux,
tu ne désirais que rejoindre, par-delà
les nuages, enfin le château invincible
dont les pierres chancellent, s’embrasent,
ton rêve entretenu de nuit en nuit,
s’écroule : tu ne franchiras pas l’obstacle
en le chassant, apprends à voir,
tu te multiplieras si tu comptes les branches,
une à une, en tous sens, tu te délivreras
du désir même de rejoindre, tu verras
le château se découvrir, se rapprocher,
ici, infiniment ici, dans les pas qui s’allègent.
Isabelle Lévesque
Tu t’inclines,
tu caresses l’onde.
Ici, aux Andelys,
le mot « foison » tourbillonne.
Nous traversons enfin.
Entre les branches,
le passé surgit en sa figure nue
que le présent devine.
L’ORIGINE DE L’ÉCRITURE
Tu as fermé les yeux avant d’écrire,
tu crois trouver le mot qui se dérobe
en toi comme s’il pouvait apparaître,
à lui seul attirant les autres, sur l’écran
des paupières, jamais elles ne sont opaques,
elles s’écartent d’elles-mêmes, et sur la page
des signes s’agitent, s’entrecroisent :
pour les tracer d’un doigt nu, d’un doigt d’air,
tu n’as qu’à dessiner par courbes inlassables
l’arbre du ciel, le mot que tu aimerais dire
se devine, s’illumine en celui de « visage »,
aucune nuit dans l’écho des syllabes.
Pierre Dhainaut, " Prédelle "
SI LÉGER… TU COURS
Si léger,
dans le nom défait de la saison passée,
tu cours.
Plus haut porte ta course,
l’été souffle
sa pente couvre l’horizon orange.
Tant de lettres et de pétales !
Les graminées plus certaines
énoncent l’ombre assignée.
L’hiver reclus,
nous jouons à découvrir avril.
Les coquelicots touchent le ciel.
Isabelle Lévesque " Ici, aux Andelys "