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Critique de sylviedoc


S'il continue dans cette veine, Yvan Fauth (alias mon ami @Gruz sur Babelio) va vraiment me rendre accro aux nouvelles, moi qui n'en lisait presque jamais il y a deux ans à peine ! Mais depuis qu'il m'a fait découvrir cette collection autour des sens qu'il dirige avec brio, je viens réclamer ma dose à chaque nouvelle parution. Et pour mieux s'assurer de ma dépendance, ce diable d'homme a eu une idée imparable à l'occasion de la parution du quatrième opus : organiser un concours sur son blog EmOtionS, dont le gagnant remporterait un exemplaire de "Respirer le Noir" dédicacé par chacun des 13 auteurs, rien que ça ! Et devinez quoi : j'ai gagné ! Dès lors, j'étais foutue...

Ah, il faut que je m'interrompe ; je viens de sentir une délicieuse odeur, oubliée depuis des mois ici : la PLUIE ! Je vais respirer cette fragrance digne des meilleurs parfums, après tant de sécheresse, à plus tard.

(15 minutes plus tard) Voilà c'est déjà fini, mais je m'en suis mis plein les narines ! Mais revenons à d'autres effluves, plus ou moins ragoûtants selon les textes.

Premier invité : R.J. Ellory himself, dans "Le parfum du laurier-rose", cette fleur "à la fois belle et mortellement vénéneuse". Andersen était un bon policier. Mais il a tué. Et pendant 29 ans, c'est l'odeur du sang qui le poursuivra du fond de sa cellule. Sauf parfois en rêve, où une petite victime innocente lui enverra le doux parfum abricoté du laurier-rose. Mais Andersen a purgé sa peine... Une de mes nouvelles préférées, où l'empathie ne va pas nécessairement là où on l'attendrait.

Sophie Loubière vient ensuite nous faire "Respirer la mort". Pas très engageant, présenté comme ça ! Surtout que ça commence par la tête d'un gamin enfoncée dans une bouse par son grand frère... En grandissant, Willy (l'embousé) développe des capacités olfactives extraordinaires, et parfois très gênantes : "tu sens la sardine", dira-t-il un soir à son père rentré plus tard qu'à l'accoutumée. Las, c'était plutôt la morue, comme le comprendra la mère ! Mais ce sens surdéveloppé va peu à peu prendre une place bien trop importante dans l'existence de Willy... Excellent texte également, qui figure dans mon top 5.

Franck Bouysse va m'emmener en territoire plus connu, en évoquant la triste vie d'un individu atteint du Fish-Odor Syndrom dans "Je suis un poisson". Je connaissais déjà cette affection par le biais d'un roman jeunesse ("la fourmi rouge" d'Emilie Chazerand") et je m'attendais donc à ce que l'auteur nous décrit de la vie sociale plutôt limitée des victimes de ce syndrome. Par contre la conclusion...chapeau ! Elle résonne d'ailleurs avec la fin du texte précédent, et avec une actualité pas encore enterrée. Un peu court à mon sens, mais Franck Bouysse a eu du nez !

"Cristal qui sent" de Mo Malo (tiens : ça m'évoque un autre cristal, celui de Théodore Sturgeon pour les férus de SF, et le clin d'oeil est certainement voulu !). Je ne connais pas encore cet auteur, mais il semble que ses romans se déroulent souvent dans le Grand Nord. ce texte ne fait pas exception, nous y suivons une expédition cherchant à localiser la sépulture de Villmussen, dernier compagnon de route d'un explorateur dont la mission s'était achevée tragiquement. Au cours de leur périple, ils vont tomber sur un mystérieux rocher doté d'une propriété inédite : il "sent". Et après en avoir réalisé un prélèvement, leurs propres capacités olfactives vont se modifier d'une façon incroyable. Et justement, je n'y ai pas vraiment cru, je n'ai pas réussi à rentrer dans cette histoire, peut-être parce qu'il faisait environ 40° à l'extérieur quand je l'ai lue ?

Changeons de décor avec "Deux heures et trente minutes", et partons pour le palais de l'Elysée, avec Dominique Maisons, auteur encore inconnu pour moi. Il y fait bien plus confortable, l'atmosphère y est feutré, mais un drame vient de s'y produire, qui pourrait menacer la sécurité de la nation tout entière. Et notamment son jeune dirigeant, dont l'évocation m'a fait sourire. retenez votre respiration, sinon tant pis pour vous ! Une nouvelle un peu plus légère, plaisante, mais qui ne marquera pas durablement ma mémoire, olfactive ou autre.

Mais la suivante, attention, là on entre dans du lourd ! Et pourtant François-Xavier Dillard nous emmène dans son "Happy world", un parc d'attraction qui m'a rappelé "Europa-park", un endroit de rêve où comme le héros, j'aimais emmener ma petite famille lorsque nos enfants étaient plus jeunes. le seul inconvénient de ces endroits, c'est qu'il faut faire d'interminables queues pour profiter des attractions les plus prisées. Et ça, Nicolas (le papa) ne le supporte pas. Samia (la maman) va donc se dévouer et poireauter dans la file d'accès du Speed Mountain, le dernier-né des manèges du parc. Pendant ce temps-là, Nico et les enfants vont faire un petit tour dans ces grosses bulles transparentes qui roulent sur l'eau, ça a l'air trop fun !
Pendant ce temps-là, un commando de sinistres individus s'apprête à diffuser le contenu de mystérieuses bonbonnes par le circuit d'irrigation du parc... Comme pour la plupart des lecteurs, cette histoire m'a prise à la gorge, je retenais mon souffle tout au long des 6 chapitres et de l'épilogue qui les conclut. C'est un texte élaboré malgré sa relative brièveté, il comporte tous les éléments que j'aime dans un roman. Dans le top 2 sans hésiter !

Après, la chute fut un peu brutale avec le "Glandy" d'Adeline Dieudonné que pourtant j'apprécie pour ses romans. Mais cette fois je n'ai pas accroché du tout. L'histoire serait tirée d'un fait divers, elle se passe juste avant la première guerre mondiale. Glandy est au service d'un petit notable, et supporte mal sa condition, surtout qu'il s'est amouraché de la fille de son patron. C'est Carnaval, et il s'imagine que sous un déguisement il pourra l'approcher et la séduire. le rapport avec le thème ? Très lointain, quelques odeurs évoquées, notamment celle du vomi après la cuite, miam-miam ! J'ai passé très vite à la nouvelle suivante...

Et celle-ci m'a flanqué un uppercut, car elle est très réaliste et pourrait fort bien être lue dans la page fait-divers d'un quotidien régional. C'est "Le monde d'après", d'Hervé Commère, et ça se passe dans le monde de maintenant, celui que nous connaissons depuis l'apparition d'un sale petit virus. Un village très tranquille, surtout depuis que la carterie Bellegrand, unique entreprise du coin, a dû fermer ses portes face à la concurrence étrangère. le petit lotissement construit à l'époque de la prospérité a été déserté, les habitants s'en vont chercher du travail sous d'autres cieux. Mais un jour, un agent immobilier se met en tête de redonner vie à ces pavillons abandonnés. Ce qu'il ignore, c'est qu'il y a très longtemps, un jeune garçon avait volé une clé de chacun des pavillons. Je n'ai absolument pas trouvé de lien avec le sens de l'odorat, je n'ai pas compris ce que cette nouvelle faisait dans ce recueil, mais à part ça j'ai vraiment beaucoup aimé.

"Miracle" de Vincent Hauuy, que je ne connaissais pas, et qui ne m'a vraiment pas transcendé avec son polar d'anticipation où il nous convie à une plongée neuronale dans la psyché d'un tueur comateux. Je me suis un peu perdue dans cette sombre histoire où le parfum" Miracle" de Lancôme tient un rôle essentiel. Sans plus, une des nouvelles que j'ai le moins aimée.

Jérôme Loubry, par contre, m'a énormément touchée avec "Les doux parfums du cimetière", l'histoire de Pierre qui a perdu sa mère et vient régulièrement lui parler sur sa tombe, lui raconter les autres visiteurs du lieu qu'il caractérise chacun par une odeur. On croise Monsieur Gâteau, ainsi nommé parce que le tabac de sa pipe rappelle à Pierre l'odeur des gâteaux que sa mère lui confectionnait. Madame Cerise et Patchouli, à cause de son parfum capiteux, qui vient "visiter" son mari et lui montrer sa poitrine opulente (ce que Pierre, caché derrière un arbre, ne manque jamais de guetter). Benoît, un joggeur qui passe par le cimetière pour raconter ses performances sportives à ses grands-parents devient Monsieur Vinaigre. Et bien d'autres encore, dont il épie les conversations avec leurs défunts. A cause de sa sensibilité particulière aux fragrances de chacun, il va devenir "le Nez de la Mort". Une histoire délicate, qui pourrait être triste mais que j'ai trouvée au contraire pleine de fraîcheur et très émouvante.

Place à Chrystel Duchamp, avec "L'amour à mort" qui nous mènera du paradis à l'enfer avec un passage par le purgatoire. En trois brefs chapitres, une histoire qui au départ paraissait banale va se transformer en un pur cauchemar. Très efficace, et bouchez-vous le nez, l'enfer ça ne sent pas bon !

Et enfin, pour clore ce festival dédié à notre sens de l'odorat, le duo de choc déjà présent dans les autres opus, isolément ou ensemble, j'ai nommé Barbara Abel et Karine Giebel, qui nous ont concocté "Petit nouveau", un titre dont nous comprendrons le sens à la toute fin du récit. On y retrouve un thème traité dans une autre des nouvelles présentées ici, mais cela n'a n' absolument pas nui à l'intérêt que j'y ai porté. je préfère ne pas trop en dire, mais si vous connaissez un peu ces deux auteures, vous vous douterez qu'il y aura de la noirceur, du suspense, plusieurs histoires qui s'imbriqueront, et un talent extraordinaire pour emporter le lecteur. Et tout ça en partant également d'un fait réel... Sans conteste, la meilleure histoire en cerise sur le gâteau bien odorant que nous a cuisiné Yvan !

Je me rends compte que ma critique est devenue aussi longue que mon nez, et qu'il faut que je reprenne mon souffle, que je respire une bonne bouffée d'air frais, et vous aussi sans doute. Comme entretemps la nuit est tombée, je vous invite à m'accompagner dans mon jardin, où enfin l'odeur piquante de l'herbe desséchée a cédé la place aux doux effluves de la terre mouillée.
Mais, c'est étrange, une odeur inconnue vient agresser mes narines...







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